Toussaint Louverture (1743 - 1803)

L'héritier noir des Lumières

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Héros méconnu de la Révolution française, Toussaint Louverture réalise à 50 ans passés le rêve des Lumières en arrachant la liberté des esclaves aux planteurs de Saint-Domingue (aujourd'hui Haïti).

Cette guerre de libération, la première qui arrive à ses fins, survient dans la colonie la plus riche de l'hémisphère occidental. Spartacus haïtien

François Toussaint est né dans l'habitation Bréda, une plantation sucrière proche du Cap-Français, la grande ville du nord de la colonie. On croit savoir que c'est le fils d'un chef africain du Bénin qui a été déporté comme esclave. Son lieu de naissance lui vaut d'être d'abord appelé Toussaint à Bréda.

L'enfant bénéficie de la protection du gérant de la plantation, Baillon de Libertat, ce qui lui permet de ne jamais travailler dans les champs mais à l'habitation, auprès de son maître. Il s'occupe des bêtes, devient cocher et, à 33 ans, en 1776, obtient d'être affranchi.

Il épouse une jeune noire libre, Suzanne Simon-Baptiste, qui a déjà un enfant métis, Placide. Le couple s'installe dans une plantation de 13 hectares, avec une vingtaine d'esclaves, ce qui lui vaut une honnête aisance. Il aura au moins deux enfants, Isaac et Saint-Jean.

L'ancien esclave apprend à lire et écrire. Sans doute prend-il connaissance d'un livre fameux de l'abbé Raynal, l'Histoire des Deux Indes où l'on peut lire : «Il ne manque aux nègres qu'un chef assez courageux pour les conduire à la vengeance et au courage. Où est-il, ce grand homme, que la nature doit peut-être à l'honneur de l'espèce humaine ? Où est-il ce Spartacus nouveau, qui ne trouvera point de Crassus ? Alors disparaîtra le Code noir. Et que le Code blanc sera terrible, si le vainqueur ne consulte que le droit de représailles».

Toussaint est un catholique fervent, réputé aussi pour ses talents médicaux et sa connaissance des herbes médicinales. Mais bien qu'étranger au culte vaudou, il se montre bouleversé par l'insurrection des esclaves du Bois-Caïman, dans la nuit du 22 au 23 août 1791, à l'initiative d'un prêtre vaudou, et rejoint les insurgés.

Ceux-ci battent la campagne sous les ordres de plusieurs chefs fantasques, Boukman ou encore Georges Biassou.

Le 27 novembre 1791, trois commissaires débarquent au Cap. Ils amènent de Paris un décret par lequel l'Assemblée nationale revient sur l'égalité des droits accordée le 15 mai précédent aux hommes de couleur nés de parents libres.

Du coup, les mulâtres libres se rangent du côté des esclaves noirs. La guerre civile menace de se généraliser quand survient un nouvel ordre de Paris : par la loi du 4 avril 1792, la Législative accorde la citoyenneté à tous les libres.

Au terme de ces volte-face successives, qui excluent toujours la libération des esclaves, toute la colonie sombre dans l'anarchie. Les Blancs ne tiennent plus guère que les villes avec le concours incertain des mulâtres.

Toussaint, quant à lui, combat avec les esclaves révoltés. Aux côtés du chef Georges Biassou, il fait très vite la preuve de son courage ainsi que de ses talents de stratège. Le surnom de L'ouverture ou Louverture s'ajoute à son nom en raison de la bravoure avec laquelle il enfonce les brèches !

La situation ne s'arrange pas avec l'arrivée à l'automne 1792 d'un commissaire de la Convention, Sonthonax. Cet avocat de la Société des Amis des Noirs se soucie assez peu de ceux-ci mais traque sans pitié les planteurs en lesquels il voit des suppôts de l'Ancien Régime. Général galonné

L'Espagne étant entrée en guerre contre la République française, les chefs insurgés se laissent séduire par les propositions du gouverneur de la partie espagnole de l'île de Saint-Domingue (aujourd'hui la République dominicaine). Ils entrent à son service avec des titres ronflants et de beaux uniformes. C'est ainsi que Toussaint Louverture se voit propulser général.

