Grioo.com   Grioo Pour Elle     Village   TV   Musique Forums   Agenda   Blogs  
   RECHERCHER : Sur Grioo.com  Sur Google 
 Accueil  Rubriques  Archives  News pays     Contact   Qui sommes-nous ?     

Créer votre blog | Administrer votre blog |Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

jeudi 25 mars 2010

________Ces dictateurs qui ont piégé la franc-maçonnerie: « Si Dieu tue un riche, il tue un ami ; s’il tue un pauvre, il tue une canaille » proclame le romancier ivoirien Ahmadou Kourouma, dans sa critique des dictatures africaines(1).

Histoire complexe et souvent douloureuse que celle de la franc-maçonnerie en terre noir-africaine. Infiltrée par les réseaux affairistes, inféodée aux dictatures en place, l’institution qui prône l’idéal de fraternité a bien du mal à faire entendre sa voix. Derrière ce constat affligeant, des maçonnes et maçons africains œuvrent pour que justice et égalité deviennent une réalité. Eclairage sur une franc-maçonnerie source d’incompréhensions.

« Si Dieu tue un riche, il tue un ami ; s’il tue un pauvre, il tue une canaille » proclame le romancier ivoirien Ahmadou Kourouma, dans sa critique des dictatures africaines(1). Goût du pouvoir sans limites, ignorance des populations civiles, culte de l’apparence, sont les attributs de la grande majorité pour ne pas dire de l’intégralité des dirigeants africains passés et présents. Denis Sassou N’Guesso et Pascal Lissouba, au Congo Brazzaville, Omar Bongo et son fils Ali au Gabon, François Bozizé en République Centrafricaine, Idriss Déby au Tchad, tous se sont illustrés dans des guerres fratricides, perpétrant massacres et désolations. Et tous sont francs-maçons, ont vécu le rituel si symbolique du passage sous le bandeau lors de l’initiation, qui doit permettre à l’homme de renaître et devenir meilleur. Le constat est amer et les interrogations multiples. Alors que la maçonnerie occidentale a insufflé démocratie, émancipation des hommes et accroissement des libertés, la maçonnerie africaine, n’aurait-elle engendré que des potentats sanguinaires, trahissant les valeurs de l’institution même qui les a accueillis ? Faut-il parler d’échec et ignorer les maçonnes et maçons africains qui cherchent à instaurer plus d’humanité et de valeurs citoyennes dans leur pays ? Comprendre la maçonnerie africaine, ses particularités, et son imbrication dans le politique, c’est d’abord remonter aux origines de son implantation.

La colonisation et l’émergence d’une maçonnerie « paternaliste »

Dès le XIXème siècle, les grandes puissances européennes, surtout la France et la Grande-Bretagne convoitent le continent africain. La colonisation, au-delà des arguments économiques évidents, avec la mainmise et l’exploitation des richesses locales est perçue comme un acte civilisateur des populations. Cette vision sera partagée par de grands humanistes, défenseurs des droits de l’homme, Jules Ferry et Léon Gambetta pour ne citer qu’eux. Mais elle pose d’emblée les bases d’un paternalisme, où situation dominante de ceux qui savent, les blancs, sur les ignorants, les indigènes. La franc-maçonnerie qui apparait alors sur le continent africain suivra assez naturellement cette tendance. Le 9 mai 1781, une première loge voit le jour, la Respectable Loge Saint-Jacques des vrais amis rassemblés, à l’orient de Saint-Louis du Sénégal. Ce sera ensuite la création de loges au Maroc, en Tunisie, à Madagascar, en Guinée, au Congo(2).



L'intégralité de cet article est disponible dans le n°3 de franc-maçonnerie magazine, en vente

  • chez votre marchand de journaux.

lire la suite

______Qui est Maître Mao Zedong, ou Mao Tsé-toung, ou Mao Tsé-Tung, ou Mao Tsö-Tong : « le prophète dans l'initiation de l'opium », Nature du décès Crise cardiaque "Le Petit Livre rouge" Un des plus grand cofondateurs du Parti communiste chinois

Un des cofondateurs du Parti communiste chinois (Shanghai, 1921), Mao Zedong parvint progressivement à s'en faire reconnaître comme le dirigeant suprême, notamment lors de l'épisode de la Longue Marche (1934-1935). Après de longues années de guérilla contre les nationalistes du Kuomintang dirigés par Tchang Kaï-Chek, ainsi que contre l'envahisseur japonais pendant la guerre sino-japonaise (1937-1945), Mao sortit vainqueur de l'ultime phase de la guerre civile chinoise, avec la victoire de l'Armée populaire de libération (1949). Il proclame la République populaire de Chine, le 1er octobre 1949 à Pékin ; il en sera le président de 1954 à 1959. Ses principaux postes, qu'il occupa jusqu'à sa mort en 1976 et qui faisaient de lui le numéro un du régime, étaient ceux de Président du parti communiste et de Président de la Commission militaire centrale, le premier lui garantissant la maîtrise du Parti, et le second celle des forces armées.

Mao Zedong imposa à la population le collectivisme communiste et la dictature du parti unique, en suivant d'abord de très près le modèle soviétique. Au nom de la définition d'une « voie chinoise vers le socialisme », il se démarqua ensuite progressivement de l'URSS et fut l'inspirateur direct du Grand Bond en avant (1958-1960), politique économique qui s'est soldée dans les campagnes par la plus vaste et la plus meurtrière famine qu'ait connu le XXe siècle.

Mis dès lors sur la touche par ses collaborateurs, il souleva les étudiants chinois contre la direction du Parti pour reprendre le pouvoir, livrant la Chine à la violence effrénée des gardes rouges au cours de la confuse Révolution culturelle (1966-1969). Ayant éliminé ses rivaux, disgracié les gardes rouges et rétabli l'ordre à son profit, il fit l'objet d'un culte de la personnalité porté à son paroxysme et rapprocha alors le plus la Chine populaire d'un État de type totalitaire (1969-1976). Il entama cependant une détente internationale et un rapprochement avec l'Occident, qui permit la réintégration de la Chine dans le concert mondial (entrée à l'ONU, 1971), et laissa son fidèle Premier ministre Zhou Enlai décréter le programme des « Quatre Modernisations » (1975). Celui que l'on surnomme « le Grand Timonier » mourut sans avoir désigné de successeur et la Chine réhabilita peu après un certain nombre de ses victimes, tout en s'ouvrant à une certaine forme d'économie de marché.

Les œuvres théoriques de Mao et sa pratique politique ont donné naissance au courant marxiste-léniniste connu sous le nom de maoïsme.

  • Enfance et formation révolutionnaire

Mao Zedong est le fils aîné d'une famille relativement prospère de Shaoshan dans le département de Xiangtan, province de Hunan. Ses ancêtres étaient venus de la province du Jiangxi sous la dynastie Ming et s’étaient installés comme paysans. Sa langue natale était non pas le mandarin mais le xiang, dialecte en grande partie intelligible des autres chinois mais qui restera caractéristique de ses discours, mais aussi de ses faibles capacités en langues : il ne maîtrisera jamais le putonghua, la langue standard chinoise que son propre régime a mise en place.

En 1908, son père le maria à une de ses nièces, Luo, de quatre ans son aînée. En 1936, Mao prétendit à Edgar Snow n'avoir jamais vécu avec elle. Elle mourut en 1910. De par ce mariage, Mao devint un adversaire acharné des mariages arrangés.

Durant la révolution chinoise de 1911, Mao s’engagea dans un régiment local du Hunan. Cependant son aversion pour le service militaire le conduisit à retourner à l’école à Changsha. En 1917 il fonda avec Cai Hesen (1895-1931) l' « Association d'études pour le renouveau du peuple »1. En 1918, il fut diplômé de la première école normale provinciale du Hunan. Il se mit à voyager avec son professeur Yang Changji, son futur beau-père, jusqu’à Pékin où il passa les événements du mouvement du 4 mai en 1919.

Yang était professeur à l’université de Pékin. Grâce à la recommandation de Yang, Mao travailla comme aide bibliothécaire à l’université sous les ordres de Li Dazhao. Mao s’enregistra comme étudiant à temps partiel à l’université et suivit des cours et séminaires dispensés par des intellectuels célèbres comme Chen Duxiu, Hu Shi, Qian Xuantong, etc. Durant son séjour à Pékin, il lut énormément ce qui lui permit de se familiariser avec les théories communistes. Il se maria avec sa condisciple Yang Kaihui, la fille du professeur Yang.

Employé à la bibliothèque de Pékin, Mao Zedong révéla par la suite sa rancune envers les lettrés chinois, qui méprisaient son origine paysanne. Il garda toutefois un goût pour la poésie et la calligraphie, devenu célèbre par la suite.

À l'inverse de certains de ses éminents contemporains révolutionnaires, tels que Zhou Enlai, Mao rejeta l'idée d'aller étudier en France. Hors l'aspect financier du périple, l'idée a été avancée que les faibles capacités linguistiques de Mao l'avaient découragé : la langue chinoise étant déjà un obstacle (le dialecte du Hunan étant sa référence principale). Par exemple, on remarque qu'il ne s'est rendu qu'une seule fois en Union soviétique, en novembre 1957. Plus tard, il déclara que c’était parce qu’il croyait fermement que les problèmes de la Chine pouvaient être étudiés et résolus en Chine. Il est souvent avancé que Mao s'est très tôt penché sur les problèmes de la paysannerie. Il apparaît au contraire que c'est assez tard que le problème paysan est devenu un point important pour lui : c'est quand le Kuomintang lui a commandé des articles pour des revues consacrés au monde paysan qu'un semblant d'intérêt, n'étant même pas à son initiative, a laissé des traces dans sa biographie.

Le 23 juillet 1921, à l’âge de 27 ans, Mao participa à la première session du congrès du parti communiste chinois à Shanghai : il semble qu'il n'ait pris aucune part active aux débats, face aux autres participants impliqués depuis plus longtemps que lui dans la cause révolutionnaire. Deux ans plus tard, il fut élu un des cinq commissaires du comité central du parti au cours de la session du troisième congrès.

Mao resta un certain temps à Shanghai, une ville importante où le PCC essayait de promouvoir la révolution. Mais après que le parti eut rencontré des difficultés majeures en essayant d'organiser les mouvements syndicalistes et que ses relations avec son allié nationaliste, le Kuomintang se furent détériorées, Mao perdit ses illusions de faire la révolution à Shanghai et retourna à Shaoshan. Durant son retour à la maison, Mao réanima son intérêt dans la révolution après avoir été mis au courant des soulèvements de 1925 à Shanghai et Canton. Il s'en fut alors dans le Guangdong, la base du Kuomintang, et prit part à la préparation du deuxième congrès national du parti nationaliste.

Il y travailla activement pour le Kuomintang, obéissant à cet égard aux directives du Kremlin, qui souhaitait développer un réseau étendu de taupes communistes déclarées ou officielles ; cependant son engagement au sein du Kuomintang, opportuniste, lui a valu d'être taxé de traître par les autres communistes. C'est une période de sa vie qui est largement oblitérée de l'histoire officielle chinoise.

Au début 1927, Mao retourna dans la province du Hunan où, dans une réunion du parti communiste, il fit un rapport sur les conclusions qu'il tirait des soulèvements paysans à la suite de l'expédition du Nord. Ceci est considéré comme le point de départ initial mais décisif vers l'application des théories révolutionnaires de Mao.

De la guérilla à la révolution Dans la première partie de sa vie politique, Mao Zedong a été influencé par le Mouvement du 4 mai 1919, le rejet de la culture classique, de l'impérialisme et l'apport d'idées socialistes. En 1927, Mao conduisit le soulèvement de la récolte d’automne à Changsha, dans la province du Hunan, en tant que commandant en chef. Mao était à la tête d’une armée, appelée l’« armée révolutionnaire des travailleurs et des paysans », mais fut vaincu et isolé après des batailles violentes. Ensuite, les troupes épuisées furent forcées de quitter la province du Hunan pour le village de Sanwan, situé dans les montagnes du Jinggang Shan dans la province du Jiangxi, où Mao réorganisa ses forces. Mao demanda aussi que chaque compagnie ait une cellule du parti avec un commissaire qui puisse donner des instructions politiques sur la base d’instructions supérieures. Ce réarrangement militaire initia le contrôle absolu du PCC sur ses forces militaires et a été considéré comme ayant eu l'impact le plus fondamental sur la révolution chinoise. Ultérieurement, Mao déplaça plusieurs fois son quartier général dans les Jinggang Shan.

Dans les Jinggang Shan, Mao persuada deux chefs rebelles locaux de se soumettre. Mao fut rejoint par l’armée de Zhu De, créant ainsi l’"armée rouge des travailleurs et des paysans de Chine", mieux connue sous le nom d’Armée rouge chinoise.

De 1931 à 1934, Mao établit la République soviétique chinoise du Jiangxi et fut élu président de cette petite république dans les régions montagneuses du Jiangxi. C’est là qu'il se maria avec He Zizhen - sa précédente épouse Yang Kaihui avait été arrêtée et exécutée en 1930.

Au Jiangxi, la domination autoritaire de Mao, en particulier dans le domaine militaire, fut défiée par la branche du PCC du Jiangxi et par des officiers. Les opposants de Mao, parmi lesquels le plus important était Li Wenlin, le fondateur de la branche du PCC et de l’armée rouge au Jiangxi, s’opposaient aux politiques agraires de Mao et à ses propositions de réforme de la branche locale du parti et des dirigeants de l’armée. Mao réagit d’abord en accusant ses opposants d’opportunisme et de koulakisme et les supprima d’une manière systématique. Le nombre de victimes est estimé à plusieurs milliers et pourrait atteindre 186 000 (ref : Chine: L'archipel oublié by Jean-Luc Domenach, pg 47.) Grâce à ce terrorisme, l’autorité de Mao et sa domination du Jiangxi fut renforcée.

Jung Chang et Jon Halliday estiment qu'à son apogée, la république soviétique chinoise couvrait quelques 150 000 km2 pour une population de dix millions d'habitants. Ils indiquent également que, rien que sur la zone centrale du Jiangxi et du Fujian, le régime communiste fit, en trois ans, 700 000 victimes (assassinats, suicides, travaux forcés,...), soit 20 % de la population.

Mao, avec l’aide de Zhu De, construisit une armée modeste mais efficace, et entreprit des expériences de réforme rurale et de gouvernement, et offrit un refuge aux communistes qui fuyaient les purges droitistes dans les villes. Les méthodes de Mao sont normalement considérées comme celles d’une guérilla ; mais Mao faisait une distinction entre guérilla (youji zhan) et guerre mobile (yundong zhan). La guérilla de Mao ou sa guerre mobile se reposait sur une armée rouge qui avait un armement et une formation dérisoire mais comprenait des paysans pauvres encouragés par des passions révolutionnaires et ayant foi dans l'utopie communiste.

Dans les années 1930, Il n’y avait pas moins de dix régions considérées comme “régions soviétiques” sous le contrôle du PCC et le nombre de soldats de l’armée rouge avoisinait les cent mille. La multiplication des “région soviétiques” étonnait et ennuyait Tchang Kaï-chek, président du Kuomintang, qui lança cinq campagnes contre les territoires communistes. Plus d’un million de soldats du Kuomintang furent impliqués dans ces campagnes, quatre d’entre elles ayant été repoussées par l’armée rouge conduite par Mao.

La Longue Marche, un mythe moderne Article détaillé : Longue Marche. Après la fondation de la République soviétique chinoise du Jiangxi sur le modèle russe, Mao Zedong peine à s'imposer dans la hiérarchie du Parti. Considéré comme un modéré, voire un droitiste, il découvre une méthode soviétique qu'il n'oubliera plus par la suite : les purges. Il parvient à asseoir une certaine autorité en procédant ainsi à un régime de la terreur, s'appuyant sur le prétexte de contrecarrer des "AB" (anti-bolchéviques), ou sous d'autres étiquettes. Du fait de ses choix stratégiques toujours pris en fonction de son intérêt personnel, au risque de milliers de morts inutiles, il est déconsidéré par ses pairs, et ce n'est qu'à grand-peine qu'il serait parvenu à rejoindre le contingent des troupes de l'Armée populaire, dans ce qui sera pompeusement appelé plus tard la Longue Marche.

Manœuvrant sans cesse pour grimper dans la hiérarchie militaire et politique, en menaçant ses proches collaborateurs de leur faire porter la responsabilité de ses propres erreurs, il parvient à faire tourner en rond le contingent des troupes devant opérer la jonction avec le contingent du Nord, sous la direction d'un chef plus puissant et donc menaçant pour son autorité. Les troupes conduites par Mao Zedong pratiquaient couramment le pillageréf. nécessaire pour assurer leur approvisionnement, aussi il semble tout à fait faux de considérer la Longue Marche comme un mouvement fédérateur du monde paysan : ceux-ci étaient terrorisés, et préféraient la domination du parti nationaliste de Tchang Kaï-chek, moins violent.

Il semble aussi falloir considérer le fait que Tchang Kaï-chek ait toléré dans une large mesure le mouvement des troupes de l'Armée populaire, d'une part à cause du soutien théorique de l'Union soviétique, mais aussi parce que le Kremlin retenait en otage le fils du leader nationaliste. Tchang aurait ainsi sciemment permis aux troupes communistes de réaliser la jonction avec les troupes du nord.



Mao Zedong durant les négociations de 1945 avec Tchang Kaï-chek, en compagnie du diplomate américain Patrick J. Hurley.Durant la guerre sino-japonaise, les communistes s'allient aux nationalistes contre les Japonais, dans le cadre du deuxième front uni. Mao ne perd cependant pas de vue la perspective de la reprise du combat contre le Kuomintang : plutôt que des attaques frontales des troupes communistes contre l'armée japonaise, il préconise des actions de guérilla, afin d'épargner les effectifs et de permettre au PCC de consolider ses forces. Peu après la fin du conflit contre les Japonais, et malgré les efforts de médiations des États-Unis, la guerre civile entre communistes et nationalistes reprend.

Avènement de la République populaire de Chine Le 1er octobre 1949, à Pékin, du balcon de la Cité interdite des anciens empereurs, Mao Zedong proclame l'avènement de la République populaire de Chine. Cette prise de pouvoir met fin à une longue période de guerre civile marquée par l'invasion japonaise et la Longue Marche, le Kuomintang s'étant exilé à Taïwan.

