Esclaves d’Afrique centrale :Benguela et Congo. Esclaves d’Afrique centrale et de l'ouest: Cabinda, Quiloa, Rebolla et Mina. Esclaves d'Afrique centrale : Benguela, Angola, Congo et Moniolo. Esclaves du Mozambique

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Diaspora : Histoire et Mythologies des origines 06/06/2004



Aux origines de la diaspora africaine se trouve la traite négrière...



Par Belinda Tshibwabwa Mwa Bay






Reseaux maritimes et territoriaux de la traite négrière





Aux origines de la diaspora africaine se trouve la traite négrière. Bien qu’à ce jour la présence africaine dans le Nouveau Monde, longtemps avant sa découverte par Christophe Colomb, soit attestée par des fouilles archéologiques sur des sites Mayas et Olmèques au Mexique, le déplacement et la dispersion massive de populations africaines sur le continent américain et la Caraïbe, débute au milieu du 16ième siècle. Mais en réalité la traite négrière existait déjà depuis 1450 et sa principale destination était l’Europe, où les premiers Africains, "curiosités" plus que main-d’œuvre, furent débarqués à Lisbonne par le prince du Portugal Henri le navigateur, qui avait déjà exploré la quasi-totalité des côtes de l’Afrique de l’ouest.

Le coup d’envoi du commerce triangulaire sera donné par les monarques espagnoles, qui accorderont en 1501, la permission à leurs colons des Caraïbes d'importer des esclaves noirs. Dès lors, les grandes puissances de l’époque, l’Angleterre, le Portugal et la France en tête, suivis de l’Espagne, de la Hollande et du Danemark, vont intensifier la traite négrière à travers un réseau maritime triangulaire. Les bateaux négriers, organisés en compagnies commerciales, quittaient l’Europe au départ des ports de Liverpool, Londres, Bristol, Lisbonne, Cadix, Amsterdam, Nantes, Bordeaux, La Rochelle et Dieppe.



convoi d'esclaves, 19ème siècle et esclaves entravés par le bois "mayombé"




Ils longeaient ensuite la côte ouest africaine en partant de l’ancienne Sénégambie, puis la côte occidentale jusqu’au sud de l’Angola, et après avoir contourné l’Afrique du sud par le Cap de Bonne espérance, remontaient toute la côte orientale comprise entre le Mozambique et Madagascar, et s’aventuraient même jusqu’au Kenya. L’ensemble de cette région côtière était parsemée d’une trentaine de comptoirs et de forts, où négriers européens et africains s’échangeaient étoffes, miroirs, armes, quincailleries, rhum et eau-de-vie contre "bois d’ébène". Cette marchandise humaine était principalement constituée de populations razziées par des souverains locaux, dont les plus illustres sont sans aucun doute les rois du Dahomey ( Bénin) et les Mani Kongo du royaume Kongo (RDC), souverains qui les faisaient acheminer par des intermédiaires noirs ou métis, sur des milliers de kilomètres parfois, enchaînés les uns aux autres, sans distinction de sexe et d’âge, à l’aide du "bois mayombe".



Fort anglais de Princestown, Cote d'or (Ghana), 1688




Ils rejoignaient ainsi pour être palpés, estimés, marchandés, stockés puis embarqués vers les Amériques, les forts anglais de Cape coast, de princestown au Ghana, les forts hollandais et danois de Nassau et Christianborg également au Ghana, les forts français de Gorée et de Saint-jacques en Sénégambie, les forts portugais d’Elmina au Ghana, de Benguella en Angola, de Lourenço de marques et de l’Ilha da Moçambique au Mozambique.



Position des corps des esclaves dans le bateau négrier français "l'Aurore" (1784)




En quittant les côtes africaines, les bateaux négriers pouvaient transporter à leur bord jusqu’à 600 esclaves entassés à fond de cale. La traversée de l’océan atlantique vers la Caraïbe où l’Amérique latine durait en moyenne, et par vent favorable, 3 mois. Les pertes en vies humaines durant le voyage, pour maladie, malnutrition, inanition ou tout simplement désespoir, étaient considérables et touchaient fréquemment plus de 80% des esclaves au début du trafic négrier, puis avec l’amélioration des bateaux ce chiffre tombait à 30%.