Toussaint L'ouverture (1743-1803)La colonie française, troublée par la guerre civile, se voit qui plus est assaillie par les Espagnols et les troupes de Toussaint Louverture d'un côté, la flotte anglaise de l'autre. Le général en chef Étienne Laveaux obtient de la Convention qu'elle consente enfin à voter le décret d'abolition de l'esclavage qui permettra de rallier les Noirs. C'est chose faite le 16 pluviôse An II (4 février 1794).

Toussaint, qui supporte mal de passer derrière Biassou et comprend que les Espagnols ne sont pas prêts à libérer les esclaves, choisit de rejoindre le camp républicain avec ses hommes.

Il combat désormais aux côtés du général Laveaux avec le grade de général de division. Il chasse les Anglais, devient le gouverneur de la colonie, encourage les planteurs à revenir et oblige ses frères de couleur à travailler comme salariés dans les plantations dont ils étaient auparavant les esclaves.

Fort de ses succès, il s'empare de la partie espagnole de l'île et se désigne Gouverneur général à vie le 8 juillet 1801. N'ayant plus qu'un lien virtuel avec l'ancienne métropole, il administre son île en toute indépendance et conclut même des accords de commerce avec les États-Unis et la Grande-Bretagne.

Ce gouvernement n'est pas de tout repos. Les lieutenants de Louverture, Jean-Jacques Dessalines, Christophe et son neveu Moyse sont à couteaux tirés. Moyse, chargé de maintenir l'ordre dans la région du nord, ne peut empêcher le massacre de 200 Blancs. Louverture, qui le soupçonne de vouloir s'emparer du pouvoir, le fait arrêter et juger par un tribunal commandé par un général blanc. Le jeune homme est exécuté le 25 novembre 1801.

Le gouverneur, au sommet de la puissance, respecté par les Blancs comme par est sans illusion sur sa position. À une Blanche de la haute société qui le prie de devenir le parrain de son fils, il oppose un refus poli. Il comprend que la femme est seulement motivée par le désir d'obtenir une place pour son mari et que son fils pourrait plus tard pâtir de ce parrainage...

À Paris, le Premier Consul Bonaparte n'accepte pas les velléités autonomistes de Toussaint Louverture et son irritation déborde quand il reçoit de celui-ci une lettre intitulée : «Du Premier des Noirs au Premier des Blancs». Décidé à le remettre à la raison, il lui envoie une puissante armée de 25.000 hommes sous les ordres de son beau-frère Leclerc.

Le 2 mai 1802, peu après la capitulation de la forteresse de Crête-à-Pierrot, Toussaint Louverture, traqué, propose sa soumission à Leclerc. Il obtient de se retirer sur l'une de ses plantations. Mais il est arrêté le 7 juin suivant, à la suite d'une dénonciation de son lieutenant Jean-Jacques Dessalines. Il est envoyé au fort de Joux, dans le Jura, l'un des endroits les plus froids de France, où il ne tarde pas à mourir !

Entretemps, à Saint-Domingue, les Noirs se sont une nouvelle fois soulevés après qu'ils eussent appris le rétablissement de l'esclavage en Guadeloupe par le général Richepanse. Sous la conduite de Dessalines et Christophe, ils vont avoir raison des troupes de Leclerc et Rochambeau. En devenant indépendante le 1er janvier 1804, Haïti onsacre la victoire posthume de Toussaint Louverture. Bibliographie

On peut lire sur Toussaint Louverture une biographie fouillée de Pierre Pluchon (Fayard, 1989). À noter aussi une étude d'Aimé Césaire : Toussaint Louverture, La Révolution française et le problème colonial (Présence africaine, 1981). Fabienne Manière


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Toussaint Louverture (1743?-1803) né esclave, puis affranchi, traitera d'égal à égal avec Napoléon avant d'etre enfermé sans jugement au fort de Joux où il mourra en détention Toussaint Louverture (1743?-1803) né esclave, puis affranchi, traitera d'égal à égal avec Napoléon avant d'etre enfermé sans jugement au fort de Joux où il mourra en détention

Toussaint Louverture et l’indépendance d’ Haïti

Le 18 novembre 1803, ce qui reste de l’armée française capitule devant les anciens esclaves. La colonie française de St-Domingue va devenir le 1er Etat noir indépendant le 1er janvier 1804 sous le nom de Haïti. St-Domingue est une partie de l'île d’Hispanolia, "découverte" (l'île est habitée quand Colomb la "découvre") par Christophe Colomb le 6 décembre 1492. Dès 1502, les premiers esclaves africains sont amenés pour remplacer les premiers habitants indiens de l'île victimes du travail forcé, de la colonisation européenne, des maladies.