Après son accession au pouvoir, Mao répéta les erreurs de gestion économique, le plus souvent catastrophiques pour son pays ; son intelligence des rouages du pouvoir était en revanche hors du commun, ce qui lui permit de rester en place jusqu'à sa mort.

Les Cent fleurs Article détaillé : Campagne des Cent Fleurs. En 1957, avec la campagne des Cent Fleurs (symbolisant « cent écoles, cent opinions qui s'expriment »), Mao encourage la liberté d'expression de la population, exhortant en particulier les intellectuels à critiquer le Parti. Mais le mouvement prend rapidement une ampleur qu'il n'avait pas envisagée : les critiques explosent littéralement, échappant bien vite à son contrôle et le menant à une violente campagne de répression. Certains analystes politiques, chinois notamment, pensent que cette campagne ne fut qu'un piège : laisser s'exprimer les intellectuels dissidents pour mieux les réprimer2,3.

Le « Grand Bond en avant » Article détaillé : Grand Bond en avant.



Mao et Staline en 1949Jusqu'au milieu des années 1950, la République populaire de Chine a copié avec zèle le modèle soviétique, puisqu’elle a consacré la plus grande part des investissements au développement industriel. Toutefois, dès 1955, Mao Zedong est partisan d’une voie spécifiquement chinoise du socialisme, qui s’appuierait sur la paysannerie (plutôt que sur la classe ouvrière) et passerait par une collectivisation accélérée.

Ainsi, entre 1958 et 1960, Mao met en œuvre le « Grand Bond en avant », un mouvement de réformes industrielles censé permettre de "rattraper le niveau de production d'acier de l'Angleterre" en seulement 15 ans. Des communes de production sont organisées au niveau local et toute la population, et par dessus tout le monde paysan, est sommée d'y apporter sa contribution. Mao place dans la force du peuple, du "prolétariat" des espoirs démesurés : les paysans seront surexploités, on leur demandera de tout faire en même temps, des récoltes à la production sidérurgique.

Malgré les efforts surhumains déployés, c'est une catastrophe. La main d'œuvre inexpérimentée produit des biens d'une qualité exécrable tandis que les récoltes, faute de temps, pourrissent sur pied. Le « Grand Bond en avant » se solde donc par un échec cuisant et engendre une famine d'une ampleur désastreuse. Elle fera, selon les estimations, entre 20 et 43 millions de victimes4. Mao Zedong, après avoir longtemps ignoré le désastre ou rejeté la cause de la non-efficacité de son programme sur des éléments extérieurs, comme l'action de contre-révolutionnaires ou encore les catastrophe naturelles, se retrouve en minorité au Comité de direction du Parti communiste. De plus, la confiance du peuple en l'idéologie de Mao est fortement ébranlée. Il doit quitter son poste de Président de la République, mais demeure Président du parti.

La révolution culturelle Article détaillé : Révolution culturelle. La révolution culturelle (1966-1976), durant la période de troubles et de contestations qui suit le catastrophique Grand Bond en avant, lui permet de reprendre le pouvoir et les rênes du pays. Entamée afin de réhabiliter Mao dans son pouvoir, elle commence à la suite d'une polémique que lance son épouse Jiang Qing. La « révolution culturelle » incite les jeunes à prendre le pouvoir, à se révolter contre les fonctionnaires corrompus, désormais « ennemis du peuple » — les gardes rouges (qui ne sont autres que les étudiants « révolutionnaires ») sont créés à cette occasion.

Comme lors du mouvement des « Cent Fleurs », la polémique échappe au contrôle de Mao et le tout se soldera une fois de plus par une violente répression armée, un massacre sanglant. Suite à cela, beaucoup d'intellectuels seront envoyés en rééducation, soit forcés à quitter les villes pour partir vivre à la campagne où ils subiront un dur apprentissage du métier de paysan et une partie considérable du patrimoine culturel chinois est détruit à cette occasion. Au sortir de cette nouvelle crise, le peuple chinois sera définitivement traumatisé, tant par les atrocités physiques que par les incroyables violences morales (telles que les fameuses « autocritiques », humiliations publiques d'une cruauté morale traumatisante). Le goulag chinois, le Laogai est bien plus peuplé que son équivalent russe ; ses conditions de détention n'y sont pas meilleures.



29 février 1972 : rencontre historique de Nixon et Mao à PékinÀ la fin de son règne, Mao Zedong changea sa stratégie d'autarcie en invitant le président américain Richard Nixon en Chine, préfigurant la politique d'ouverture de Deng Xiaoping. Par cette rencontre, les deux leaders entendaient contrebalancer la puissance de l'Union soviétique.

Par la suite, la politique idéologique extrême menée par Mao Zedong a fait l'objet de critiques ouvertes au sein du Parti communiste chinois, qui met fin au culte de la personnalité et à l'idolâtrie qu'il avait lui-même organisée et intensifiée à la fin de sa vie. Le limogeage de la Bande des Quatre, dont son épouse, Jiang Qing, qui a eu lieu rapidement après sa mort prouve bien à quel point sa politique était tombée en disgrâce, tant dans les hautes sphères du parti que dans l'esprit populaire.

Dans l'historiographie officielle chinoise, il reste néanmoins considéré comme le grand libérateur de la Chine et le constructeur de la Chine moderne. Mao étant le fondateur du régime chinois actuel, son image continue d'être honorée, bien que la politique économique suivie aujourd'hui par ses successeurs n'ait plus guère de points communs avec le maoïsme.

La propagande de Mao Zedong Le culte de la personnalité



Bas reliefs symbolisant la Longue Marche sous l'étendard de Mao Zedong devant son mausolée à Pékin, place Tian'anmen. Autel avec les portraits de Mao Zedong et du 10e Panchen Lama, dans une taverne tibétaine en 2007, au YunnanLe culte de la personnalité de Mao Zedong prend ses racines dans la Longue Marche, lors de laquelle il s'est imposé comme leader charismatique. Comme ce fut le cas sous l'URSS stalinienne, le style de propagande réaliste-socialiste originel de l'art officiel a évolué ensuite vers une déification marquée de Mao, à l'opposé des premières représentations où il est situé aux côtés des paysans et ouvriers, dans une relation d'égal à égal. À partir de la révolution culturelle, date de son retour au pouvoir, l'effigie de Mao, idéalisée, est située dans le ciel, détachée du commun des mortels.

Le village natal de Mao Zedong, Shaoshan dans le Hunan, est toujours le lieu de pèlerinage pour de nombreux Chinois, donnant lieu à ce que l'on appelle parfois un « tourisme rouge ».

Le Petit Livre rouge



Badge à l'effigie de Mao Zedong.Des citations choisies ont été rassemblées et publiées dans les années 1960 sous le nom de Petit Livre rouge, très en vogue pendant la Révolution culturelle. Les premières éditions étaient préfacées par une calligraphie de Lin Biao et furent mises au pilon lorsque ce compagnon de Mao tomba en disgrâce. Les éditions qui circulaient en France au moment de Mai 68 étaient munies de cette préface.

Un bilan controversé Mao Zedong reste un des personnages les plus connus et les plus passionnément controversés du XXe siècle et de l'histoire de Chine.

C'est lui qui en définitive restaura l'unité et l'indépendance nationale de la Chine, au terme de décennies de divisions intestines et de « semi-colonisation » par l'Occident. Des partis et groupuscules maoïstes à travers le monde continuent à révérer Mao comme un grand révolutionnaire dont la pensée serait la quintessence du marxisme. Dans le monde, des hommes souvent à mille lieues du marxisme et du maoïsme ont salué en lui un stratège militaire de génie, un patriote ayant su rendre sa dignité à son pays, un leader du Tiers-Monde et un personnage d'une envergure historique peu commune, dont l'épopée fascine encore aujourd'hui.

Mais de plus en plus d'historiens démontent la légende et insistent sur les travers de l'homme et sur le dictateur aux choix ayant causé la mort de plusieurs dizaines de millions de personnes en Chine (65 millions selon Le Livre noir du communisme, 70 millions selon Mao. L'histoire inconnue). Les carences des programmes les plus significatifs de Mao – le Grand Bond en avant et la Révolution culturelle surtout - ont été vivement mises en avant, leur coût se chiffrant aujourd'hui en dizaines de millions de morts5, sans oublier le gaspillage énorme de ressources et d'énergies, d'incontestables régressions économiques, écologiques et techniques, ainsi que l'étouffement à terme de la créativité culturelle chinoise. Les historiens occidentaux ont vu dans son exercice du pouvoir un autoritarisme typique des dirigeants totalitaires : mise en place d'un parti unique (et donc régime autoritaire et anti-démocratique), propagande, primauté du militaire, État policier (arrestations arbitraires, tortures, ...), endoctrinement politique dès l'enfance, autocritiques obligatoires, camps de concentration (le laogai), répression des minorités (Ouïghours), expansion territoriale (occupation du Tibet, lancée en octobre 1950), eugénisme ... Ce trait ultra-répressif, commun à la plupart des pays ayant adopté un régime stalinien (URSS, Cambodge, Corée du Nord...), est à replacer dans le contexte du déclin de l'impérialisme colonial, puis de la guerre froide.

En outre, il reste délicat d'évaluer dans l'action et les idées de Mao la part de l'idéologie socialiste, souvent largement utilisée comme propagande de façade, et la part des jeux de pouvoir en sa faveur, qui semblent avoir dominé ses choix politiques pour la Chine. Il est également difficile de juger de la place de Mao dans la continuité de la très longue histoire chinoise : rupture radicale avec le passé, ou règne d'un nouvel empereur de Chine d'une nature inédite ? Presque jamais sorti de Chine, ne parlant aucune langue étrangère, nourri de la culture classique de l'ancien Empire du Milieu, lui-même poète, calligraphe et écrivain à ses heures, Mao semble à beaucoup avoir souvent autant puisé dans l'héritage de Confucius que dans celui de Karl Marx.

lire la suite

___Adolf Hitler né en 1889 à Braunau am Inn en Autriche : le « prophéte Baal»: la mise à mort industrielle, chambres à gaz; la persécution antisémite; Théories racistes, Le maître de l'Europe occupée : exploitation et terreur.. Guerre mondiale

  • LE DIABLE INCARNEE SUR TERRE... (le mal absolu)

satanique est mon blaze..

  • L'immonde bête écarlate (satan personnifié) code : Hfsds 999666wwwdshfs

Adolf Hitler, né le 20 avril 1889 à Braunau am Inn en Autriche (alors en Autriche-Hongrie) et mort par suicide le 30 avril 1945 à Berlin, est un homme politique allemand, fondateur et figure centrale du nazisme, instaurateur de la dictature totalitaire désignée sous le nom de Troisième Reich.

Porté à la tête de l’Allemagne par le Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP) qu’il reprit en 1921, il devient chancelier du Reich le 30 janvier 1933, puis se fait plébisciter en 1934 comme président, titre qu’il délaissa pour celui de Führer (« guide »). Sa politique expansionniste fut à l'origine du volet européen de la Seconde Guerre mondiale, pendant lequel il fit perpétrer de très nombreux crimes contre l’humanité, dont la Shoah reste le plus marquant. À la postérité, l’ampleur sans précédent des destructions, des pillages et des crimes de masse dont il fut le responsable, tout comme le racisme radical singularisant sa doctrine et l'inhumanité exceptionnelle des traitements infligés à ses victimes, lui ont valu d'être considéré de manière particulièrement négative par l'historiographie, par la mémoire collective et par la culture populaire en général. Son nom et sa personne font généralement figure de symboles répulsifs2.

L'orateur charismatique du parti nazi (1919-1922)



Quelques poses d'Adolf Hitler en train de discourir, photos de Heinrich Hoffmann en 1930.Début septembre 1919, Hitler est chargé de surveiller un groupuscule politique ultra-nationaliste, le Parti ouvrier allemand, fondé un an plus tôt par Anton Drexler. Sur la fin d'une réunion dans une brasserie de Munich, il prend à l'improviste la parole pour condamner vivement une proposition d'un orateur. Remarqué par Drexler, il se laisse convaincre peu après d'adhérer, et transforme vite le parti en Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP).

Son magnétisme et ses capacités d'orateur en font un personnage vite prisé des réunions publiques des extrémistes de brasserie. Ses thèmes favoris — antisémitisme, antibolchevisme, nationalisme — trouvent un auditoire déjà réceptif. Mobilisant de plus en plus de partisans, il se rend vite assez indispensable au mouvement pour en exiger la présidence, que le groupe dirigeant initial lui abandonne dès avril 1921 après un ultimatum de sa part. Du fait de ses talents d’agitateur politique, le parti gagne rapidement en popularité, tout en restant très minoritaire.

Hitler dote son mouvement d'un journal, le Völkischer Beobachter, lui choisit le drapeau à croix gammée pour emblème, fait adopter un programme en 25 points (en 1920) et le dote d'une milice agressive, les Sturmabteilung (SA). Il change également de style vestimentaire, s'habillant constamment de noir ou en tenue militaire, c'est à cette époque également qu'il se coupe la moustache devenant un de ses traits physiques célèbres.

Au départ, Hitler se présente comme un simple « tambour » chargé d'ouvrir la voie à un futur sauveur de l'Allemagne encore inconnu. Mais le culte spontanément apparu autour de sa personnalité charismatique dans les rangs des SA et des militants le fait vite se convaincre qu'il est lui-même ce sauveur providentiel. À partir de 1921-1922, la conviction intime qu'il est désigné par le destin pour régénérer et purifier l'Allemagne vaincue ne le quitte plus10,11.

Son narcissisme et sa mégalomanie ne font en conséquence que s'accentuer, comme sa prédominance absolue au sein du mouvement nazi. C’est ce qui le différencie d'un Mussolini, au départ simple primus inter pares d'une direction collective fasciste, ou d'un Staline, qui ne croit pas lui-même à son propre culte, fabriqué tardivement pour mieux asseoir sa victoire sur Trotski et sur la vieille garde bolchevique.

Inspiré par la lecture du psychologue Gustave Le Bon, Hitler met au point une propagande hargneuse mais efficace.

« L'idée centrale de Hitler est simple : lorsqu'on s'adresse aux masses, point n'est besoin d'argumenter, il suffit de séduire et de frapper. Les discours passionnés, le refus de toute discussion, la répétition de quelques thèmes assénés à satiété constituent l'essentiel de son arsenal propagandiste, comme le recours aux effets théâtraux, aux affiches criantes, à un expressionnisme outrancier, aux gestes symboliques dont le premier est l'emploi de la force. Ainsi, quand les SA brutalisent leurs adversaires politiques, ce n'est pas sous l'effet de passions déchaînées, mais en application des directives permanentes qui leur sont données. » — Henri Burgelin, « Les succès de la propagande nazie », in L'Allemagne de Hitler, p. 124.

De sa vie, Hitler n'accepta jamais un débat rationnel ni contradictoire et ne parla que devant des auditoires acquis12.

En janvier 1922, Hitler est condamné à trois mois de prison (dont deux avec sursis) pour « troubles à l’ordre public ». Il purge cette peine à la prison de Stadelheim de Munich entre juin et juillet 1922. Il est même menacé d’être expulsé de Bavière.

  • Le putsch manqué de Munich (9 novembre 1923)


Les personnalités inculpées lors du procès d'Adolf Hitler en 1924, photo d'Heinrich HoffmannArticle détaillé : Putsch de la Brasserie. Admirateur fervent de Mussolini (dont un buste ornera durablement son bureau), Hitler rêve d'avoir à son tour sa « marche sur Rome » qui le fasse accéder au pouvoir par la force13.

En novembre 1923, alors que l'économie s'est effondrée avec l'occupation de la Ruhr, que le Papiermark rongé par l'hyperinflation ne vaut plus rien et que des entreprises séparatistes ou communistes secouent certaines parties de l'Allemagne, Hitler croit le moment venu pour prendre le contrôle de la Bavière avant de marcher sur Berlin et d'en chasser le gouvernement élu. Les 8 et 9 novembre 1923, il conduit avec le maréchal Erich Ludendorff le coup d'État avorté de Munich connu comme le Putsch de la Brasserie. Le complot bâclé est facilement mis en déroute, et lors d'un heurt de ses troupes avec la police devant la Feldherrnhalle, Hitler est lui-même blessé tandis que sont tués 16 de ses partisans, promus ultérieurement « martyrs » iconiques du nazisme.

Le NSDAP est aussitôt interdit. En fuite, Hitler est arrêté le 11 novembre, inculpé de conspiration contre l’État, et incarcéré à la prison de Landsberg am Lech. À partir de cet instant, il se résoudra à se tourner tactiquement vers la seule voie légale pour arriver à ses fins.

Mais dans l'immédiat, il sait exploiter son procès en se servant de la barre comme d'une tribune : la médiatisation de son procès lui permet de se mettre en vedette et de se faire connaître à travers le reste de l'Allemagne. Les magistrats, reflétant l'attitude des élites traditionnelles peu attachées à la République de Weimar, se montrent assez indulgents à son égard. Le 1er avril 1924, il est condamné à cinq ans de réclusion criminelle pour « haute trahison », dont il purgera moins d'une année, à la prison de Landsberg am Lech.

Constitution définitive d'une idéologie (1923-1924) Pendant sa détention, il dicte à son secrétaire Rudolf Hess son ouvrage Mein Kampf, récit autobiographique, et surtout manifeste politique, appelé à devenir le manifeste du mouvement nazi. Hitler y dévoile sans fard l’idéologie redoutable qu’il a achevé de se constituer depuis 1919 (Weltanschauung), dont il ne variera plus et qu’il cherchera à mettre en pratique14.

