BIBLE of the FINANCE

Joseph Stiglitz agace. Ceux qui, il y a quelques années, en ont fait une icône de leur mouvement, les altermondialistes, trouvent qu'il sert désormais avec trop de zèle les gouvernements (Stiglitz a travaillé pour l'équipe d'Obama et conduit aussi une mission de réflexion pour Nicolas Sarkozy). Même agacement chez beaucoup de ses confrères économistes pour qui, depuis qu'il est une star, Stiglitz « brade » sa parole en prenant position sur l'air du temps. Qu'importe... Avec son allure de gros chat gourmand installé dans un fauteuil confortable devant le feu de cheminée d'un hôtel du coeur de Paris, Stiglitz assume : « Ma célébrité me permet d'être pédagogue et de faire passer le message auquel je crois. » Farouchement opposé au capitalisme sauvage, il croit aux bienfaits que celui-ci peut engendrer à condition d'être encadré et régulé. Nous l'avons rencontré à l'occasion de la sortie du « Triomphe de la cupidité ».

Les marchés monétaires et financiers sont nés de l’éthique. Il faut donc commencer par là ! L’éthique n’est pas une bénédiction de fin de journée pour se mettre en règle avec Dieu ou sa conscience : toute l’organisation financière procède d’un projet de société, d’un désir de communion qui s’étend aujourd’hui à toute la planète du fait de la dynamique de mondialisation. La monnaie n’a pas été inventée pour enrichir les banquiers. Elle a été créée pour faciliter les échanges en les multilatéralisant.

ont trop d’argent peuvent prêter à ceux qui n’en n’ont pas assez. Là aussi, on voit que la finance est au service d’une communion entre les hommes. La monnaie est donc le signe et l’instrument d’un pacte social qui n’a rien à voir avec un individualisme forcené et égoïste. Ne pas comprendre la vraie nature sociale de la finance, c’est se condamner tôt ou tard à la déroute, car elle ne peut pas fonctionner sans ce but collectif. La finance est au service de l’économie, et l’économie est au service de l’homme. L’éthique n’est donc pas un idéal qui viendrait contester le cynisme de la cupidité. L’éthique est le fondement absolument nécessaire de l’organisation financière si l’on veut que la technique ne devienne pas folle. La révolution communiste qui a voulu en finir avec l’économie sociale de marché n’a pas sauvé la Russie. Elle procédait d’un idéalisme inopérant et finalement destructeur. Mais la cupidité érigée en vertu n’a pas davantage sauvé l’Amérique. Ce cynisme anthropologique n’était pas plus réaliste. Car la cupidité est une pathologie aux conséquences dévastatrices elle aussi.

Oui, ce que le moine Evagre le Pontique (346-399) appelait les huit mauvais esprits qui sont devenus les sept péchés capitaux n’a rien de suranné. L’un de ces sept péchés a été traduit par le mot « avarice ». Mais il s’agit en fait de la cupidité, c'est-à-dire d’un rapport maladif à la richesse.

Dans la tradition biblique, la richesse n’est pas un mal. [Elle est une bénédiction de Dieu] à condition de ne pas en faire un dieu.

L’argent est un bon serviteur, mais un mauvais maître.

  • Il n’est pas rationnel d’organiser sa vie personnelle et la vie sociale autour du seul

objectif d’enrichissement, car la richesse suprême, dans la tradition biblique, est : l’amour fraternel, expression du divin, car « Dieu est amour » (1 Jn, 4,16). La motivation vraie, durable et constructive de l’homme n’est donc pas la cupidité mais l’amour fraternel. Elle se construit par l’éducation dès le plus jeune âge. Elle est le substrat éthique qui permet le fonctionnement efficient des marchés : « Que votre oui soit un oui et que votre non soit un non » (Mt 5,37). Toute crise financière possède donc une dimension technique mais aussi une dimension éthique, car le fonctionnement des marchés est lié à la culture, comme l’a noté très tôt Max Weber dans L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme. Une économie sociale de marché ne pourra fonctionner durablement que si les agents économiques usent avec sagesse des choses qui passent pour s’attacher à celle qui ne passe pas, c'est-à-dire l’amour fraternel. Mépriser cette réalité spirituelle, c’est s’exposer à des bulles spéculatives qui peuvent nuire au développement économique réel.



paradoxe a pour source le cœur de l’homme qui est « compliqué et malade » (Jr 17,9). Il revient à la famille, à l’école, aux associations et aux communautés religieuses d’éduquer à un juste rapport à l’argent, qui se traduit par les vertus de détachement, de travail et de partage.



Refuser cette dimension éthique à l’homme et ne pas la faire grandir dans le monde, c’est détruire les bases sociales d’une meilleure allocation des ressources. C’est donc contribuer au malheur immédiat des pauvres, au déséquilibre écologique de la planète et à la misère spirituelle des riches.

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