Si à l’heure actuelle les historiens spécialistes de la traite négrière ne parviennent pas à s’entendre sur les chiffres de ce trafic, c’est parce que leurs techniques de comptabilisation diffèrent. La plupart ne prennent pas en compte le nombre d’esclaves morts durant la traversée ou au moment des captures sur le continent africain, qui s’avéraient souvent très violentes. Ils ne se contentent que du nombre d’esclaves enregistrés à l’arrivée dans les différents ports des Amériques. Les estimations actuelles se situent donc entre 6 et 50 millions d’individus déportés entre la fin du 15ième et le milieu du 19ième siècle. Les Anglais, à eux seuls, sont responsables de près de la moitié de ces déportations, et après eux viennent les Portugais. Le trafic négrier a desservi au total une trentaine de pays et d’îles :



Disposition des esclaves sur le bateau négrier anglais "Brookes", 1788




Alaska, Canada, Etats unis, Mexique, Guatemala, Costa Rica, Salvador, Honduras espagnol et britannique, Nicaragua, Colombie, Venezuela, Guyane française, anglaise et hollandaise, Equateur, Pérou, Bolivie, Brésil, Paraguay, Uruguay, Chili, Argentine, Cuba, Jamaïque, Haïti, République dominicaine, Porto Rico, Barbade, Trinidad, Grenade, St Vincent, St Lucie, Dominique, Martinique, Guadeloupe, etc. Au 18ième siècle, la moyenne annuelle des esclaves déportés tournait autour de 70 000 individus. En matière d’importation, le Brésil bat tout les records avec près de 6 millions d’africains sur près de 3 siècles et demi de traite. Les Antilles françaises occupent la seconde position, suivies de très près par les Antilles anglaises, avec un total de 3 à 4 millions d’esclaves déportés. Puis viennent les Antilles et territoires espagnols et hollandais avec une estimation 1 à 2 millions individus. Et en dernier lieu, arrivent les états des sud des Etats unis, qui ont très rapidement préféré l’esclavage à la traite pour assurer la "reproduction" de leur main-d’œuvre.

Le troisième côté du triangle comportait l’itinéraire du retour, d’Amérique en Europe où se trouvait bouclée la "campagne de traite". En un seul voyage, qui durait entre 8 et 18 mois, trois cargaisons complètent avaient été vendues. Une fois leur marchandise humaine livrée aux colons des Amériques, les bateaux négriers les remplaçaient par du rhum, du sucre, de l’indigo, du café, etc. produits dans les plantations, mais quelques fois, ils repartaient aussi avec de l’or. Quant aux esclaves africains, une foule d’acheteurs se les arrachaient déjà pour les préparer à une vie de servitude, à laquelle ils ne survivaient en moyenne pas plus de 10 ans.



En haut Marché d'esclaves, Rio de Janeiro, Brésil, 1830; en bas vente d'une femme et de ses enfants (Surinam)





Les ouvrages parus ces 30 dernières années sur le trafic négrier, se sont généralement bornés à une approche quantitative de la traite négrière. A quelques chercheurs et exceptions près, la plupart de leurs données nous renseignent davantage sur les chiffres que sur les différents groupes ethniques déportés aux Amériques. Si nous savons de quelles zones géographiques ils ont été déracinés, il est parfois difficile de connaître leur répartition sur le continent américain et la Caraïbe. Un seul bateau négrier pouvait contenir des Africains de diverses origines, car les campagnes de razzias pouvaient dévaster des villages sur un rayon équivalent à la taille de l’actuelle République démocratique du Congo. Les négriers se contentaient alors la plupart du temps de les "identifier" en les baptisant du nom de la région ou du fort où ils avaient été enfermés avant leur départ pour les Amériques. La dispersion des membres d’une même ethnie ou d’une même famille, afin d’isoler les individus et les fragiliser, était pratiquée de manière systématique par les négriers et les colons. Ce conditionnement visait à prévenir toute rébellion et à rompre définitivement le lien filial entre les Africains et leur terre natale. Car s’ils ne pouvaient plus parler leur langue ni préserver leurs pratiques identitaires, ils perdraient tout repères, ce qui faciliterait leur soumission.