Outre sa haine de la démocratie, de la France « ennemie mortelle du peuple allemand », du socialisme et du « judéo-bolchevisme », sa doctrine repose sur sa conviction intime à base pseudo-scientifique d’une lutte darwinienne entre différentes « races » foncièrement inégales. Au sommet d’une stricte pyramide, se trouverait la race allemande ou « race des Seigneurs », qualifiée tantôt de « race nordique » et tantôt de « race aryenne » et dont les plus éminents représentants seraient les grands blonds aux yeux bleus. Cette race supérieure doit être « purifiée » de tous les éléments étrangers, « non-allemands », juifs, homosexuels, ou malades, et doit dominer le monde par la force brute. Au traditionnel pangermanisme visant à regrouper tous les Allemands ethniques dans un même État, Hitler ajoute la conquête d’un Lebensraum indéfini, à arracher notamment à l’Est aux « sous-hommes » polonais et slaves. Enfin, Hitler parle constamment d’« éradiquer » ou d’« anéantir » les Juifs, comparés à des vermines ou des poux, qui ne sont pas seulement pour lui une race radicalement inférieure, mais aussi radicalement dangereuse.

Hitler a principalement emprunté sa vision ultra-raciste à Gobineau et à H. S. Chamberlain, son culte du surhomme à Nietzsche, son obsession de la décadence à Oswald Spengler et, enfin, les concepts de race nordique et d'espace vital à Alfred Rosenberg, idéologue du parti. Il puise aussi dans la « révolution conservatrice » animée par Arthur Moeller van den Bruck, dont il a lu l'ouvrage Le Troisième Reich.

Dans la fiche signalétique établie par les renseignements français dès 1924, Adolphe Hitler est inscrit comme journaliste et est qualifié de Mussolini allemand ; succèdent ces notes : Ne serait que l'instrument de puissances supérieures : n'est pas un imbécile mais très adroit démagogue. Aurait Ludendorf derrière lui. Organise des Sturmtruppen genre fasciste. Condamné à 5 ans de forteresse avec possibilité de sursis après 6 mois de détention.15. A la demande de Pascal Hénaff, le second prénom d'Adolphe Hitler est confirmé comme étant Jacob par Sciences et Avenir en avril 200916.

Après seulement treize mois de détention et malgré l’opposition déterminée du procureur Stenglein, il bénéfice d’une libération anticipée le 20 décembre 1924.

Réorganisation du parti (1925-1928) Craignant d’être expulsé vers l’Autriche, Hitler renonce à la nationalité autrichienne le 30 avril 1925. Devenu apatride et bien qu’il soit interdit de parole en public jusqu’au 5 mars 1927, il reconstruit son parti et retrouve une certaine popularité.

Si ses succès électoraux restent modestes avant 1928, le NSDAP rend ses structures plus performantes et s’étend géographiquement. Il diversifie ses organisations de masse en créant des associations qui ciblent chacune une catégorie sociale : étudiants, paysans, ouvriers, femmes, intellectuels, jeunes (Hitlerjugend fondée en 1926), etc. Le Parti nazi constitue ses forces en contre-société et en contre-gouvernement susceptibles, le jour venu, de se substituer de plain-pied au pouvoir en place17.

Allié à Julius Streicher, un propagandiste antisémite pornographe et très violent, dont la clientèle est centrée sur la ville de Nuremberg, Hitler fait de celle-ci la ville des congrès du parti. Le parti est implanté en Allemagne du Nord par les frères Otto et Gregor Strasser, qui mettent plus qu’Hitler l’accent sur le côté socialiste du nazisme et souhaitent l’alliance avec l’URSS contre les « ploutocraties » occidentales. Face à ces derniers, ses seuls concurrents sérieux pour la direction du parti, Hitler renforce son autorité personnelle.

C’est à partir de cette date qu’il impose comme obligatoire dans le parti le salut nazi prononcé bras tendu — Heil Hitler ! ou, si l’on est face à lui, Heil mein Führer ! —, un rappel permanent de sa suprématie. C’est de cette époque aussi que date l’entrée en scène de Joseph Goebbels, Gauleiter de Berlin, l’un de ses plus fidèles soutiens — lequel, proche des frères Strasser au départ, avait d’abord traité Hitler de « petit-bourgeois » et demandé son exclusion du parti, avant de succomber à son charisme en 1926 et de devenir un des hommes clef du système nazi.

Les SA, la brutale milice du parti qui s’illustre dans les agressions et les combats de rues, posent plus de problèmes à Hitler par leur recrutement plébéien assez large et par leur discipline souvent incertaine. La base des SA est partisane d'une « seconde révolution » et exaspérée par les compromis que doit faire le Parti nazi dans sa conquête du pouvoir. Leurs sections berlinoises, commandées par Walter Stennes, iront même jusqu'à saccager à plusieurs reprises les locaux du parti nazi entre 1930 et 193118. Dès 1930, confronté à cette grave mutinerie de leur part, Hitler rappelle de Bolivie son ancien complice du putsch de 1923, Ernst Röhm, qu’il avait mis lui-même sur la touche en 1925 : ce dernier reprend leur tête et rétablit en partie l’ordre dans leurs rangs.

Mais pour permettre à Hitler d’équilibrer la puissance des SA, c’est dès 1925 qu’Heinrich Himmler crée pour lui la SS : chargée de sa garde personnelle, cet « ordre noir », futur instrument de la terreur policière et génocidaire, est une élite beaucoup plus dévouée à la personne même du Führer que les SA. Hitler a toute confiance dans « le fidèle Heinrich », comme il qualifie cet exécutant à l’obéissance aveugle, qui lui voue une admiration notoirement fanatique.

Hitler, dont le train de vie personnel ne cesse de s'embourgeoiser, s'attache aussi à se rendre respectable et rassurant aux yeux des élites traditionnelles. Pour rallier celles-ci, mieux se distinguer des frères Strasser et faire oublier son image d'agitateur plébéien et révolutionnaire, il se prononce par exemple pour l'indemnisation des princes allemands expropriés en 1918 au référendum de 1927. Le magnat de la Ruhr, Fritz Thyssen, lui apporte ainsi son soutien public.

En 1928, le NSDAP marque le pas et peine à remonter la pente : seuls 2,6 % des votants lui accordent leur confiance aux élections législatives du 28 mai, et il compte moins de 180 000 membres. Mais il n’a plus de concurrent sérieux à l’extrême-droite, car de multiples groupuscules et petits partis de la mouvance völkisch (« nationale-raciste ») ont périclité après 1924-1925, tandis que le vieux maréchal Ludendorff, ancien participant du putsch de la Brasserie qu’Hitler avait habilement poussé à se présenter à la présidentielle de 1925, s’est disqualifié par son score médiocre.

En 1929, pour mieux mener campagne contre le plan Young sur les réparations de guerre dues à la France, le magnat de la presse et chef nationaliste Alfred Hugenberg s'est allié à Hitler, dont il a besoin des talents oratoires, et a financé la campagne de propagande qui a permis au Führer des nazis de se faire connaître dans toute l'Allemagne.

Les fruits de la réorganisation portent à partir de cette date, quand le contexte général devient favorable avec le début d'une grave crise politique et économique.

  • La « résistible ascension » d'Adolf Hitler (1929-1932)


Adolf Hitler en 1932 Évolution en pourcentage du chômage en Allemagne de 1926 à 1940Comme le suggérera à raison Bertolt Brecht par le titre célèbre de sa pièce La Résistible Ascension d'Arturo Ui, âpre satire antinazie, la marche au pouvoir d'Adolf Hitler ne fut ni linéaire ni irrésistible. Toutefois, elle fut favorisée après 1929 par un contexte de crise exceptionnel, et par les faiblesses, les erreurs ou le discrédit de ses adversaires et concurrents politiques.

L'Allemagne n'avait derrière elle en 1918 qu'une faible tradition démocratique. Née d'une défaite et d'une révolution, la République de Weimar s'était mal enracinée, d'autant que serviteurs et nostalgiques du Kaiser restaient très nombreux dans l'armée, l'administration, l'économie et la population. Le Zentrum catholique, parti membre de la coalition fondatrice de la République, s'engage dans une dérive autoritaire à partir de la fin des années 1920, tandis que communistes, nationalistes du DNVP et nazis continuent de refuser le régime et de le combattre. Enfin, le culte traditionnel des grands chefs et l'attente diffuse d'un sauveur providentiel prédisposaient une bonne part de sa population à s'en remettre à Hitler.

État-nation très récent et fragile, traversé de multiples clivages géographiques, religieux, politiques et sociaux, l'Allemagne entre en plus dans une nouvelle phase d'instabilité politique à partir de 1929. Après le décès de Gustav Stresemann, artisan avec Aristide Briand du rapprochement franco-allemand, la chute du chancelier Hermann Müller en 1930 est celle du dernier gouvernement parlementaire. Il est remplacé par le gouvernement conservateur et autoritaire de Heinrich Brüning, du Zentrum.

Monarchiste convaincu, le très populaire maréchal Paul von Hindenburg, porté à la présidence de la République en 1925, cesse de jouer le jeu de la démocratie à partir de 1930. Il se met à gouverner par décrets, nommant des cabinets à ses ordres de plus en plus dépourvus de la moindre majorité au Parlement, usant et abusant de son droit de dissolution du Reichstag — utilisé pas moins de quatre fois de 1930 à 1933. Les institutions de Weimar sont donc vidées de leur substance bien avant que Hitler ne leur porte le coup de grâce19.

Les conséquences catastrophiques de la crise de 1929 sur l’économie allemande, très dépendante des capitaux rapatriés aux États-Unis immédiatement après le krach de Wall Street, apportent bientôt au NSDAP un succès foudroyant et imprévu. Aux élections du 14 septembre 1930, avec 6,5 millions d'électeurs, 18,3 % des voix et 107 sièges, le parti nazi devient le deuxième parti au Reichstag.

La déflation sévère et anachronique menée par Brüning ne fait qu'aggraver la crise économique et précipite de nombreux Allemands inquiets dans les bras de Hitler. En constituant avec ce dernier le « Front de Harzburg » en octobre 1931, dirigé contre le gouvernement et la République, Hugenberg et les autres forces des droites nationalistes font involontairement le jeu de Hitler, dont la puissance électorale et parlementaire fait désormais un personnage de premier plan sur la scène politique20.

Le septennat du président Hindenburg se terminant le 5 mai 1932, la droite et le Zentrum, afin d’éviter de nouvelles élections, proposent de renouveler tacitement le mandat présidentiel. L’accord des nazis étant nécessaire, Hitler exige la démission du chancelier Brüning et de nouvelles élections parlementaires. Hindenburg refuse, et le 22 février 1932, Joseph Goebbels21 annonce la candidature d’Adolf Hitler à la présidence de la République. Le 26 février, Hitler est opportunément nommé Regierungsrat, fonctionnaire d’État, ce qui lui confère automatiquement la nationalité allemande.



La montée du NSDAP au Reichstag.Sa campagne électorale est sans précédent sur le plan de la propagande. En particulier, l’usage alors inédit et spectaculaire de l’avion dans ses déplacements électoraux permet à Goebbels de placarder des affiches : « Le Führer vole au-dessus de l’Allemagne ».

Hitler obtient 30,1 % des voix au premier tour le 13 mars 1932 et 36,8 % au second tour en avril, soit 13,4 millions de suffrages qui se portent sur sa personne, doublant le score des législatives de 1930. Soutenu en désespoir de cause par les socialistes, Hindenburg est réélu à 82 ans. Mais lors des scrutins régionaux qui suivent l’élection présidentielle le NSDAP renforce ses positions et arrive partout en tête, sauf dans sa Bavière d'origine. Aux législatives du 31 juillet 1932, il confirme sa position de premier parti d'Allemagne, avec 37,3 % des voix et devient le premier groupe parlementaire. Hermann Göring, bras droit de Hitler depuis 1923, devient président du Reichstag. Né d'un groupuscule, le culte de Hitler est devenu en moins de deux ans un phénomène de masse capable de toucher plus du tiers des Allemands.

Hitler réussit à faire l'unité d'un électorat très diversifié. Contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas les chômeurs qui ont mis leur espoir en lui (c'est parmi eux que Hitler fait ses moins bons scores), mais les classes moyennes, qui redoutent d'être les prochaines victimes de la crise22.

Si l'électorat féminin votait fort peu à l'extrême-droite dans les années 1920, la popularité bien connue du Führer auprès des femmes s'est jointe au rapprochement structurel entre vote féminin et vote masculin pour lui assurer des renforts de voix supplémentaires après 1930. Les protestants ont davantage voté pour lui que les catholiques, mais une bonne part du vote de ces derniers était fixé par le Zentrum. Les campagnes, éprouvées par la crise et soumises en Prusse à la rude exploitation quasi-féodale des Junkers, se sont servies du vote envers Hitler à des fins protestataires. Les ouvriers ont moins voté nazi que la moyenne, même si une part non négligeable a été tentée. Quant aux fonctionnaires, aux étudiants ou aux médecins, leur haut niveau d'instruction ne les a pas empêchés d'être sur-représentés dans le soutien au doctrinaire de Mein Kampf22.

Allié à la droite nationaliste, bénéficiant du discrédit du Zentrum et de l'obligation pour le SPD de soutenir l'impopulaire Von Papen « pour éviter le pire », Hitler multiplie aussi les déclarations hypocrites où il se pose en démocrate et en modéré, tout en flattant les élites traditionnelles et jusqu'aux Églises par un discours plus traditionaliste qu'avant. Les communistes du KPD, qui réduisent Hitler à un simple pantin du grand capital, lui rendent service en combattant avant tout les socialistes, au nom de la ligne « classe contre classe » du Komintern, et en refusant toute action commune avec eux contre le NSDAP. Le KPD va jusqu'à coopérer avec les nazis lors de la grève des transports à Berlin en 193223.

Fin 1932, la situation se dégrade encore sur les plans économique et social (plus de 6 millions de chômeurs à la fin de l’année). L’agitation et l’insécurité politique sont à leur comble, les rixes avec implication de SA hitlériens sont permanentes. Le gouvernement très réactionnaire de Franz von Papen est incapable de réunir plus de 10 % des députés et des électeurs.

Engagé dans un bras de fer personnel avec Hitler, le président Hindenburg refuse toujours de le nommer chancelier : le vieux maréchal prussien, ancien chef de l’armée allemande pendant la Grande Guerre, affiche son mépris personnel pour celui qu’il qualifie de « petit caporal bohémien » et dont il affirme qu’il a « tout juste l’envergure pour faire un ministre des Postes ». Toutes les tentatives de conciliation échouent.

Fin 1932, le mouvement nazi traverse une phase difficile. Sa crise financière devient aiguë. Les militants et les électeurs se lassent de l’absence de perspectives, des discours à géométrie variable de Hitler et des contradictions internes du programme nazi24. Bien des SA parlent de déclencher tout de suite un soulèvement suicidaire dont Hitler ne veut à aucun prix, et Gregor Strasser menace de faire scission avec l’appui du chancelier Kurt von Schleicher. Enfin, les élections législatives de novembre 1932 ont consacré une baisse de popularité du NSDAP qui perd 2 millions de voix et 40 sièges.

C’est le moment où Léon Blum, de France, écrit dans Le Populaire que la route du pouvoir est définitivement fermée pour Hitler et que toute espérance d’y accéder est pour lui révolue. Pourtant, ces revers n’entament en rien sa détermination.

L’accession au pouvoir absolu Article détaillé : Chronologie du Troisième Reich. Le 30 janvier 1933 vers midi, Adolf Hitler atteint son but, il est nommé Chancelier de la République de Weimar, suite à un mois d’intrigues au sommet organisées par l’ancien chancelier Franz von Papen, et grâce au soutien de la droite et à l’implication du DNVP. Le soir même, des milliers de SA effectuent un défilé nocturne triomphal sur l'Unter den Linden, sous le regard du nouveau chancelier, marquant ainsi la prise de contrôle de Berlin et le lancement de la chasse aux opposants.

  • La destruction de la démocratie (1933-1934)


Adolf Hitler en 1933 Incendie du palais du Reichstag le 28 février 1933Contrairement à une idée reçue fréquente, Hitler n'a jamais été « élu » chancelier par les Allemands, du moins pas directement. Il a néanmoins été nommé chancelier par le président, conformément aux règles de la démocratie, en qualité de leader du parti remportant les élections législatives. Les tractations avec le président qui se sont en fait révélées indispensables à sa nomination amènent certains à considérer qu'il a été « hissé au pouvoir » par une poignée d'industriels et d'hommes de droite25,26. Et en dépit de son énorme poids électoral, jamais une majorité absolue des électeurs ne s'est portée sur lui, puisque même en mars 1933, après deux mois de terreur et de propagande, son parti n'obtient « que » 44 % des suffrages. Toutefois, il a atteint son objectif poursuivi depuis 1923 : arriver au pouvoir légalement. Et il est hors de doute que le ralliement de la masse des Allemands au nouveau chancelier s'est faite très vite, et moins par la force que par adhésion à sa personne.

Lors de la formation du premier gouvernement d'Hitler, le DNVP de Hugenberg espère être, avec le Zentrum de von Papen, en mesure de contrôler le nouveau chancelier — bien que le DNVP ne représente que 8 % des voix alors que les nazis en ont 33,1 %. De fait, le premier gouvernement d'Hitler ne compte, outre le chancelier lui-même, que deux nazis : Göring, en charge en particulier de la Prusse, et Wilhelm Frick au ministère de l’Intérieur.

Mais Hitler déborde rapidement ses partenaires et met immédiatement en route la mise au pas de l’Allemagne. Dès le 1er février, il obtient d’Hindenburg la dissolution du Reichstag. Le 3 février, il s’assure le soutien de l’armée. Pendant la campagne électorale, Von Papen, Thyssen et Schacht obtiennent des milieux industriels et financiers, jusque-là plutôt réservés envers Hitler, qu’ils renflouent les caisses du NSDAP et financent sa campagne27. La SA et la SS, milices du parti nazi, se voient conférer des pouvoirs d’auxiliaire de police. De nombreux morts marquent les rencontres des partis d’opposition, notamment du SPD et du KPD. Des opposants sont déjà brutalisés, arrêtés, torturés voire assassinés.

L’énigmatique incendie du Reichstag, le 27 février, permet à Hitler de suspendre toutes les libertés civiles garanties par la Constitution de Weimar et de radicaliser l’élimination de ses opposants politiques, notamment des députés communistes du KPD, illégalement arrêtés.