En 1697, par le traité de Ryswick, l’Espagne cède une partie d’Hispanolia à la France. Saint-Domingue devient la plus prospère des colonies françaises de l’époque grâce à ses plantations de sucre et ses esclaves. Un peu avant la révolution française, St Domingue compte près de 600 000 habitants dont 500 000 sont des esclaves.

Les grands blancs qui possèdent tous les privilèges, présentent leurs doléances lors des états généraux français. Les affranchis sont des mulâtres, des anciens esclaves libérés ou des Noirs libres, et n’ont pas l’égalité civique, mais ils la revendiquent au nom de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Enfin les esclaves composent la 3è classe sociale et veulent obtenir la liberté et l’égalité. La situation est tendue et les révoltes sont nombreuses. Le 8/3/1790, l’assemblée française reconnaît les droits des affranchis, et les colons effrayés, menacent de se proclamer indépendant ou de s’allier à l’Angleterre. A St-Domingue, la situation se dégrade et un esclave prêtre vaudou prénommé Bockman, déclenche le 22 août 1791 une insurrection qui se répand dans toute l'île. Les espagnols et les anglais attaquent les positions françaises. l'île s’embrase.

Le 29 août 1793, un ex-esclave du nom de Toussaint Louverture publie un manifeste : "Je suis Toussaint Louverture,mon nom s’est peut-être fait connaître jusqu’à vous. Je veux que la liberté et l’égalité règnent à St-Domingue. Je travaille à les faire exister. Unissez-vous à nous, frères, et combattez avec nous pour la même cause". Toussaint assisté de ses lieutenants Dessaline et Christophe ne tarde pas à devenir incontournable et s’empare de la plus grande partie de l'île et conquiert même la partie espagnole. Face à la révolte des esclaves, les commissaires de la république française Sonthonax et Polverel se résignent à proclamer la liberté des esclaves. (29 août 93, 4 septembre 93). La convention généralise ces décisions en abolissant l’esclavage dans les colonies françaises. (4 fevrier 1794).

En me renversant, on n’a abattu que le tronc de l’arbre de la liberté des Noirs ; il repoussera par les racines parcequ’elles sont nombreuses et profondes Toussaint Louverture après sa capture



En 1802, Napoléon rétablit l'esclavage qui avait pourtant été aboli une 1ère fois en 1794...l'esclavage sera définitivement aboli par la France en 1848 En 1802, Napoléon rétablit l'esclavage qui avait pourtant été aboli une 1ère fois en 1794...l'esclavage sera définitivement aboli par la France en 1848 © uni-koblenz.de

Les planteurs mécontents font appel aux anglais. 7500 soldats venus de Jamaique débarquent en mai 1794 et s’emparent de Port au Prince, la capitale d’Haiti. Toussaint Louverture décide de s’allier avec les français et intervient avec ses troupes aux côtés du général Labeaux. Il est nommé général de division par la convention en août 1794. Les anglais sont bientôt battus. En octobre 1798, il reçoit la reddition au nom de la république française, puis prend en main le gouvernement de l'île. En août 1801, le libérateur de St-Domingue proclame l’autonomie de l'île et se proclame gouverneur à vie de la nouvelle république.

Ces décisions n’enchantent guère Napoléon qui gouverne la France avec le titre de 1er consul. Napoléon veut rétablir l’esclavage, et est encouragé par Joséphine, originaire de la Martinique, et par les planteurs. Il veut également rétablir l’autorité française à St-Domingue par la force. En février 1802, 23 000 hommes arrivent sous le commandement du général Leclerc, puis en mai 1802, 3 500 hommes supplémentaires arrivent sous le commandement du général Antoine Richepance.

Les combats sont féroces dans l'île et les troupes envoyées par Napoléon n’arrivent pas à triompher de Toussaint. Puisque le combat loyal ne suffit pas, d’autres méthodes seront utilisées. Leclerc écrit une lettre à Toussaint dans laquelle il invite ce dernier à le rejoindre car le sujet qu’ils doivent aborder est impossible à traiter autrement que lors d’une rencontre en tête à tête. Toussaint est prévenu par plusieurs personnes que Leclerc lui tend en fait un piège.