Fers aux initiales des acheteurs servant à marquer les esclaves




Mais suivant les pays où étaient achetés ces nouveaux arrivants, certains groupes ont pu se reconstituer et se distinguer, à travers des pratiques culturelles diverses, mais surtout religieuses. Les Portugais et les Espagnols étaient connus pour être beaucoup moins "psychorigides" que les Anglais et les Français, qui exigeaient une totale assimilation culturelle de leurs esclaves. Jusqu’au milieu du 19ième siècle, il était fréquent de croiser des esclaves se promenant entièrement nus dans les rues de Rio de Janeiro, alors que cela aurait été inimaginable en Virginie ou à la Nouvelle Orléans, et ce quelque soit l’époque. Le degré de "laxisme" des sociétés coloniales, mais aussi la capacité et les stratégies de survie des esclaves, sont donc proportionnels à l’importance et à la diversité des survivances africaines que l’on peut observer à l’heure actuelle. Dans ce domaine les populations noires des pays et îles hispaniques, du Brésil et surtout d’Haïti se démarquent nettement. Les cultes religieux en sont le meilleur exemple, car ils concentrent à eux seuls la majorité des pratiques identitaires africaines, tel que l’art culinaire, vestimentaire ou oral, qui sont sacralisés et transmis de générations en générations.

Bien qu’ils soient le fruit d’un syncrétisme entre christianisme, croyances indiennes, mais également d’autres religions africaines, leurs adeptes les rattachent systématiquement à l’Afrique de l’ouest. L’Umbanda et le Candomblé au Brésil, la Santeria à Cuba, le vaudou à Haïti, pour ne citer que les plus connus, sont considérés comme l’héritage des peuples Yorubas, Nâgos, Fanti-Ashanti et Fons, peuples dont la majorité des Afro-américains et des Afro-caribéens se disent être descendants, du moins ceux qui reconnaissent leur ascendance africaine. Pour eux, le lien avec l’Afrique se renoue essentiellement à travers la croyance en des divinités et des mythes, qui contrairement aux images misérabilistes que les médias leur renvoient du continent africain, leur permettent d’en avoir une vision positive. A travers Xhango, Oxhala, Yemanja ou encore l’empereur éthiopien Hailé Selassié pour les Rastafari, se dessine la quête d’une Afrique mystique et triomphante. Cette mythologie des origines a également été alimentée par des historiens, qui dans un élan "nationaliste", n’ont pas hésité à dire et à redire que leurs pays avaient reçu les meilleurs éléments "génétiques" et culturels de l’Afrique.



Affiche d’une vente de nouveaux Africains Charleston, Caroline du sud, 1769




C’est notamment le cas du sociologue brésilien Gilberto Freyre qui a défendu la thèse selon laquelle la majorité des esclaves déportés au Brésil était originaire de l’Afrique de l’ouest, et que ces derniers, "apport noble" au métissage brésilien, étaient génétiquement et culturellement supérieurs à ceux provenant de l’Afrique centrale. Il désignait essentiellement les esclaves Mina, originaires de la côte située entre le Ghana et le Bénin, et dont l’influence culturelle aurait été capitale dans le Nordeste brésilien au 18ième siècle. Il les décrivait comme alphabétisés, mahométans, communautaristes, farouches, créatifs, sophistiqués et d’une grande beauté physique, alors qu’il considérait les esclaves du Congo ou de l’Angola comme issus d’une civilisation inférieure techniquement et spirituellement, et leur reprochait surtout des traits négroïdes trop prononcés.

Si le prestige de ces groupes ethniques de l’Ouest africain, qu’ils soient d’origine ou recomposés, reste aussi vivace dans les religions et l’imaginaire afro-américain ou afro-caribéen, c’est sans aucun doute qu’ils ont joui d’un rayonnement et d’une réelle prédominance culturels sur les autres groupes. Or prédominance culturelle ne signifie pas prédominance démographique. Et les derniers travaux de recherche sur l’origine des populations déportées par le trafic négrier vers les Amériques, démontrent presque tous que la majorité de ces populations provenait de l’Afrique centrale. Bien entendu, les flux migratoires diffèrent selon les époques de la traite et certaines zones géographiques ont été ponctionnées plus que d’autres selon les périodes. Mais il ne fait plus de doute qu’au total, le Congo et l’Angola ont payé le plus lourd tribut au trafic négrier. On estime qu’entre 1486 et 1641, 1 389 000 esclaves furent embarqués du seul Angola et que près de 13 250 000 Africains sont partis de la seule région du Congo en 3 siècles et demi de traite.