Le NSDAP remporte les élections du 5 mars 1933 avec 17 millions de voix, soit 43,9 % des suffrages. Dans les jours qui suivent, dans tous les Länder d’Allemagne, les nazis s’emparent par la force des leviers locaux du pouvoir. Le 20 mars, au cours d’une grandiose cérémonie de propagande sur le tombeau de Frédéric II de Prusse à Potsdam, où il s’affiche en grand costume aux côtés de Hindenburg, Hitler proclame l’avènement du Troisième Reich, auquel il promettra ultérieurement un règne de « mille ans ». Le 23 mars, grâce aux voix du Zentrum auquel le chancelier a promis en échange la signature d'un concordat avec le Vatican, et malgré l'opposition vaine du seul SPD, le Reichstag vote la Loi des pleins pouvoirs qui accorde à Hitler les pouvoirs spéciaux pour quatre ans. Il peut désormais rédiger seul les lois, et celles-ci peuvent s'écarter de la constitution de Weimar que Hitler ne se donna même pas la peine de jamais abolir formellement.



Des étudiants nazis brûlent les livres proscrits en public le 10 mai 1933.C’est une étape décisive du durcissement du régime. Sans même attendre le vote de la loi, les nazis ont ouvert le premier camp de concentration permanent le 20 mars à Dachau, sous la houlette de Himmler. Ce dernier jette en Allemagne du Sud, tout comme Göring en Prusse, les bases de la redoutable police politique nazie, la Gestapo. Le 2 mai, vingt-quatre heures après avoir accepté de défiler devant le chancelier, les syndicats sont dissous et leurs biens saisis. Le 10 mai, le ministre de la Propagande Joseph Goebbels préside à Berlin une nuit d’autodafé où des étudiants nazis brûlent pèle-mêle en public des milliers de « mauvais livres » d’auteurs juifs, pacifistes, marxistes ou psychanalystes comme Marx, Freud ou Kant. Des milliers d’opposants, de savants et d’intellectuels fuient l’Allemagne comme Albert Einstein. Le 14 juillet, le NSDAP devient le parti unique. Hitler met fin aussi rapidement aux libertés locales. L’autonomie des Länder est définitivement supprimée le 30 janvier 1934 : un an après son accession à la chancellerie, Hitler devient le chef du premier État centralisé qu’ait connu l’Allemagne.

En tout, entre 1933 et 1939, de 150 000 à 200 000 personnes sont internées, et entre 7 000 et 9 000 sont tuées par la violence d’État. Des centaines de milliers d’autres doivent fuir l’Allemagne28.

Les nazis condamnent l’« art dégénéré » et les « sciences juives », et détruisent ou dispersent de nombreuses œuvres des avant-gardes artistiques. Le programme pour « purifier » la race allemande est également très tôt mis en œuvre. Une loi du 7 avril 1933 permet à Hitler de destituer aussitôt des centaines de fonctionnaires et d'universitaires juifs, tandis que les SA déclenchent au même moment une campagne brutale de boycott des magasins juifs. Hitler impose aussi personnellement à l'été 1933 une loi prévoyant la stérilisation forcée des malades et des handicapés : elle est appliquée à plus de 350 000 personnes29. Détestant particulièrement le mélange des populations (qualifié de « honte raciale »), le chef allemand ordonne de stériliser en particulier, en 1937, les 400 enfants nés dans les années 1920 d’Allemandes et de soldats noirs des troupes françaises d’occupation. Les persécutions envers les homosexuels commencent aussi, les bars et les lieux de rassemblement des homosexuels sont fermés. Les homosexuels subissent brutalités, tortures et envois à Dachau. Certains sont déjà l'objetévasif de castrations forcées.



Le plébiscite de novembre 1933 entérine la fin de la démocratie en AllemagneEn novembre 1933, le nouveau dictateur fait plébisciter sa politique quand 95 % des votants approuvent le retrait de la Société des Nations et que la liste unique du NSDAP au Reichstag fait 92 % des voix.

Les SA de Röhm exigent que la « révolution » nationale-socialiste prenne un tour plus anticapitaliste, et rêvent notamment de prendre le contrôle de l’armée, ce qui compromettrait dangereusement l’alliance nouée entre le chancelier et les élites conservatrices traditionnelles (présidence, militaires, milieux d'affaires). Des faux documents forgés par Heydrich achèvent aussi de persuader Hitler que Röhm complote contre lui. Le 30 juin 1934, durant la Nuit des Longs Couteaux, fort du soutien bienveillant de l’armée et du président Hindenburg, Hitler fait assassiner plusieurs centaines de ses partisans et de ses anciens ennemis politiques. Parmi eux, Gregor Strasser et Ernst Röhm, chef de la SA, mais aussi le docteur Erich Klausener, chef de l’Action catholique, ou encore son prédécesseur à la chancellerie, Von Schleicher, ainsi que Von Kahr, qui lui avait barré la route lors du putsch de 1923. Ne pouvant croire à son élimination, Röhm refuse de se suicider et crie Heil Hitler ! avant d'être abattu dans sa cellule par Theodor Eicke et Michel Lippert30.

Le 2 juillet, le vieil Hindenburg félicite Hitler, qu'il apprécie de plus en plus, pour sa fermeté en cette affaireréf. nécessaire. Sa mort le 2 août tranche le dernier lien vivant avec la République de Weimar. En vertu de la constitution, le chancelier exerce temporairement les pouvoirs du président défunt. Le même jour, le Reichstag vote une loi de fusion des deux fonctions en une seule : Hitler devient Führer und Reichskanzler. Un plébiscite du 19 août (90 % de oui) achève de donner au Führer le pouvoir absolu.

Le culte du Führer, pierre angulaire du système totalitaire Entouré d’un culte de la personnalité intense, qui le célèbre comme le sauveur messianique de l’Allemagne, Hitler exige un serment de fidélité à sa propre personne - il est prêté notamment par les militaires, ce qui rendra très difficile les futures conspirations contre lui au sein de l’armée, beaucoup d’officiers rechignant profondément en conscience à le violer.

L’ambition totalitaire du régime et la primauté du Führer sont symbolisées par la nouvelle devise du régime : Ein Volk, ein Reich, ein Führer - « un peuple, un empire, un chef », dans laquelle le titre de Hitler prend de façon idolâtre la place de Dieu dans l’ancienne devise du Deuxième Reich : Ein Volk, ein Reich, ein Gott (« Un peuple, un empire, un dieu »).

Le Führerprinzip devient le nouveau principe de l’autorité non seulement au sommet de l’État, mais aussi, par délégation, à chaque échelon. La loi proclame par exemple officiellement le patron comme Führer de son entreprise, comme le mari est Führer de sa famille, ou le gauleiter Führer du parti dans sa région.



En 1935, appel de soldats allemands faisant partie de la SA, de la SS ou de la NSKK. Photo prise à Nuremberg le 9 novembre 1935.Hitler entretient son propre culte par ses interventions à la radio : à chaque fois, le pays tout entier doit suspendre son activité et les habitants écouter religieusement dans les rues ou au travail son discours retransmis par les ondes et par les haut-parleurs. À chaque congrès tenu à Nuremberg lors des « grand’messes » du NSDAP, il bénéficie d’une savante mise en scène orchestrée par son confident, l’architecte et technocrate Albert Speer : son talent oratoire électrise l’assistance, avant que les masses rassemblées n’éclatent en applaudissements et en cris frénétiques pour acclamer le génie de leur chef.

Inversement, la moindre critique, le moindre doute sur le Führer mettent leur auteur en péril. Sur les milliers de condamnations à mort prononcées par le Tribunal du Peuple du juge Roland Freisler, un bon nombre des personnes envoyées à la guillotine après des parodies de justice l’ont été pour des paroles méprisantes ou sceptiques à l’encontre du dictateur.

Le salut nazi devient obligatoire pour tous les Allemands. Quiconque essaie, par résistance passive, de ne pas faire le Heil Hitler ! de rigueur est immédiatement singularisé et repéré.

Au printemps 1938, le Führer accentue encore sa prédominance et celle de ses proches dans le régime. Il élimine les généraux Von Fritsch et Von Blomberg, et soumet la Wehrmacht en plaçant à sa tête les serviles Alfred Jodl et Wilhelm Keitel, connus pour lui être aveuglément dévoués. Aux Affaires étrangères, il remplace le conservateur Konstantin von Neurath par le nazi Joachim von Ribbentrop, tandis que Göring, qui s’affirme plus que jamais comme le no 2 officieux du régime, prend en charge l’économie autarcique en évinçant le Dr Hjalmar Schacht.

La population allemande est encadrée de la naissance à la mort, soumise à l’intense propagande orchestrée par son fidèle Joseph Goebbels, pour lequel il crée le premier ministère de la Propagande de l'histoire. Les loisirs des travailleurs sont organisés - et surveillés - par la Kraft durch Freude du Dr Robert Ley, également chef du syndicat unique, le DAF. La jeunesse subit obligatoirement un endoctrinement intense au sein de la Hitlerjugend qui porte le nom du Führer, et qui devient le 1er décembre 1936 la seule organisation de jeunesse autorisée.

Le Führer dans le système nazi : interprétations et débats L’école historique allemande dite des « intentionnalistes » insiste sur la primauté de Hitler dans le fonctionnement du régime. La forme extrême de pouvoir personnel et de culte de la personnalité autour du Führer ne serait pas compréhensible sans son « pouvoir charismatique ». Cette notion importante est empruntée au sociologue Max Weber : Hitler se considère depuis 1920 comme investi d’une mission providentielle, et surtout, il est considéré sincèrement comme l’homme providentiel par ses partisans, puis par la masse des Allemands sous le Troisième Reich.

Alors que le culte de Staline a été imposé tardivement et artificiellement au parti bolchevik par un apparatchik victorieux, mais dépourvu de talent de tribun comme de rôle de premier plan dans la révolution d'Octobre, le culte de Hitler a existé dès les origines du nazisme, et y occupe une importance primordiale. L’appartenance au Parti nazi signifie avant tout une allégeance absolue à son Führer, et nul n’occupe de place dans le Parti et l’État que dans la mesure où il est plus proche de la personne même de Hitler. Hitler veille d’ailleurs personnellement à renforcer son image de chef inaccessible, solitaire et supérieur, en s’abstenant de toute amitié personnelle, et en interdisant à quiconque de le tutoyer ou de l’appeler par son prénom – même sa maîtresse Eva Braun doit s’adresser à lui en lui disant Mein Führer.

D’autre part, pour les intentionnalistes, sans le caractère redoutablement cohérent de l’idéologie (la Weltanschauung) qui anime Hitler, le régime nazi ne se serait pas engagé dans la voie de la guerre et des exterminations de masse, ni dans le reniement de toutes les règles juridiques et administratives élémentaires qui régissent les États modernes et civilisés.

Par exemple, sans son pouvoir charismatique d’un genre inédit, Hitler n’aurait pas pu autoriser l’euthanasie massive de plus de 150 000 handicapés mentaux allemands par quelques simples mots griffonnés sur papier à en-tête de la chancellerie (opération T4, 3 septembre 1939). De même, Hitler aurait pu encore moins déclencher la Shoah sans jamais rédiger un seul ordre écrit. Aucun exécutant du génocide des Juifs ne demanda jamais, justement, à voir un ordre écrit : un simple ordre du Führer (Führersbefehl) était suffisant pour faire taire toute question, et entraînait l’obéissance quasi-religieuse et aveugle des bourreaux.

L’école rivale des « fonctionnalistes » (conduite par Martin Broszat) a cependant nuancé l’idée de la toute-puissance du Führer. Comme elle l’a démontré, le Troisième Reich n’a jamais tranché entre le primat du parti unique et celui de l’État, d’où des rivalités de pouvoir et de compétence interminables entre les hiérarchies doubles du NSDAP et du gouvernement du Reich. Surtout, l’État nazi apparaît comme un singulier enchevêtrement de pouvoirs concurrents aux légitimités comparables. C’est le principe de la « polycratie » (Martin Broszat).

Or, entre ces groupes rivaux, Hitler tranche rarement, et décide peu. Fort peu bureaucratique, ayant hérité de sa jeunesse bohème à Vienne un manque total de goût pour le labeur suivi, travaillant de façon très irrégulière (sauf dans la conduite des opérations militaires), le Führer apparaît comme un « dictateur faible » ou encore un « dictateur paresseux » selon Martin Broszat. Il laisse en fait chacun des rivaux libre de se réclamer de lui, et il attend seulement que tous marchent dans le sens de sa volonté.

Dès lors, a démontré le biographe Ian Kershaw, dont les travaux font la synthèse des acquis des écoles intentionnalistes et fonctionnnalistes, chaque individu, chaque clan, chaque bureaucratie, chaque groupe fait de la surenchère, et essaye d’être le premier à réaliser les projets nazis fixés dans leurs grandes lignes par Adolf Hitler. C’est ainsi que la persécution antisémite va s’emballer et passer graduellement de la simple persécution au massacre puis au génocide industriel. Ce qui explique que le Troisième Reich obéit structurellement à la loi de la « radicalisation cumulative », et que le système hitlérien ne peut en aucun cas se stabiliser.

Ce « pouvoir charismatique » de Hitler explique aussi que beaucoup d’Allemands soient spontanément allés au-devant du Führer. Ainsi, en 1933, les organisations d’étudiants organisent d’elles-mêmes les autodafés de livres, tandis que les partis et les syndicats se rallient au chancelier et se sabordent d’eux-mêmes après avoir exclu les Juifs et les opposants au nazisme. L’Allemagne se donne largement au Führer dans lequel elle reconnaît ses rêves et ses ambitions, plus que ce dernier ne s’empare d’elle.

Selon Kershaw, le Führer est donc l’homme qui rend possibles les plans caressés de longue date à la « base » : sans qu’il ait nullement besoin de donner d’ordres précis, sa simple présence au pouvoir autorise par exemple les nombreux antisémites d’Allemagne à déclencher boycotts et pogroms, ou les médecins d’extrême-droite, tel Josef Mengele, à pratiquer les atroces expériences pseudo-médicales et les opérations d’euthanasie massive dont l’idée préexistait à 1933.

Ce qui explique aussi, toujours selon Ian Kershaw et la plupart des fonctionnalistes, la tendance du régime hitlérien à l’« autodestruction ». Le Troisième Reich, retour à l’« anarchie féodale », se décompose en effet en une multitude chaotique de fiefs rivaux. Hitler ne peut ni ne veut y mettre aucun ordre, car stabiliser le régime selon des règles formelles et fixes rendrait la référence perpétuelle au Führer moins importante. C’est ainsi qu’en 1943, alors que l’existence du Reich est en danger après la bataille de Stalingrad, tous les appareils dirigeants du Troisième Reich se disputent pendant des mois pour savoir s’il faut interdire les courses de chevaux - sans trancher.

Le régime substitue donc aux institutions rationnelles modernes le lien féodal d’allégeance personnelle, d’homme à homme, avec le Führer. Or, aucun dirigeant nazi ne dispose du charisme d’Hitler. Le culte de ce dernier existe dès les origines du nazisme et est consubstantiel au mouvement puis au régime. Chacun ne tire sa légitimité que de son degré de proximité avec le Führer. De ce fait, en l’absence de tout successeur (« En toute modestie, je suis irremplaçable », propos d’Hitler à ses généraux rapporté par Hannah Arendt), la dictature de Hitler n’a aucun avenir et ne peut lui survivre (selon Kershaw). La mort du Troisième Reich et celle de son dictateur se sont d’ailleurs pratiquement confondues.

  • Les Allemands et Hitler

L’adhésion des Allemands à sa politique (et plus encore à sa personne) fut importante, surtout au début.



Timbre à l'effigie du Führer publié en 1944.L'« autre Allemagne », « une Allemagne contre Hitler »31, a certes existé, mais ces expressions mêmes soulignent après coup son caractère désespérément minoritaire et isolé. Toute opposition a été vite réduite par l'exil, la prison ou l'internement en camp. Démocrates, socialistes et communistes ont payé par milliers le plus lourd tribut, ainsi que les Témoins de Jéhovah qui refusaient la guerre, le salut nazi et tout signe d'allégeance à l'idolâtrie entourant le Führer. La délation de masse a sévi et plongé le pays dans une atmosphère de crainte, où nul ne peut plus s'ouvrir sans risques à son voisin, des enfants endoctrinés allant jusqu'à dénoncer leurs parents.

Rares sont ceux qui au nom de leurs principes humanistes, marxistes, libéraux, chrétiens ou patriotiques, ou tout simplement par humanité et au nom de leur conscience, oseront douter du Führer, le braver en s'abstenant du salut nazi, en transgressant les multiples interdits de la société nazie, ou en venant en aide à des persécutés - a fortiori en entrant en résistance active. Par mépris, le très nationaliste écrivain Ernst Jünger appelait Hitler Kniebolo dans son journal de guerre. Le communiste Bertold Brecht le mettra en scène sous les traits du gangster Arturo Ui. Le démocrate Thomas Mann le dénoncera à la radio américaine, tout en reconnaissant que « cet homme est une calamité, d'accord, mais ce n'est pas une raison pour ne pas trouver son cas intéressant. » Pour les étudiants chrétiens de la Rose Blanche, revenus de leurs illusions initiales, il représentait l'Antéchrist32. Mgr Lichtenberg, mort déporté pour avoir prié à Berlin pour les Juifs, dira à la Gestapo: « Je n'ai qu'un seul Führer : Jésus-Christ ».

Malgré son interdiction et la violente répression qui s'abat sur ses membres, le KPD parvient à conserver une organisation clandestine organisé autour de l' « Orchestre rouge », qui diffuse tracts et brochures et infiltre les sommets de l'appareil d'État allemand33,34.

Toutefois, la terreur ne suffit pas à expliquer le caractère indéniablement tardif et limitéréf. nécessaire de la résistance allemande au nazisme.

Son antisémitisme et son racisme faisaient écho à des préjugés très répandus, mais sauf pour une faible minorité, ils ne motivèrent pas le vote Hitler ni le soutien à sa dictature - ils n'eurent guère non plus d'effet dissuasif.

La large popularité du Führer avant-guerre provient surtout du rétablissement brutal de l'ordre public, de son anticommunisme, de son opposition au « Diktat » de Versailles, des succès diplomatiques et économiques obtenus (notamment l'importante réduction du chômage) et de sa politique de réarmement.