Il décide néanmoins de se rendre au rendez-vous (7 juin 1802). A peine est-il arrivé qu’il est arrêté par traîtrise. Il quitte l'île prisonnier à bord d’un bateau prénommé, ironie du sort, "le héros"! Il est enfermé sans jugement dans le fort de Joux dans le Juras où il décède le 7 avril 1803. Peu auparavant, le 2 novembre 1802, Charles Leclerc est lui-même mort victime de la fièvre jaune... comme la grande majorité de ses soldats.

Un nouveau renfort de 10.000 hommes est expédié à Haïti sous le commandement du vicomte Donatien de Rochambeau (fils du commandant du corps expéditionnaire français dans la guerre d'Indépendance des États-Unis) qui s’illustrera par les atrocités commises sur les populations noires (1). Rochambeau n'obtient pas de meilleur résultat. Ses troupes épuisées sont défaites le 18 novembre 1803 en un lieu dit Vertières et il doit se rendre le jour même au successeur de Toussaint Louverture, le général Jacques Dessalines.

Les garnisons françaises de l'île capitulent les unes après les autres et l'ancienne colonie proclame son indépendance le 1er janvier 1804. Elle reprend le nom de Haïti que donnaient à l'île ses premiers habitants amérindiens. C’est la naissance d’un Etat noir en Amérique, issu d’une colonie esclavagiste européenne et qui s’est libéré par ses propres forces. L’indépendance d’ Haïti ne sera pourtant reconnue que près de 20 ans plus tard par la France. En effet, les ex-colons de St-Domingue, s’estimant lésés par la perte de leurs esclaves, réussiront à obtenir de la France une indeminisation de la part d’Haïti.

"A Paris, le 17 avril 1825, Charles, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre voulant pourvoir à ce que réclament l’intérêt du commerce français et les malheurs des anciens colons de St-Domingue (...) les habitants actuels de la partie français de St-Domingue verseront à la Caisse générale des Dépôts de consignation de France (...) la somme de 150 millions de francs, destinée à dédommager les anciens colons qui réclameront une indemnité". Charles X se décide à reconnaître l’indépendance de l’ex colonie en 1825 en échange d’une indemnité de 150 millions de francs. Les ex-esclavagistes seront donc indemnisés par les ex-esclaves(!) Les Haïtiens vont acquitter les échéances de ces indemnités jusqu’en 1938 et l'Etat haïtien contractera un emprunt pour payer lesdites indemnités, ce qui ne fut peut-être pas sans conséquence sur le développement de l'île.

(1) Rochambeau fera par exemple venir à Haiti 600 bouledogues dressés à manger des Noirs. Ces chiens avaient été dressés par les colons espagnols de La Havane pour s’attaquer aux Noirs. Au lieu d’eau, ces chiens buvaient du sang et se nourrissaient de chair (...) Le général Ramel reçut, le 15 germinal 1803 (5 avril 1803), à la Tortue où il se trouvait, une lettre du Général Rochambeau ainsi libellée : je vous envoie, mon cher commandant, un détachement de cent cinquante hommes de la garde nationale du Cap, commandé par M.Barri, il est suivi de 28 chiens bouledogues (...) je ne dois pas vous laisser ignorer qu’il ne vous sera passé en compte aucune ration, ni dépense pour la nourriture des chiens. Vous devez leur donner des Nègres à manger. Je vous salue affectueusement. Signé : Rochambeau

Le général Ramel ajoutera que Rochambeau trouvait très déplacée sa répugnance à se servir des chiens : "je ne pus jamais lui faire entendre raison".

(1) cité par Rosa Amelia Plumelle Uribé, la férocité blanche, des Non-blancs aux Non-aryens. Editions Albin Michel, 2001

on a livré tous les Blancs à la férocité des Noirs, et on ne veut même pas que les victimes soient mécontentes. Eh bien ! Si j’avais été à la Martinique, j’aurais été pour les Anglais, parcequ’avant tout il faut sauver sa vie. Je suis pour les Blancs parce que je suis Blanc. Je n’ai pas d’autres raisons et celle-là est la bonne. Comment a t-on pu donner la liberté à des Africains, à des hommes qui n’avaient aucune civilisation, qui ne savaient seulement ce qu’était la France ?



Napoléon Bonaparte

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