  • Esclaves d'Afrique de l'Ouest



Du seul point de vue démographique donc, les Africains originaires des territoires compris entre les frontières actuelles du Cameroun, de la République centrafricaine, du Gabon, du Congo Brazzaville, de l’Angola et de la République démocratique du Congo, ces Africains étaient de loin les plus nombreux sur le continent américain et la Caraïbe. C’est le cas au Brésil où la population esclave de la ville de Rio de Janeiro comptait au 19ième siècle plus de 40% d’Africains du Centre ( Cabinda, Congo, Monjola, Angola, Cassange, Rebola, Benguella) contre 30% issus de l’Afrique orientale ( Inhamue, Moçambique ) et tout juste 20% issus de l’Afrique occidentale ( Mina, Calabar). Les Etats unis semblent être la seule exception, mais cela pourrait s’expliquer par la faible intensité du trafic négrier vers cette destination. Une étude sur la composition ethnique de l’élément servile de la Louisiane entre 1720 et 1810 a pu dénombrer 202 esclaves originaires de l’Afrique de L’ouest ( Sénégambie, Sierra Leone, Ghana, côte du Bénin et côte du Biafra), 102 esclaves originaires de l’Afrique centrale et 120 esclaves africains d’origines inconnues.


  • Esclaves du Nigeria et du Tchad : Kasuna,Yacoba, Nyffee, Umbuum,Goobar et Zamfra



De nos jours, les survivances culturelles des différents groupes ethniques importés de l’Afrique centrale sont essentiellement linguistiques, mais des recherches sur d’autres formes d’héritage sont en cours. Toutefois, les données démographiques sur le trafic négrier, prouvent que la focalisation des Afro-américains et des Afro-caribéens sur la "filiation ouest africaine", même si elle est effective, est loin d’être exclusive, ni même dominante. Il est vrai que toute quête identitaire passe par la construction imaginaire d’origines idéales et prestigieuses, qui semblent indispensables à l’estime de soi. Mais l’Afrique n’a rien d’un mythe ni d’un paradis perdu, et chercher à l’idéaliser ne fait qu’éloigner de sa réalité et donc de sa véritable identité. Fantasmer sur des dieux plutôt que d’aller à la rencontre des hommes, imaginer descendre d’un grand guerrier hausa plutôt que d’une modeste villageoise Makwa, font partie de ces mécanismes d’aliénation et de rejet que les Noirs de la diaspora s’infligent à eux-mêmes en réalité. Ils trouvent que l’Afrique et les Africains, tels qu’ils sont, ne sont pas assez bien. Mais la question est : Pas assez bien pour qui ?



Dans le sens des aiguilles d'une montre: Esclaves d’Afrique centrale :Benguela et Congo. Esclaves d’Afrique centrale et de l'ouest: Cabinda, Quiloa, Rebolla et Mina. Esclaves d'Afrique centrale : Benguela, Angola, Congo et Moniolo. Esclaves du Mozambique




Quelques groupes ethniques africains recensés aux Amériques et dans la Caraïbe au 18ième et 19ième siècles :

SENEGAMBIE: Wolof, Mandingo, Malinke, Bambara, Papel, Limba, Bola, Balante, Serer, Fula, Tucolor SIERRA LEONE: Temne, Mende, Kisi, Goree, Kru. CÔTE D’IVOIRE ET LIBERIA: Baoule, Vai, De, Gola (Gullah), Bassa, Grebo. GHANA: Ewe, Ga, Fante, Ashante, Twi, Brong, Mina CÔTES DU BENIN ET DU BIAFRA, NIGERIA : Yoruba, Nâgo, Nupe, Benin, Gege, Fon, Mina, Edo-Bini, Allada, Efik, Ibibio, Ijaw, Ibani, Igbo (Calabar) AFRIQUE CENTRALE : BaKongo, MaLimba, Ndunga, BaMba, BaLimbe, BaDonga, Luba, Loanda, benguela, Ovimbundu, Cabinda, Pembe, Imbangala, Mbundu,BaNdulunda

Biblio

-Roger BASTIDE, Les Amériques noires, L’Harmattan, Paris, 3e éd, 1996. -Gilberto FREYRE, Maîtres et esclaves , Tel Gallimard, Paris, 3e éd., 1997.

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