Encore qu’il ne faille pas oublier ni les conditions sociales et politiques dans lesquelles les améliorations économiques ont été obtenues, ni les pénibles situations de pénurie alimentaire, l'imposition d'ersatz de pauvre qualité en remplacement des importations condamnées par l'autarcie, et le manque de devises dès 1935. En particulier, le pouvoir d’achat des ouvriers a baissé entre 1933 et 1939. Les femmes ont été renvoyées de force au foyer (et 200 000 de celles ne présentant pas les garanties de pureté raciale exigées par la loi stérilisées)réf. nécessaire. L’exode rural s’est accéléré. Et les lois nazies encourageant la concentration des entreprises et du commerce ont conduit à 400 000 fermetures de petites entreprises dès avant-guerre35. Les catégories sociales qui avaient mis leurs espoirs en Hitler sont donc loin d’avoir toujours été satisfaites.



Hitler en parade à Nuremberg, novembre 1935. Aux congrès annuels du Parti culmine la ferveur populaire à la fois obligatoire et authentique autour de lui.Par ailleurs, beaucoup d’Allemands reprennent au profit de Hitler la distinction ancestrale entre le bon monarque et ses mauvais serviteurs. Alors que les « bonzes », les privilégiés du Parti-État, sont généralement méprisés et haïs pour leurs abus et leur corruption fréquente, on considère spontanément Hitler comme exempt de ces tares, et comme un recours contre eux. Beaucoup d’Allemands ont spontanément cru que le Führer était laissé dans l’ignorance des « excès » de ses hommes ou de son régime36.

En quelques années, Hitler s'est de fait identifié à la nation, canalisant au profit de sa personne le sentiment patriotique même de citoyens réservés envers le nazisme. L'aspect de « religion civile » revêtu par le nazisme a séduit aussi nombre d'Allemands, et le culte messianique organisé autour de Hitler a soudé la population autour de lui. Bien des esprits se sont laissés aussi fasciner par l'irrationalisme nazi, avec son culte néo-romantique de la nuit, du sang, de la nature, son goût des uniformes et des parades, ses rituels et ses cérémonies spectaculaires ressuscitant un univers médiéval ou païen. De même que par l'appel efficace aux héros mythiques du passé national (Arminius, Barberousse, Frédéric II du Saint-Empire, Frédéric II de Prusse, Andreas Hofer, Otto von Bismarck…) mobilisés rétrospectivement comme précurseurs du Führer providentiel37.

Les Églises en tant qu'institutions ont peu cherché à s'opposer à un chancelier pourtant néo-païen et antichrétien. Malgré maintes tracasseries infligées, Hitler s'est toujours bien gardé de mettre en application les projets d'éradication du christianisme nourris par son bras droit Martin Bormann ou l'idéologue du parti Alfred Rosenberg. Il a joué sur l'anticommunisme, l'antiféminisme et les aspects réactionnaires de son programme pour séduire les électorats religieux. La signature du concordat avec le Vatican, en juin 1933, a été un triomphe personnel, qui a lié les mains à l'épiscopat et renforcé sa stature internationale. Se défendant de « faire de la politique », évêques, curés et pasteurs ne s'opposaient que sur des points matériels ou confessionnels et terminaient leurs sermons en priant « pour la patrie et pour le Führer ». L'encyclique antinazie du pape Pie XI, Mit Brennender Sorge (1937), interdite de diffusion par la Gestapo, ne mentionne pas le nom de Hitler, et ne condamne que partiellement son régime, ni lui ni aucun de ses partisans n'étant jamais menacés d'excommunication.

Contrairement à une légende, Hitler n'était avant 1933 ni le candidat ni l'instrument des milieux d'affaires. Mais le grand patronat s'est vite rallié à lui, et a amplement bénéficié de la restauration de l'économie puis du pillage de l'Europe, allant jusqu'à se compromettre souvent dans l'exploitation de la main-d'œuvre concentrationnaire (IG Farben à Auschwitz, Siemens à Ravensbrück)38. Alors que tous les éléments conservateurs (militaires, aristocrates, hommes d'Église), ont fourni leur tribut à la (faible) résistance allemande, le patronat y est resté remarquablement peu présent. Une des rares exceptions est paradoxalement celle de son très ancien partisan Fritz Thyssen, qui rompt avec Hitler et fuit le Reich en 1939, avant de lui être livré l'an suivant par l'État français et interné.

L'historien Götz Aly, dans Comment Hitler a acheté les Allemands, insiste quant à lui que les bénéfices matériels de l'aryanisation et du pillage de l'Europe, plus que l'idéologie, ont rendu maints Allemands redevables et complices de leur Führer. Les centaines de trains de biens volés aux Juifs assassinés n'ont pas été perdus pour tout le monde, ni les milliers de logements vacants qu'ils étaient contraints d'abandonner39.

Politique économique et sociale Articles détaillés : Réarmement sous le Troisième Reich et Complexe militaro-industriel allemand. Hitler rejette dans un même mépris capitalisme et marxisme. Son nationalisme raciste transcende les clivages traditionnels. Un objectif fondamental pour lui est la reconstitution d’une « communauté nationale » (Volksgemeinschaft), unie par une race et une culture communes, débarrassée des divisions démocratiques et de la lutte des classes, tout comme des Juifs et des éléments racialement impurs, et où l'individu enfin n'a aucune valeur et n'existe qu'en fonction de son appartenance à la communauté. Après les divisions civiles des années 1920, beaucoup d'Allemands ne demandent qu'à partager ce rêve.

Ayant déjà pris ses distances avec la partie socialiste du programme nazi à la fin des années 1920, Hitler achève de refuser l'idée d'une révolution sociale après la purge de Röhm et la liquidation des SA. Peu doué lui-même en économie, le Führer fait contre la crise le choix très vite d'un pragmatisme brutal, écartant du gouvernement le vieux théoricien économique nazi Gottfried Feder au profit du sympathisant et brillant spécialiste plus classique Hjalmar Schacht, ancien directeur de la Reichsbank. En quelques années, l’économie est remise sur pied entre autres grâce à des emplois publics créés par l’État (autoroutes déjà planifiées sous la République de Weimar, ligne Siegfried, grands travaux spectaculaires de l'ingénieur nazi Fritz Todt, logements également dans la continuité de l'œuvre de Weimar, etc.). Le réarmement n’intervient que plus tard (Plan de quatre ans, 1936), après relance de l’économie, aidée par une conjoncture de reprise mondiale.

Dès mai 1933, les syndicats dissous laissent la place au Front allemand du travail (DAF), organisation corporatiste nazie, dirigée par Robert Ley. Le DAF interdit la grève et permet aux patrons d’exiger davantage des salariés, tout en garantissant à ceux-ci une sécurité de l’emploi et une sécurité sociale. Officiellement volontaire, l’adhésion au DAF est de fait obligatoire pour tout Allemand désirant travailler dans l’industrie et le commerce. Plusieurs sous-organisations dépendaient du DAF, dont la Kraft durch Freude chargée d'encadrer les loisirs des travailleurs ou d'embellir leurs cantines et leurs lieux de travail.

Entre 1934 et 1937, Schacht a pour mission de soutenir l’intense effort de réarmement du Troisième Reich. Pour atteindre cet objectif, il met en place des montages financiers tantôt ingénieux (comme les bons MEFO), tantôt hasardeux, creusant le déficit de l'État. Par ailleurs, la politique de grands travaux développe une politique keynésienne d’investissements de l’État. D’après William L. Shirer, Hitler diminue également tous les salaires de 5 %, permettant de dégager des ressources pour relancer l’économie, ce qui semble confirmer selon lui la nature interventionniste de ses directives.

Le chômage baisse nettement, passant de 6 millions de chômeurs en 1932 à 200 000 en 1938. La production industrielle a rattrapé en 1939 son niveau de 1929 en ne la dépassant que légèrement. Cependant, Schacht considère que les investissements dans l’industrie militaire menacent à terme l’économie allemande et souhaite infléchir cette politique. Devant le refus de Hitler qui considère le réarmement comme une priorité absolue, Schacht quitte son poste début 1939 au profit de Göring. Seuls la fuite en avant dans l'expansion, la guerre et le pillage ont sans doute permis à Hitler d'éviter une grave crise financière et économique finale40.

  • Les rêves d’architecte : Hitler et l’art officiel nazi


Albert Speer et Adolf Hitler en 1938L’architecture était probablement la plus grande passion de Hitler. S’il se voulait un artiste, il n'avait pas de sensibilité aux courants artistiques qui lui étaient contemporains. À Vienne comme à Munich, foyers actifs de l’art moderne, il ne s'intéressait pas aux avant-gardes, réservant son admiration aux monuments néo-classiques du XIXe siècle. Dès son arrivée au pouvoir, il disperse les avant-gardes artistiques et culturelles, fait brûler de nombreuses œuvres des avant-gardes et contraint des milliers d’artistes à s’enfuir d’Allemagne. Ceux qui demeurent se voient souvent interdire de peindre ou d’écrire, et sont placés sous surveillance policière. En 1937, Hitler fait circuler à travers toute l’Allemagne une exposition d’« art dégénéré » visant à tourner en dérision ce qu’il qualifie de « gribouillages juifs et cosmopolites ».



Buste d’Hitler réalisé par Arno Breker en 1938.Arrivé au pouvoir, il fait surtout valoriser dans les cérémonies nazies la musique de Richard Wagner et celle de Anton Bruckner, ses favorites. Il encourage un « art nazi » conforme aux canons esthétiques et idéologiques du pouvoir au travers des œuvres de son sculpteur préféré Arno Breker, de Leni Riefenstahl au cinéma, ou de Albert Speer, son seul confident personnel, en architecture. Relevant souvent de la propagande monumentale, comme le stade destiné aux Jeux olympiques de Berlin (1936), ces œuvres au style très néo-classique développent aussi souvent l’exaltation de corps « sains », virils et « aryens ».

L’une des obsessions d’Hitler était la transformation complète de Berlin. Dès son accession au pouvoir, il travaille sur des plans d’urbanisme avec son architecte Albert Speer. Il était ainsi prévu une série de grands travaux monumentaux à l’ambition démesurée, d’inspiration néo-classique, en vue de réaliser le « nouveau Berlin » ou Welthauptstadt Germania. La guerre contrariera ces projets, et seule la nouvelle chancellerie, inaugurée en 1939, fut achevée. La coupole du nouveau Palais du Reichstag aurait été 13 fois plus grande que celle de la basilique Saint-Pierre de Rome, l’avenue triomphale deux fois plus large que les Champs-Élysées et l’arche triomphale aurait pu contenir dans son ouverture l’arc de triomphe parisien (40 m de haut). Le biographe de Speer, Joachim Fest, discerne à travers ces projets mégalomanes une « architecture de mort » (Albert Speer, Perrin, 2001).

En pleine guerre, Hitler se réjouira que les ravages des bombardements alliés facilitent pour l’après-guerre ses projets grandioses de reconstruction radicale de Berlin, Hambourg, Munich ou Linz. Dans son bunker, il lui arrivera de rêver de longues heures immobiles devant une maquette de Linz telle qu’il la voulait reconstruite.

La diplomatie hitlérienne La diplomatie du Troisième Reich est essentiellement conçue et dirigée par Hitler en personne. Ses ministres des Affaires étrangères successifs (Konstantin von Neurath puis Joachim von Ribbentrop) relayent ses directives sans faire preuve d’initiatives personnelles. La diplomatie hitlérienne, par son jeu d’alliances, d’audaces, de menaces et de duperies, est un rouage essentiel des buts stratégiques que poursuit le Führer. Ses discours tonitruants au Reichstag ou aux congrès nazis de Nuremberg scandent les crises diplomatiques qu’il provoque successivement ; ils alternent avec ses interviews hypocritement rassurantes aux journaux étrangers, ou avec ses entretiens accordés aux représentants étrangers.

Assimilant complètement son destin personnel au destin de l’Allemagne, et identifiant le cours biologique de sa vie avec la destinée du Reich, Hitler est obsédé par la possibilité de son vieillissement prématuré, et il veut donc pouvoir déclencher sa guerre avant de fêter ses 50 ans. Le regard porté par le dictateur sur lui-même a donc un rôle direct dans l’accélération des événements par lesquels il conduit l’Europe à la Seconde Guerre mondiale.

L’opposition au traité de Versailles Le 14 octobre 1933, Hitler retire l’Allemagne de la Société des Nations et de la Conférence de Genève sur le désarmement, tout en prononçant des discours pacifistes. Le 13 janvier 1935, la Sarre plébiscite massivement (90,8 % de Oui) son rattachement à l’Allemagne.

Le 16 mars 1935, Hitler annonce le rétablissement du service militaire obligatoire et décide de porter les effectifs de la Wehrmacht de 100 000 à 500 000 hommes, par la création de 36 divisions supplémentaires. Il s’agit de la première violation flagrante du traité de Versailles.

En juin de la même année, Londres et Berlin signent un accord naval, qui autorise le Reich à devenir une puissance maritime. Hitler lance alors un programme de réarmement massif, créant notamment des forces navales (Kriegsmarine) et aériennes (Luftwaffe).

« Voyons ! Réfléchissez ! Rendez-vous compte de ce qui est logique ! » Les Jeux olympiques d'hiver de 1936 à Garmisch-Partenkirchen ont constitué une formidable vitrine pour la propagande, surtout pour faire oublier sa politique du fait accompli et mettre au pied du mur le Royaume-Uni et la France dans ce qu’Hitler projette de faire. En janvier 1936, Bertrand de Jouvenel, jeune journaliste se trouvant aux jeux d’hiver, prend l’initiative de contacter Otto Abetz, représentant itinérant du Reich, pour lui demander une interview d’Hitler. Abetz y voit une bonne opportunité de communication pour contrecarrer la ratification du pacte franco-soviétique par un vote de la Chambre des députés devant avoir lieu le 27 février. La veille de la publication, le propriétaire de Paris-Soir, Jean Prouvost, interdit la diffusion de l’article, qui est demandée par le président du conseil Albert Sarraut. Finalement, l’article est publié, le lendemain du vote dans le journal Paris-Midi du vendredi 28 février41.

Quel était le but des Allemands ? Faire retarder la publication pour ensuite dire que les bonnes intentions d’Hitler avaient été cachées aux Français et ainsi adopter des contres-mesures. Pour cette fois-ci, il s’agira de la violation du traité de Versailles et des accords de Locarno par la remilitarisation de la Rhénanie le 7 mars 193642.

Ce que dira Hitler dans son interview dans Paris-Midi est calibré pour le public français et représentatif de ses talents de manipulateur. Il dit ainsi sa « sympathie » pour la France et expose ses volontés pacifiques : « La chance vous est donnée à vous. Si vous ne la saisissez point, songez à votre responsabilité vis-à-vis de vos enfants ! Vous avez devant vous une Allemagne dont les neuf dixièmes font pleine confiance à leur chef, et ce chef vous dit : “Soyons amis !” »43.

Les réactions à cette interview sont toutes convergentes à travers l’Europe, de Londres à Rome en passant par Berlin. Tous les commentateurs saluent les paroles de paix d’Hitler et chacun y voit le début d’un rapprochement à quatre44.

Dès le 7 mars 1936, Hitler revient sur ses paroles de paix en remilitarisant la Rhénanie, violant une nouvelle fois le traité de Versailles ainsi que les accords de Locarno. C’est un coup de bluff typique de sa méthode personnelle. Hitler a donné comme consignes à ses troupes de se retirer en cas de riposte de l’armée française. Cependant, bien que l’armée allemande, à ce moment-là soit bien plus faible que ses adversaires, ni les Français, ni les Britanniques ne jugent utile de s’opposer à la remilitarisation. Le succès est éclatant pour Hitler.

Complaisances à l’étranger La fascination exercée par Hitler dépasse largement à l’époque les frontières de l’Allemagne. On compte même à l’étranger plusieurs cas de femmes ayant voulu se suicider par amour désespéré pour sa personne.réf. nécessaire

Pour de nombreux sympathisants du fascisme, il incarne l’« ordre nouveau » qui remplacera les sociétés bourgeoises et démocratiques « décadentes ». Certains intellectuels font ainsi le pèlerinage du congrès de Nuremberg, comme le futur collaborationniste Robert Brasillach. Le journaliste Fernand de Brinon, premier Français à interviewer le nouveau chancelier en 1933, sera un militant proche du nazisme, et le représentant du régime de Vichy en zone nord dans Paris occupé. Le 13 juin 1933, le premier ministre fascisant de Hongrie, Gyula Gömbös, est le premier chef de gouvernement étranger à rendre une visite officielle au nouveau chancelier allemand.



Le premier ministre britannique David Lloyd George s'affiche avec Hitler le 7 juin 1936. Joachim von Ribbentrop apparaît à l'arrière entre les deux.Chez les conservateurs de toute l’Europe, beaucoup s’obstinent des années à ne voir en Hitler que le rempart contre le bolchevisme ou le restaurateur de l’ordre et de l’économie en Allemagne. La spécificité et la nouveauté radicales de sa pensée et de son régime ne sont pas perçues ; on ne voit en lui qu’un nationaliste allemand classique, guère plus qu’un nouveau Bismarck. On veut souvent croire aussi que l’auteur de Mein Kampf s’est assagi avec l’exercice des responsabilités. Au printemps 1936, Hitler reçoit spectaculairement à sa résidence secondaire de Berchtesgaden le vieil homme d’État britannique David Lloyd George, un des vainqueurs de 1918, qui ne tarit pas d’éloges sur le Führer et les succès de son régime. En 1937, il reçoit de même la visite du duc de Windsor (l’ex-roi d’Angleterre Édouard VIII).

À l’été 1936, Hitler inaugure les Jeux olympiques de Berlin. C’est l’occasion d’un étalage à peine voilé de propagande nazie, ainsi que de réceptions grandioses destinées à séduire les représentants des establishments étrangers présents sur place, notamment britannique. Le Grec Spyrídon Loúis, vainqueur du marathon aux premiers jeux de 1896, lui remet un rameau d’olivier venu du bois d’Olympie. La France a renoncé à boycotter les jeux, et ses sportifs font polémiqueréf. nécessaire en défilant devant Hitler le bras tendu (le salut olympique ressemblant au salut nazi). Par contre, la délégation américaine s’est refusée à tout geste ambigu lors de son passage devant le dictateur. Plus tard, pendant les épreuves, Hitler quitte la tribune officielle pour éviter d’avoir à serrer la main du championréf. nécessaire noir américain Jesse Owens dont les succès aux épreuves d’athlétisme ridiculisent sous ses yeux ses doctrines sur la « supériorité » raciale des Aryens.

Le 2 janvier 1939, Hitler est élu Homme de l’année 1938 par le Time Magazine.

  • Les alliances


Timbre à l'effigie d'Hitler et de Mussolini, célébrant l'alliance des deux fascismes. Hitler et Mussolini durant une visite officielle en Yougoslavie occupéeEn juillet 1936, Hitler apporte son soutien aux insurgés nationalistes du général Franco lors de la guerre d’Espagne. Il fait parvenir des avions de transports pour permettre aux troupes coloniales du Maroc espagnol de franchir le détroit de Gibraltar lors des premiers jours cruciaux de l’insurrection. Tout comme Mussolini, il envoie ensuite du matériel militaire ainsi qu’un corps expéditionnaire, la Légion Condor, qui permettra de tester les nouvelles techniques guerrières, notamment les bombardements aériens terroristes sur les populations civiles, lors de la destruction de Guernica en 1937.

L’Allemagne nazie et l’Italie fasciste, qui ont combattu dans deux camps différents sous la Grande Guerre, étaient initialement hostiles par désaccord sur l’Anschluss. En juin 1934 à Venise, lors de leur première rencontre, Mussolini a toisé de haut Hitler, vêtu en civil et mal à l'aise face à celui qui lui a longtemps servi d'inspirateur. Le dictateur italien empêche en juillet l'annexion de l'Autriche en envoyant des troupes au col du Brenner après l'assassinat du chancelier autoritaire Engelbert Dollfuss par les nazis autrichiens. Mais après le départ de l’Italie de la Société des Nations, suite à son agression contre l’Éthiopie, et avec leur intervention commune en Espagne, les deux fascismes se rapprochent et concluent une alliance, une relation décrite par Benito Mussolini comme l’Axe Rome-Berlin, fondé en octobre 1936.

En novembre 1936, l’Allemagne et le Japon signent le pacte anti-Komintern, traité d’assistance mutuelle contre l’URSS, auquel se joint l’Italie en 1937. Cette même année Hitler rencontre à Nuremberg le prince Yasuhito Chichibu, frère cadet de l’empereur Hirohito, afin de raffermir les liens entre les deux états. En septembre 1940, la signature du Pacte tripartite entre le Troisième Reich, l’Italie et l’Empire du Japon, formalise la coopération entre les puissances de l’Axe pour établir un « nouvel ordre ». Ce pacte obligera Hitler à déclarer la guerre aux États-Unis après l’attaque japonaise sur Pearl Harbor, sans bénéfice aucun pour l’Allemagne, puisque sous-estimant un pays qu’il ne connaît pas, il fait entrer en lice contre le Reich l’immense potentiel économique de l’Amérique, hors d’atteinte.

En mai 1939, l’Allemagne et l’Italie signent un traité d’alliance militaire inconditionnel, le Pacte d'Acier : l’Italie s’engage à aider l’Allemagne même si celle-ci n’est pas l’agressée.

  • L’Anschluss

Article détaillé : Anschluss. Afin de réaliser l’Anschluss, rattachement de l’Autriche au Troisième Reich interdit par le traité de Versailles, Hitler s’appuie sur l’organisation nazie locale. Celle-ci tente de déstabiliser le pouvoir autrichien, notamment par des actes terroristes. Un coup d’État échoue en juin 1934, malgré l’assassinat du chancelier Engelbert Dollfuss. L’Italie a avancé ses troupes dans les Alpes pour contrer les velléités expansionnistes allemandes, et les nazis autrichiens sont sévèrement réprimés par un régime autrichien de type fasciste.

Début 1938, l’Allemagne est davantage en position de force et est alliée avec l’Italie. Hitler exerce alors des pressions sur le chancelier autrichien Kurt von Schuschnigg, le sommant, lors d’une entrevue à Berchtesgaden en février, de faire entrer des nazis dans son gouvernement, dont Arthur Seyss-Inquart au ministère de l’Intérieur. Devant la menace croissante des nazis, Schuschnigg annonce en mars l’organisation d’un référendum pour confirmer l’indépendance de l’Autriche.

Hitler lance alors un ultimatum exigeant la remise complète du pouvoir aux nazis autrichiens. Le 12 mars, Seyss-Inquart est nommé chancelier, et la Wehrmacht entre en Autriche. Hitler franchit lui-même la frontière par sa ville natale de Braunau am Inn, puis arrive à Vienne où il est triomphalement acclamé par une foule en délire. Le lendemain, il proclame le rattachement officiel de l’Autriche au Reich, ce qui est approuvé par référendum (99 % de oui) en avril 1938. Le Grossdeutschland (« Grande Allemagne ») était ainsi créé, avec la réunion des deux États à population germanophone. Rares sont alors les Autrichiens à s’opposer à la fin de l’indépendance, à l’image de l’archiduc Otto de Habsbourg, exilé.

En Autriche annexée, la terreur s’abat aussitôt sur les Juifs et sur les ennemis du régime. Un camp de concentration est ouvert à Mauthausen près de Linz, qui acquiert vite la réputation méritée d’être l’un des plus terribles du système nazi. Le pays natal de Hitler, qui se targua après la guerre d’avoir été la « première victime du nazisme » et refusa longtemps toute indemnisation des victimes du régime, s’est en fait surtout distingué par sa forte contribution aux crimes du Troisième Reich. L’historien britannique Paul Johnson45 souligne que les Autrichiens sont surreprésentés dans les instances supérieures du régime (outre Hitler lui-même, on peut citer Adolf Eichmann, Ernst Kaltenbrunner, Arthur Seyss-Inquart ou Hans Rautter, chef de la Gestapo aux Pays-Bas occupés) et qu’ils ont en proportion beaucoup plus participé à la Shoah que les Allemands. Un tiers des tueurs des Einsatzgruppen étaient ainsi autrichiens, tout comme quatre des six commandants des principaux camps d'extermination et près de 40 % des gardes des camps. Sur 5 090 criminels de guerre recensés par la Yougoslavie en 1945, on compte 2 499 Autrichiens.

  • Crise des Sudètes et accords de Munich

Article détaillé : Crise des Sudètes.

Poursuivant ses objectifs pangermanistes, Hitler menace ensuite la Tchécoslovaquie. Les régions de la Bohême et de la Moravie situées le long des frontières du Grossdeutschland, appelé Sudètes, sont majoritairement peuplées par la minorité allemande. Comme pour l’Autriche, Hitler affirme ses revendications en s’appuyant sur les agitations de l’organisation nazie locale, menée par Konrad Henlein. Le Führer évoque le « droit des peuples » pour exiger de Prague l’annexion au Reich des Sudètes.

Bien qu’alliée à la France (et à l’Union soviétique), la Tchécoslovaquie ne peut compter sur son soutien. Paris veut absolument éviter le conflit militaire, incitée en cela par le refus britannique de participer à une éventuelle intervention. Le souvenir de la Grande Guerre influence également cette attitude : si les Allemands ont développé le désir de revanche, les Français entretiennent quant à eux une ambiance générale résolument pacifiste.

Le 29 septembre 1938, conformément à une proposition de Mussolini faite la veille, Adolf Hitler, le président du Conseil français Édouard Daladier, le Premier ministre britannique Neville Chamberlain et le Duce italien Benito Mussolini, réunis dans la capitale bavaroise, signent les accords de Munich. La France et le Royaume-Uni acceptent que l’Allemagne annexe les Sudètes, pour éviter la guerre. En échange, Hitler, manipulateur, assure que les revendications territoriales du Troisième Reich s'arrêteront là. Le lendemain, la Tchécoslovaquie, qui avait commencé à mobiliser, est obligée de s’incliner. Parallèlement, le Troisième Reich autorise la Pologne et la Hongrie à s’emparer respectivement de la ville de Teschen et du sud de la Tchécoslovaquie.

Maître-d’œuvre de la politique d’« apaisement » avec le Reich, le Premier ministre britannique Neville Chamberlain a alors ce mot fameux : « Hitler est un gentleman ». Mais alors que les opinions publiques française et britannique sont enthousiastes, Winston Churchill commente : « Entre le déshonneur et la guerre, vous avez choisi le déshonneur. Et vous allez avoir la guerre. » De fait, Hitler rompt sa promesse à peine quelques mois plus tard.

En mars 1939, la République slovaque, encouragée par Berlin, proclame son indépendance ; son leader, Jozef Tiso place son pays sous l’orbite allemande. Hitler, lors d’une entrevue dramatique à Berlin avec le président tchécoslovaque Emil Hácha (remplaçant le président démissionnaire Edvard Beneš), menace de bombarder Prague si la Bohême et la Moravie ne sont pas incorporées au Reich. Le 15 mars, Hácha cède, et l’armée allemande entre à Prague sans combat le lendemain. La Bohême et la Moravie deviennent le Protectorat de Bohême-Moravie, dirigé par Konstantin von Neurath à partir de novembre 1939, puis de 1941 à son exécution par la résistance tchèque en mai 1942, par le haut chef SS Reinhard Heydrich, surnommé « le boucher de Prague ».

En mettant la main sur la Bohême-Moravie, le Reich s’empare par la même occasion d’une importante industrie sidérurgique et notamment des usines Škoda, qui permettent de construire des chars d’assaut. En annexant des populations slaves et non plus allemandes, Hitler a jeté le masque : ce qu'il poursuit n'est plus le pangermanisme classique mais, ainsi qu'il l'avoue sans fard à ses généraux le 23 mai 1939, la conquête d'un espace vital illimité.

Le Pacte germano-soviétique et l’agression de la Pologne Après l’Autriche et la Tchécoslovaquie, vient le tour de la Pologne. Coincée entre deux nations hostiles, la Pologne de Józef Piłsudski a signé avec le Reich un traité de non-agression en janvier 1934, pensant ainsi se prémunir contre l’Union soviétique. L’influence de la France, alliée traditionnelle de la Pologne, en Europe centrale a ainsi considérablement diminué, tendance qui s’est confirmée ensuite avec le démembrement de la Tchécoslovaquie et la désagrégation de la Petite Entente (Prague, Bucarest, Belgrade), alliance placée sous le patronage de Paris.



La Luftwaffe bombarde Varsovie, septembre 1939.Au printemps 1939, Hitler revendique l’annexion de la Ville libre de Dantzig. En mars, l’Allemagne a déjà annexé la ville de Memel, possession de la Lituanie. Ensuite, Hitler revendique directement le corridor de Dantzig, territoire polonais perdu par l’Allemagne avec le traité de Versailles en 1919. Cette région donne à la Pologne un accès à la mer Baltique et sépare la Prusse-Orientale du reste du Reich.

Le 23 août 1939, Ribbentrop et Molotov, ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne et l’Union soviétique signent un pacte de non-agression. Ce pacte est un nouveau revers pour la diplomatie française. En mai 1935, le gouvernement de Pierre Laval avait signé avec l’URSS un traité d’assistance mutuelle, ce qui eut pour conséquence de refroidir les relations de la France avec la Pologne, mais aussi avec les Tories au pouvoir à Londres. Avec le pacte de non-agression germano-soviétique, la France ne peut plus compter sur l’URSS pour menacer une Allemagne expansionniste. En outre, la Pologne est prise en tenaille. L’Allemagne et l’URSS ont convenu d’un partage des pays situés entre elles : Pologne occidentale pour la première, Pologne orientale (Polésie, Volhynie, Galicie orientale) et Pays baltes pour la seconde.

Le 30 août 1939, Hitler lance un ultimatum pour la restitution du corridor de Dantzig. La Pologne refuse. Cette fois-ci, la France et le Royaume-Uni sont décidés à soutenir le pays agressé. C’est le début de la Seconde Guerre mondiale.

La diplomatie hitlérienne pendant la guerre Une fois la France vaincue en 1940, Hitler satellise les pays d’Europe centrale : Slovaquie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie. Hitler obtient l’adhésion de la Hongrie et de la Bulgarie, anciens vaincus de la Première Guerre mondiale, en leur offrant respectivement la moitié de la Transylvanie et la Dobroudja, cédées par la Roumanie, où le général pro-hitlérien Ion Antonescu prend le pouvoir en septembre 1940. À partir de juin 1941, Hitler entraîne la Slovaquie, la Hongrie, et la Roumanie dans la guerre contre l’URSS, ainsi que la Finlande, qui y voit une occasion de réparer les torts de la guerre russo-finlandaise.



Hitler et Carl Gustaf Emil Mannerheim en Finlande le 4 juin 1942Cependant, Hitler échoue à faire entrer en guerre l’Espagne franquiste. Comptant sur la reconnaissance du Caudillo qui a gagné la guerre civile espagnole, il le rencontre à Hendaye le 23 octobre 1940. Hitler espère l’autorisation de Franco pour conquérir Gibraltar et couper les voies de communications anglaises en Méditerranée. Prudent, le dictateur espagnol sait que l'Angleterre ne peut plus déjà être envahie ni vaincue avant 1941, et que le jeu reste ouvert. Les contreparties exigées par Franco (notamment des compensations territoriales en Afrique du Nord française), dont le pays est par ailleurs ruiné et dépendant des livraisons américaines, sont irréalisables pour Hitler, qui souhaite ménager quelque peu le régime de Vichy pour l’amener sur la voie de la collaboration. Sorti furieux de l'entrevue au point de qualifier Franco de « porc jésuite »25, Hitler a cependant bénéficié plus tard de l'envoi en URSS des "volontaires" espagnols de la division Azul, qui participe jusqu'en 1943 à tous les combats (et à toutes les exactions) de la Wehrmacht, et le Caudillo l'a toujours ravitaillé en minerais stratégiques de première importance.

Au lendemain de l'entrevue de Hendaye, le 24 octobre, Hitler s'arrête à Montoire où la collaboration d'État française est officialisée au cours d'une entrevue avec Pétain. La poignée de main symbolique entre le vieux maréchal et le chancelier du Reich frappe de stupeur l'opinion française.

En novembre 1941, le Grand Mufti de Jérusalem, Amin al-Husseini, rencontre Adolf Hitler et Heinrich Himmler, souhaitant les amener à soutenir la cause nationaliste arabe. Il obtient d’Hitler la promesse « qu’une fois que la guerre contre la Russie et l’Angleterre sera gagnée, l’Allemagne pourra se concentrer sur l’objectif de détruire l’élément juif demeurant dans la sphère arabe sous la protection britannique»46. Amin al-Husseini relaie la propagande nazie en Palestine et dans le monde arabe et participe au recrutement de combattants musulmans, concrétisé par la création des divisions de Waffen-SS Handschar, Kama et Skanderberg, majoritairement formées de musulmans des Balkans.

Ce soutien des nazis au Grand Mufti de Jérusalem est contradictoire avec la politique antisémite dans les années 1930, qui a pour conséquence l’émigration d’une grande partie des juifs allemands vers la Palestine. Quant au Grand Mufti, sa stratégie est guidée par le principe selon lequel l’ennemi de ses ennemis (en l’occurrence les Anglais et les Juifs) doit être son allié47. Du point de vue hitlérien, il s’agit essentiellement d’ébranler les positions de l’empire britannique au Moyen-Orient devant l’avancée de l’Afrikakorps et de permettre le recrutement d’auxiliaires, notamment pour lutter contre les partisans, alors que l’hémorragie de l’armée allemande devient problématique.

  • Adolf Hitler en visite à Paris

Le 18 juin 1940, Hitler visite Paris pour la première fois, rapidement. Il passe en revue les troupes des détachements de la Wehrmacht qui défilent devant le maréchal Walther von Brauchitsch et le général Fedor von Bock, commandant en chef du groupe d’armées B. Le soir, il rentre à Munich pour rencontrer Benito Mussolini et examiner la demande de cessation d’hostilités adressée par Philippe Pétain.

Le dimanche 23 juin, il visite une deuxième fois la capitale française, toujours de façon brève et discrète (trois véhicules) en compagnie d’Arno Breker et Albert Speer, essentiellement pour s’inspirer de son urbanisme (il avait donné l’ordre d’épargner la ville lors des opérations militaires). Dès six heures du matin, en provenance de l’aérodrome du Bourget, il descend la rue La Fayette, entre à l’Opéra, qu’il visite minutieusement. Il prend le boulevard de la Madeleine et la rue Royale, arrive à la Concorde, puis à l’arc de triomphe. Le cortège descend l’avenue Foch, puis rejoint le Trocadéro. Hitler pose pour les photographes sur l’esplanade du Trocadéro, dos tourné à la tour Eiffel. Ils se dirigent ensuite vers l’École militaire , puis vers les Invalides et il médite longuement devant le tombeau de Napoléon Ier (c'est également aux Invalides qu'il fera transférer les cendres du fils de Napoléon Ier, l’Aiglon). Ensuite, il remonte vers le jardin du Luxembourg qu’il visite, mais ne souhaite pas visiter le Panthéon. Pour finir, il descend le boulevard Saint-Michel à pied, ses deux gardes du corps à distance. Place Saint-Michel, il remonte en voiture. Ils arrivent alors sur l’île de la Cité, où il admire la Sainte-Chapelle et Notre-Dame, puis la rive droite (le Châtelet, l’hôtel de ville, la place des Vosges, les Halles, le Louvre, la place Vendôme). Ils remontent ensuite vers l’Opéra, Pigalle, le Sacré-Cœur, avant de repartir à 8h15. Un survol de la ville complète sa visite. Il ne reviendra plus jamais à Paris48,49.

  • La Seconde Guerre mondiale

Article détaillé : Seconde Guerre mondiale.



En juin 1942 avec son État-MajorHitler a eu de « brillantes » intuitions, lors de la première phase de la Seconde Guerre mondiale. La Wehrmacht applique la Blitzkrieg (guerre éclair, impliquant un emploi massif et concentré des bombardiers et des blindés), qui lui permet d’occuper successivement la Pologne (septembre 1939), le Danemark (avril 1940), la Norvège (avril-mai 1940), les Pays-Bas, le Luxembourg et la Belgique (mai 1940), la France (mai-juin 1940), la Yougoslavie (avril 1941) et la Grèce (avril-mai 1941).

En particulier, la défaite rapide de la France en juin 1940 est un véritable triomphe pour Hitler, qui est acclamé par une foule massive à son retour à Berlin en juillet. Cependant, cet éternel joueur de dés remet tout en jeu en agressant l'URSS le 22 juin 1941, décision à terme fatale.

La guerre radicalise son régime et lui fait prendre ses traits les plus meurtriers. De même que l'attaque de la Pologne donne le signal du massacre des handicapés mentaux ou de la répression de masse contre les peuples slaves, c'est dans la guerre d'extermination (Vernichtungskrieg) planifiée contre les populations soviétiques que s'élabore notamment la Solution Finale. Toute l'Europe occupée est livrée à la terreur et au pillage, avec des degrés divers selon le sort qu'Hitler réserve à chaque "race" et à chaque pays.

Les succès et la conquête de l’Europe (1939-1940) Son mépris total du droit international a facilité la tâche à Hitler, tout comme son absence complète de scrupules, ainsi que la passivité frileuse ou la naïveté de nombre de ses victimes. Ainsi, six de ces pays (Danemark, Norvège, Pays-Bas, Luxembourg, Belgique, Yougoslavie) sont des États neutres, attaqués par surprise, sans même la formalité d’une déclaration de guerre. Hitler a souvent exprimé à ses proches son sentiment selon lequel les traités diplomatiques ou de non-agression qu’il signait au nom de l’Allemagne n’étaient, pour lui, que des papiers sans réelle valeur, uniquement destinés à endormir la méfiance adverse. Au procès de Nuremberg, le Troisième Reich se verra reprocher la violation de 34 traités internationaux.

De même, Hitler n’hésite pas à recourir à des méthodes de terreur pour faire plier l’ennemi. Il ordonne ainsi la destruction par les airs du centre de Rotterdam le 14 mai 1940, ou le terrible bombardement de Belgrade (6-9 avril 1941), en représailles à un putsch anti-hitlérien d’officiers serbes hostiles à l’adhésion à l’Axe. La Wehrmacht s’illustre aussi dans son avancée par un certain nombre de crimes de guerre, ainsi le massacre de 1500 à 3000 soldats noirs des troupes coloniales en France50, premières victimes dans ce pays du racisme hitlérien.

Autodidacte en matière militaire, Hitler juge que les généraux de la vieille école dominant la Wehrmacht, souvent issus de l’aristocratie prussienne (généralement méprisée par les nazis qui se considèrent révolutionnaires), sont trop prudents et dépassés par les conceptions de la guerre moderne (la Blitzkrieg et la guerre psychologique). Les succès sont avant tout ceux de jeunes généraux talentueux tels que Heinz Guderian ou Erwin Rommel, qui savent faire preuve d’audace, d’initiatives, et ont une conception de la guerre plus novatrice que leurs adversaires.



Dans la clairière de Rethondes, juste avant la signature de l'armistice avec la France, Hitler et ses généraux contemplent la statue du maréchal Foch (22 juin 1940).Toutefois, Hitler lui-même démontre une certaine habileté et audace stratégique. Il est ainsi persuadé que la France ne bougera pas pendant que la Pologne sera envahie, évitant à l’Allemagne de combattre sur deux fronts, ce qui est effectivement le scénario de la drôle de guerre. Il est également en grande partie à l’origine du plan dit « von Manstein », qui permet, en envahissant la Belgique et la Hollande, de piéger les forces franco-britanniques projetées trop en avant et de les prendre à revers par une percée dans les Ardennes dégarnies, pour isoler le meilleur des troupes adverses acculées à Dunkerque en mai-juin 1940. Cependant, le 24 mai, Hitler, redoutant qu'une avance trop rapide ne fournisse à l'ennemi l'occasion d'une improbable deuxième victoire de la Marne, commet l'erreur d'ordonner à ses troupes de marquer un arrêt devant le port, d’où rembarquent alors 300 000 soldats britanniques, ordre qualifié plus tard de « miracle de Dunkerque ». Le 22 juin, dans la clairière de Rethondes, lors de l'Armistice franco-allemand qu'il a symboliquement exigé de voir signer dans la même clairière et le même wagon qu'en 1918, Hitler exulte devant les caméras des actualités allemandes.

Avant l’invasion de la Russie un an plus tard, l’Allemagne hitlérienne domine donc l’Europe, ajoutant au printemps 1941 la Yougoslavie et la Grèce à son empire, envahis pour venir en aide à Mussolini, jaloux des succès de Hitler mais lui-même vite empêtré dans les Balkans. Avec ses succès militaires et la disparition de l’influence française en Europe centrale, la Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie (dont les champs de pétrole sont une obsession continuelle pour Hitler durant la guerre) et la Bulgarie, en adhérant au Pacte tripartite, tombent dans l’orbite de l’Allemagne, mettant à sa disposition des bases pour de futures actions.

Entre juin 1940 et juin 1941, le seul adversaire de l’Allemagne nazie reste le Royaume-Uni, appuyé par le Commonwealth. Hitler est plutôt enclin à des relations cordiales avec les Anglais, considérés racialement comme proches des Germaniques. Il espère que le gouvernement britannique finira par négocier la paix et qu’il acceptera de se contenter de son empire colonial et maritime sans plus intervenir sur le continent. Hitler compte sur l’action de la Luftwaffe, puis les attaques des sous-marins contre les convois de marchandises (bataille de l’Atlantique), pour faire plier le Royaume-Uni.



« Hitler ne préviendra pas : aie toujours ton masque à gaz ». Affiche britannique pendant le Blitz.Mais sur ce point, la détermination de Winston Churchill, arrivé au pouvoir le 10 mai 1940, contraste avec les atermoiements de ses prédécesseurs. Refusant toute paix de compromis, galvanisant la population britannique, il contrarie les plans du Führer. Dès le 15 septembre 1940, la bataille d'Angleterre est virtuellement perdue pour l'Allemagne, l’héroïsme des pilotes de la Royal Air Force ayant fait échec aux rodomontades de Göring, maître de la Luftwaffe, dont la semi-disgrâce auprès du Führer commence.

Furieux, Hitler ajourne dès le 12 septembre l’opération Seelöwe - son plan de débarquement en Angleterre, au demeurant improvisé trop tardivement à l’été 1940, et irréalisable tant que le Royaume-Uni a encore sa flotte navale et aérienne. Il déchaîne alors les bombardements terroristes sur les populations civiles britanniques : le Blitz s’abat chaque jour sur les cités anglaises, en particulier sur Coventry, rasée par l’aviation allemande le 26 novembre 1940, ou sur la vieille City de Londres, incendiée notamment dans les nuits de décembre 1940 et du 10-11 mai 1941. Mais la détermination populaire britannique reste intacte.

En 1942, en représailles aux premiers grands raids britanniques sur les cités allemandes, Hitler ordonnera encore de détruire une à une les villes d’art britanniques par les airs (les « raids Bädecker », du nom d’un guide touristique célèbre), de même qu’il déchaînera en 1944 les V1 et les V2 sur l’Angleterre. Sans plus de succès.

Par ailleurs, la guerre sous-marine à outrance rapproche le Royaume-Uni des États-Unis, soucieux de la liberté de commerce et de navigation. Hitler commence à considérer que la guerre avec l’Amérique, foyer du capitalisme juif à ses yeux, devient inéluctable.

  • Erreurs et premiers échecs (1941)


« Alors, je vois que toi aussi tu as des ennuis ? » Caricature soviétique dressant le parallèle entre les campagnes de Russie de Napoléon et d'Hitler.Hitler s’avère aussi et surtout être un commandant en chef brouillon et imprévisible, dédaigneux de l’opinion de son état-major. Il peut compter sur la très grande servilité de celui-ci, et en premier lieu du chef de l’Oberkommando der Wehrmacht (OKW, haut commandement des forces armées), Wilhelm Keitel. Chez Hitler, un manque fréquent de réalisme se double souvent d’impairs stratégiques. En outre, le Führer est inconscient de bien des problèmes du front. Comme Adolf Hitler accueille très mal les mauvaises nouvelles et tout ce qui ne correspond pas à ses plans, ses subordonnés hésitent à lui transmettre certaines informations.

Sa première grave erreur a été d’ouvrir un deuxième front, en envahissant l’immense Union soviétique sans avoir terminé la guerre contre le Royaume-Uni. Toujours persuadé d’avoir une tâche monumentale qu’il aura du mal à réaliser en une seule vie, il souhaite attaquer l’URSS, principal réservoir d'« espace vital » et ennemi principal doctrinal, dans des délais rapides. À partir de décembre 1940, il planifie une guerre d'extermination terroriste à l'Est : il ne s'agit pas seulement de détruire le bolchevisme, mais au-delà, comme déjà en Pologne asservie, de détruire l'État, de réduire les populations civiles à l'état d'esclaves et de sous-hommes, de vider par les massacres et les déportations les territoires conquis de leurs Juifs et de leurs Tziganes, afin de laisser la place à des colons allemands.

Au lancement de l’opération Barbarossa contre l’Union soviétique en juin 1941, Hitler, considérant que l’Armée rouge s’écroulera rapidement, envisage d’atteindre avant la fin de l’année une ligne Arkhangelsk-Astrakhan. Il interdit à ses troupes d'emporter du matériel d'hiver.

Il divise son armée en trois groupes : le Groupe d’armée Nord (GAN) ayant pour objectif Leningrad, le Groupe d’armée Centre (GAC) ayant pour objectif Moscou, et le Groupe d’armée Sud (GAS) ayant pour objectif l’Ukraine. À ce dispositif s’ajoutent les alliés finlandais au Nord, hongrois, roumains et italiens au Sud, ces derniers étant considérés comme peu fiables par Hitler et son état-major.

En août 1941, Hitler donne la priorité à la conquête de l’Ukraine, objectif économique primordial avec ses terres céréalières et ses mines, par le GAS, mais aussi objectif stratégique, car une très grosse part de l'Armée Rouge est concentrée autour de Kiev : marcher directement sur Moscou avant d'avoir détruit ces réserves, comme le voudraient de nombreux généraux allemands, exposerait dangereusement le flanc de la Wehrmacht aux yeux de Hitler. Ce faisant, le Führer oblige le GAC à stopper, alors qu’il était parvenu à 300 kilomètres de Moscou. L’offensive sur ce secteur reprend en octobre, mais ce contretemps fait intervenir un adversaire redoutable : l’hiver russe.



Fosse commune de quelques-uns des 3,5 millions de prisonniers soviétiques exterminés par les nazis.Hitler a négligé ce facteur autant qu’il a sous-estimé, par haine des Slaves et du communisme, la qualité et la combativité des « sous-hommes » soviétiques. Son racisme lui fait aussi interdire formellement à l'armée d'invasion de se chercher des alliés parmi les nationalistes locaux et les ennemis du régime stalinien.

Au contraire, les déchaînements de cruautés contre les civils et la mise en œuvre des crimes de masse prémédités aliènent très vite à Hitler les populations soviétiques, rejetées dans les bras d'un Staline qui sait proclamer l'union sacrée. L’arrivée de troupes fraîches de Sibérie permet de dégager Moscou et de faire reculer des Allemands mal préparés aux dures conditions climatiques. La Wehrmacht a alors perdu 700 000 hommes (tués, blessés, prisonniers), soit un quart de son effectif sur ce front.

Le 19 décembre 1941, alors que la retraite menace de se transformer en débacle incontrôlable comme celle qui avait fait disparaître la Grande Armée napoléonienne en 1812, Hitler prend directement le commandement de la Wehrmacht sur le front russe, évinçant le général von Brauchitsch ainsi que Guderian, von Bock et von Rundstedt. Il interdit catégoriquement toute retraite, tout repli même stratégique, allant jusqu'à faire condamner à mort des officiers et des généraux qui en effectuent en lui désobéissant. Les ordres draconiens du Führer parviennent de fait à stabiliser le front à quelque 150 km de Moscou, au prix de terribles souffrances des soldats.

Désormais, la guerre-éclair a fait son temps et Hitler a perdu tout espoir d'une guerre courte. De surcroît, c'est au même moment qu'il déclare la guerre aux États-Unis, le 11 décembre 1941, peu après l'attaque de Pearl Harbour le 7, dont ses alliés japonais ne l'avaient même pas prévenus, et sans bénéfice aucun pour le Reich, puisque l'empire japonais ne déclare nullement la guerre à l'URSS. Le Führer a fait donc inconsidérément entrer en lice le plus grand potentiel économique du monde, hors d'atteinte de ses Panzer et des bombardiers.

Hitler est désormais le maître absolu de l'armée et des opérations (même Staline laisse après 1942 la bride sur le cou à ses généraux, tandis que Churchill, Roosevelt et de Gaulle ne prennent guère que des décisions politiques). Si l'échec frustrant devant Moscou radicalise encore ses projets meurtriers (sa décision d'exterminer tous les Juifs d'Europe est prise au moment du ralentissement de l'avancée en Russieréf. nécessaire), Hitler dispose encore de forces armées redoutables et reste pour l'heure le maître tout-puissant de l'Europe conquise, des portes de Moscou à l'Atlantique.

  • Le maître de l'Europe occupée : exploitation et terreur

Article détaillé : Europe sous domination nazie. L'« Ordre Nouveau » promis par la propagande nazie n'a jamais signifié pour Hitler que la domination absolue et l'exploitation systématique de son « espace vital » par la « race des Seigneurs ».

Partout les économies locales sont donc placées sous tutelle, au profit exclusif du Troisième Reich et de son effort de guerre. Des tributs financiers exorbitants sont exigés des vaincus, les matières premières drainées en Allemagne ainsi que les produits agricoles et industriels (sans oublier les œuvres d'arts, dont des trains entiers sont raflées par Göring et Rosenberg). Le pillage de l'Europe occupée est d'autant plus radical que Hitler tient absolument à maintenir un haut niveau de vie à la population allemande même en pleine guerre, pour éviter que ne se reproduise la révolte de novembre 1918.

Le 21 mars 1942, pour pallier la pénurie de main-d'œuvre causée par la mobilisation massive des Allemands sur le front de l'Est, Hitler nomme le gauleiter Fritz Sauckel plénipotentiaire au recrutement des travailleurs . Placé sous l'autorité directe du seul Führer, Sauckel parvient, à force de chasses à l'homme et de rafles massives à l'Est, et en usant à l'Ouest davantage d'intimidations et de mesures coercitives (conscription du travail et STO), à amener en deux ans plus de 8 millions de travailleurs forcés sur le territoire du Grand Reich. Parmi eux, les travailleurs polonais et soviétiques (Ostarbeiter) ont été soumis à un traitement brutal et extrêmement discriminatoire, leur laissant à peine le minimum vital pour subsister51.

Parallèlement, le 8 février 1942, Hitler a chargé son confident et architecte préféré, le jeune technocrate Albert Speer, de réorganiser l'économie de guerre du Reich. Très efficace, Speer obtient des résultats significatifsévasif qui prolongent la guerre. Mais il ne met longtemps à vaincre les réticences de Hitler à proclamer la guerre totale voulue par Goebbels, le Führer ne voulant pas imposer aux Allemands des sacrifices susceptibles de nuire à son image et de les pousser à la révolte.

Himmler de son côté exploite jusqu'à la mort la main-d'œuvre forcée des camps de concentration, dont le taux de mortalité explose littéralement à partir de début 1942. Le 9 décembre 1941, Hitler a pris personnellement le décret Nacht und Nebel, cosigné par Keitel, qui prévoit de faire littéralement disparaître les résistants déportés « dans la nuit et le brouillard » (expression empruntée par le Führer à un opéra de Wagner). Au sein du système concentrationnaire nazi, ce sont donc les détenus de toute l'Europe classés « NN » qui connaîtront les pires traitements et le taux de mortalité le plus importantréf. nécessaire.

La domination nazie réintroduit largement en Europe des pratiques disparues depuis le XVIIIe siècle : torture, prise d'otages, réduction des populations en esclavage, destruction de villages entiers deviennent des pratiques banales qui signent la brève hégémonie de Hitler.

On peut y ajouter l'enrôlement forcé dans les troupes allemandes des Malgré-Nous alsacien-mosellans ou polonais, dont les territoires annexés sont soumis à une intense germanisation forcée, ou l'enlèvement aux mêmes fins de germanisation de centaines de milliers d'enfants européens aux traits « aryens », confiés aux Lebensborn que supervise Martin Bormann, secrétaire du Führer.

Hitler a ainsi personnellement fixé le taux de 50 otages à fusiller par soldat allemand blessé, et de 100 par soldat allemand tuéréf. nécessaire. Strictement appliqué à l'Est, faisant des victimes par dizaines de milliers, ces représailles massives sur les civils sont plus « modérées » à l'Ouest, où le racisme hitlérien ne méprise pas autant les populations, et où il faut tenir compte du plus haut niveau de développement et d'organisation des sociétés. Elles n'en sont pas moins appliquées.



Pendaison de civils polonais, 26 juin 1942Aussi, après une série d'attentats inauguré par le coup de feu du colonel Fabien contre un officier allemand en plein Paris, Hitler ordonne personnellement l'exécution d'un certain nombre d'otages, qui seront fusillés notamment au camp de Châteaubriant. En mars 1944, lorsque la Résistance italienne tue 35 soldats allemands dans Rome occupée, Hitler exige que cent otages soient fusillés pour chaque tué : le maréchal Kesselring « réduit » le taux au demeurant irréaliste à dix pour un, et ce sont tout de même 355 Italiens qui périssent aux Fosses Ardéatines.

Le 10 juin 1942, suite à l'exécution de son fidèle Heydrich par la résistance tchèque, Hitler ordonne la destruction totale du village de Lidice.

Le 17 juin 1944, quand le maréchal Rommel lui demande de faire passer en jugement les responsables du massacre d'Oradour-sur-Glane, préjudiciable aux relations avec Vichy, Hitler se contente de le rabrouer en lui ordonnant de ne pas se mêler de politique.réf. nécessaire

Des revers à la débacle (1942-1944) Pendant l’offensive d’été en Russie du Sud en 1942, Hitler répète l’erreur de l’année précédente en divisant un groupe d’armée en deux, le rendant ainsi plus vulnérable. Le groupe A se dirige vers le Caucase et ses champs de pétrole, le groupe B se dirige vers Stalingrad.



« Nous détruirons l'ennemi sans pitié ». Affiche soviétique, 1943.Cette ville industrielle qui porte le nom de son adversaire devient pendant des mois un enjeu symbolique, théâtre d'un duel direct entre Adolf Hitler et Joseph Staline. Après une bataille acharnée rue par rue, maison par maison voire pièce par pièce, la VIe Armée de Friedrich Paulus se retrouve encerclée dans la ville. Hitler interdit toute tentative de sortie qui abandonnerait la ville, et toute capitulation. En janvier 1943, il nomme Paulus maréchal : aucun maréchal allemand n'ayant jamais capitulé, il escompte que Paulus se suicidera plutôt que de se rendre. Peine perdue, la capitulation du nouveau promu à Stalingrad, le 30 janvier 1943, a un retentissement mondial immense et marque le tournant de la guerre à l'Est.

Si Hitler a froidement sacrifié une armée de 300 000 hommes à Stalingrad, son obsession à maintenir les troupes épuisées dans la ville en ruines n'est cependant pas due qu'à un orgueil insensé de sa part ou qu'à son fanatisme, ainsi qu'il est généralement avancé. Les 100 000 Allemands survivants encerclés fixaient aussi plus de 500 000 Soviétiques, soulageant d'autant le gros de la Wehrmacht, qui pendant ce temps se replie en bon ordre en Ukraine, d'où elle peut vite relancer des contre-offensives. Au demeurant, vu les conditions de vie et la mortalité dans une URSS tout entière affamée par l'invasion hitlérienne, les rescapés de Stalingrad n'auraient pas davantage survécu à leur captivité si elle avait commencé plus tôt52.

Au même moment, Rommel est chassé d'Afrique du Nord par les Alliés, et le refus obstiné de Hitler d'évacuer la Tunisie coûtera encore 250 000 prisonniers à l'Axe en mai 1943.

Très réservé sur l'offensive de Koursk - sa dernière sur le front de l'Est, et la plus grosse bataille de blindés de l'Histoire - Hitler ne fait aucune difficulté pour l'arrêter, le 13 juillet 1943, quant à son échec flagrant vient s'ajouter le débarquement allié en Italie, qui l'oblige à dégarnir le front russe et qui précipite le renversement de son collègue Mussolini. Ce dernier, l'un des rares hommes pour qui Hitler conserve un sentiment de camaraderie, est libéré par un commando SS sur ses ordres, mais il n'est plus désormais qu'un collaborateur des nazis, à la tête d'une République de Salo fantoche.



Affiche américaine ridiculisant Hitler.Jusqu’à la défaite de 1945, Hitler continue d'ordonner perpétuellement à ses troupes, sur quelque front que ce soit, de ne pas reculer, en dépit des rapports de force largement en faveur des Soviétiques ou des Alliés, ou des conditions du terrain, qu’il ne constate jamais sur place.

Dans la nuit du 6 juin 1944, Jodl refuse de réveiller le Führer alors que les parachutistes sautent sur la Normandie et que 4 126 navires alliés prennent d'assaut la « forteresse Europe » et percent le Mur de l'Atlantique construit sur ses ordres. Cependant, la légende répandue qui veut que l'Allemagne ait perdu la guerre à cause des sommifères pris la veille par Hitler est infondée : qu'il ait dormi ou non, il n'aurait pas été question de réagir sans au moins quelques heures de recul pour apprécier la situation53.

Intoxiqué par les services alliés (opération Fortitude), Hitler retarde l’envoi de Panzerdivisionen pour rejeter les forces débarquées, pensant que l’opération Overlord est une diversion et que le vrai débarquement doit avoir lieu dans le Pas-de-Calais. Il ne changera pas d'avis avant la fin de la bataille de Normandie. En août 1944, il ordonne au général von Kluge d’effectuer une contre-attaque à Mortain pour sectionner la percée des troupes américaines à Avranches. Cependant, les troupes allemandes engagées dans cette opération ne peuvent avancer jusqu’à leurs objectifs en raison des bombardements massifs, et elles sont prises dans une nasse refermée par George Patton et Montgomery, dans la poche de Falaise où 50 000 Allemands sont fait prisonniers.



Varsovie insurgée anéantie par les Allemands, été 1944.Le 25 août 1944, Paris est libérée, intacte, bien que le Führer eut ordonné sa destruction. Le général Dietrich von Choltitz, commandant les troupes allemandes dans la capitale française, a refusé d’obéir à cet ordre au demeurant peu réalisable. La capitale de la Pologne n’a pas la même chance, car après l’insurrection de Varsovie, en août-septembre 1944, la ville, déjà détruite à 50 % par les combats, est rasée ensuite à 90 % sur ordre personnel d’Hitler ; les civils sont déportés et on relève près de 200 000 morts.

Fin 1944, malgré la perte de la France et de la Belgique à l'Ouest, de la Grèce et du sud de la Yougoslavie à l'Est, Hitler a réussi à stabiliser les fronts sur le Rhin, la Vistule et le Danube, et se montre encore capable de lancer une offensive dans les Ardennes. En s'emparant de la Hongrie, il a empêché le régent Miklós Horthy de virer de bord comme l'ont fait la Roumanie et la Bulgarie, sans négliger au passage de faire déporter en 56 jours plus de 500 000 Juifs hongrois à Auschwitz par Eichmann. Grâce aux millions de travailleurs forcés, l'économie de guerre allemande confiée à Speer continue à produire à plein régime, malgré les bombardements alliés sur les villes du Reich. Hitler parvient donc à retarder sensiblement l'échéance finale et à remporter des succès jusqu'à la fin.

S'il est devenu évident pour tous, jusqu'au sein même de ses serviteurs, que la défaite est inéluctable et qu'Hitler mène l'Allemagne à la catastrophe, aucune cessation des combats n'est possible tant qu'il reste en vie. Or en Allemagne même, Hitler exerce une lourde répression après avoir survécu à l'attentat du 20 juillet 1944.

Attentats contre sa personne et complot du 20 juillet 1944 Le pouvoir absolu de Hitler ne cesse de se renforcer au cours de la guerre. Ainsi en avril 1942, lors d’une cérémonie au Reichstag, il se fait donner officiellement droit de vie et de mort sur chaque citoyen allemand.

Tandis que l'étoile de Göring pâlit et que son successeur désigné, Rudolf Hess, s'est mystérieusement enfui en Écosse en mai 1941, son secrétaire particulier Martin Bormann s'affirme de plus en plus comme une éminence grise, filtrant les accès à Hitler, gérant ses biens et jouant un rôle actif dans la mise en œuvre des projets nazis en Europe.

Ses victoires de 1939-1941 ont renforcé la croyance de la population dans son infaillibilité, et rendu impossible la tâche de ceux qui voudraient le renverser. Même de futurs résistants comme le pasteur Martin Niemöller, les étudiants martyrs de la Rose blanche à Munich ou le comte de Stauffenberg, héros de l’attentat du 20 juillet 1944, ont été initialement séduits par la personne charismatique du Führer et par ses succès54.

Cependant, si le soutien au moins passif des masses reste pratiquement acquis jusqu’à la fin, depuis la crise des Sudètes en 1938, des individus ou des groupes isolés ont compris que seule la mort de Hitler peut encore permettre d’éviter un désastre total à l’Allemagne.

Article détaillé : Attentats contre Adolf Hitler. La « chance du diable »55 assez peu ordinaire dont bénéficie Adolf Hitler lui a permis d'échapper de peu à plusieurs tentatives d’assassinat. Mais il faut aussi compter avec la difficulté d'accéder à lui puisqu'il se terre dans son QG prussien après 1941, son incapacité à se tenir à des horaires réguliers et prévisibles, la foule ou la garde SS qui l'entourent, et ses précautions prises - ses déplacements de guerre sont secrets, le fond de sa casquette est blindé, il porte un gilet pare-balles et ses aliments sont goûtés préalablement par son médecin56. En novembre 1938 à Munich, le catholique suisse Maurice Bavaud a tenté de tirer sur lui, il sera guillotiné. Le 8 novembre 1939, lors de la commémoration annuelle de son putsch manqué à la brasserie Bürgerbräukeller, Hitler échappe à un attentat orchestré par Johann Georg Elser. La bombe explose 20 minutes après le départ d’Hitler qui avait dû écourter son discours à cause des mauvaises conditions climatiques l’obligeant à prendre le train plutôt que l’avion.

Au fur et à mesure que l’issue de la guerre se précisait dans le sens d’une défaite, plusieurs gradés ont comploté avec des civils pour éliminer Hitler. Bien que les Alliés aient exprimé le choix d’une reddition sans conditions lors de la conférence d'Anfa, en janvier 1943, les conjurés espèrent renverser le régime afin de négocier un règlement politique du conflit. Parmi eux, l’amiral Wilhelm Canaris, chef de l’Abwehr (services secrets), Carl Friedrich Goerdeler, l’ancien maire de Leipzig, ou encore le général Ludwig Beck. Ce dernier, après la défaite de Stalingrad, met en marche le complot sous le nom d’opération Flash, mais la bombe placée le 13 mars 1943 dans l’avion de Hitler, en visite sur le front de l’Est, n’explose pas.

Article détaillé : Complot du 20 juillet 1944 contre Adolf Hitler. Le 20 juillet 1944 à 12h42, à la Wolfsschanze, Hitler est blessé dans un attentat lors d’une tentative de coup d'État d’officiers organisée par Claus von Stauffenberg, qui est durement réprimée. Compromis, les maréchaux Erwin Rommel et Günther von Kluge sont contraints au suicide, tandis que l’amiral Canaris est envoyé dans un camp de concentration où il sera assassiné par pendaison à l’approche des Alliés, aux côtés du pasteur Dietrich Bonhoeffer.

En tout, plus de 5000 personnes sont arrêtées et assassinées au cours de la répression. En vertu du principe totalitaire de la responsabilité collective, et se référant aux antiques coutumes de vengeance des peuplades germaniques (Sippenhaft), Hitler fait envoyer les familles des conjurés dans des camps de concentration. Les conjurés, maltraités et ridiculisés, sont traînés devant le Tribunal du Peuple de Roland Freisler, qui les abreuve d’injures et d’humiliations au cours de parodies de justice n’essayant même pas de respecter les apparences élémentaires du droit, avant de les envoyer à la mort. Beaucoup périssent pendus à des crocs de boucher à la prison berlinoise de Plotzensee. Hitler fit filmer les exécutions pour pouvoir les visionner avec ses fidèles dans sa salle privée, bien qu’il semble que les films ne furent finalement jamais projetés.

  • La défaite finale et la mort

Aux abois Les ordres de Hitler à ses troupes deviennent de plus en plus irréalistes compte tenu de l’écrasante supériorité de l’Armée rouge et des Alliés. Les réunions entre Hitler et son chef d’état-major (depuis juillet 1944) Heinz Guderian sont de plus en plus houleuses et ce dernier finit par être renvoyé le 28 mars 1945.



« Hitler doit mourir pour que l'Allemagne vive » : graffiti sur une baraque du camp de la mort de Buchenwald, libéré par l'armée américaine, avec Hitler pendu en effigie (avril 1945).Devant ses proches, Hitler déclare que les « armes miracles » vont renverser la situation (dont les V1 et V2, les premiers missiles, assemblés notamment dans le tunnel mortifère du camp de concentration de Dora-Mittelbau, ou encore les premiers chasseurs à réaction Messerschmitt Me 262), ou encore que de même que son héros Frédéric II de Prusse avait jadis été sauvé par un retournement d’alliance in extremis, de même les Alliés arrêteront de combattre le Troisième Reich pour s’attaquer à l’Union soviétique.

En fait, depuis la conférence de Casablanca en janvier 1943, les Alliés sont sans ambiguïté sur l’exigence d’une capitulation sans condition et sur la dénazification de l’Allemagne et le châtiment des criminels de guerre. Quant aux « armes nouvelles », elles auraient été tout à fait insuffisantes, et Hitler a lui-même gâché ses dernières chances en affichant longtemps son mépris pour les « sciences juives » dont la physique nucléaire (une des causes du retard pris aux recherches sur la bombe atomique), ou encore en exigeant, contre l’avis de tous les experts, de construire les avions à réaction non pas comme chasseurs, ce qui aurait pu faire basculer la guerre aérienne, mais comme bombardiers - pour pouvoir reprendre la destruction des villes anglaises.

Dans les derniers mois du conflit, Hitler, dont la santé décline rapidement, n’apparaît plus en public, ne parle plus guère à la radio, et reste la plupart du temps à Berlin. C’est Joseph Goebbels, le chef de la propagande, par ailleurs commissaire à la défense de Berlin et responsable de la Volkssturm, qui se charge d’exhorter les troupes et les foules. Le lien entre les Allemands et le Führer se distend. Hitler n’a jamais visité une ville bombardée ni un hôpital civil, il n’a jamais vu aucun des réfugiés qui fuient l’avancée de l’Armée rouge par millions à partir de janvier 1945, il ne se rend plus de longue date au chevet de soldats blessés, et a cessé depuis fin 1941 de prendre ses repas avec ses officiers ou ses soldats. Sa glissée hors du réel s’accentue.



Officier nazi de la Volkssturm suicidé auprès d'un portrait lacéré du Führer, printemps 1945.Convaincu que le peuple allemand ne mérite pas de lui survivre puisqu’il ne s’est pas montré le plus fort, Hitler ordonne le 19 mars 1945 une terre brûlée d’une ampleur inégalée, incluant la destruction des industries, des installations militaires, des magasins et des moyens de transport et de communications, mais aussi des stations thermiques et électriques, des stations d’épuration, et de tout ce qui est indispensable à la survie élémentaire de ses concitoyens. Cet ordre ne sera pas respecté. Albert Speer, ministre de l’armement et architecte du Reich, a prétendu devant le tribunal de Nuremberg qu’il avait pris les mesures nécessaires pour que les directives de Hitler ne soient pas accomplies par les gauleiters.

En avril 1945, le Reich est aux abois : le Rhin franchi par les Occidentaux le 23 mars, les villes matraquées par des bombardements quotidiens, les réfugiés fuyant en masse de l’Est, les Soviétiques approchant de Vienne et de Berlin. Dans les rues assaillies de ces deux villes, les SS pendront encore en public ceux qui parlent de cesser un combat sans espoir. Sur des cadavres de civils pendus à des lampadaires, des pancartes précisent par exemple : « Je pends ici parce que j’ai douté de mon Führer », ou « Je pends ici parce que je suis un traître ». Les dernières images d’Hitler filmées, en pleine bataille de Berlin, le montrent décorant ses derniers défenseurs : des enfants et des pré-adolescents.

Les dix derniers jours

  • Article détaillé : Mort d'Adolf Hitler.


Journal américain annonçant la mort d’Hitler Le 20 avril, les hauts dirigeants nazis viennent une dernière fois saluer hâtivement leur maître pour son anniversaire, avant de tous s'enfuir précipitamment loin de Berlin, attaquée par l'Armée Rouge.

Terré au fond de son Führerbunker, Hitler refuse de partir pour la Bavière et choisit de rester à Berlin pour mieux mettre en scène sa mort. Au cours de séances quotidiennes de plus en plus orageuses, tandis qu'au-dehors la plus grande bataille de la guerre fait rage, il continue à ordonner d'impossibles manœuvres pour délivrer la capitale vite encerclée. Le 22 avril, comprenant la vanité de ces tentatives, il entre dans l'une de ses plus terribles colères, avant de s'effondrer en reconnaissant enfin pour la première fois que « la guerre est perdue » (« Das Krieg ist verloren »). La décision du suicide est prise dans les jours suivants.

Le 23, Albert Speer revient en avion dans Berlin assaillie pour refaire ses adieux à Hitler. Il lui avoue avoir saboté la terre brûlée, sans réaction du dictateur, et s'en va en n'ayant obtenu qu'une molle poignée de main de son idole.

Les dernières crises internes du régime ont lieu quand au soir du 25, Hermann Göring, toujours nominalement héritier de Hitler, lui envoie de Bavière un télégramme lui demandant s'il peut prendre la direction du Reich conformément aux dispositions de 1941. Persuadé par Bormann d'y voir à tort un ultimatum et un coup de force du Reichsmarshall, Hitler, furieux, destitue Göring et le fait assigner à résidence par les SS.

Sa fureur redouble le 27 quand la radio alliée lui apprend que son fidèle Himmler a tenté à son insu de négocier avec les Occidentaux. Cependant, certaines recherches récentes forment l'hypothèse que Himmler aurait négocié avec les Alliés sur ordre de Hitler lui-même57. Il fait fusiller dans les jardins de la chancellerie le beau-frère d'Eva Braun, le dirigeant SS Hermann Fegelein, agent de liaison de Himmler.

Dans la nuit du 29 avril, après avoir épousé Eva Braun, Hitler dicte à sa secrétaire Traudl Junge un testament privé puis politique, exercice d'autojustification où il nie sa responsabilité dans le déclenchement de la guerre. Curieusement, le texte ne dit mot du bolchévisme, au moment même où les Soviétiques s'emparent de Berlin. Par contre, l'obsession antisémite de Hitler y apparaît toujours intacte. Il exclut Himmler et Göring du NSDAP, écarte Speer, Ribbentrop et Keitel, promeut Goebbels à la chancellerie et confie la tête de ce qui reste du Reich au grand amiral Karl Dönitz.

Le 30 avril, vers quinze heures trente, alors que l’Armée rouge n’est plus qu’à quelques centaines de mètres du bunker, Adolf Hitler se suicide en compagnie d’Eva Braun. On suppose généralement que le poison utilisé par Eva Braun était du cyanure de potassium, mais Ian Kershaw soutient que le poison fourni à tous les occupants du bunker était de l’acide prussique. Hitler se donne la mort d'une balle dans la bouche. On retrouvera son arme de service à ses pieds.

Une affirmation fréquente précise qu'il aurait mordu la capsule juste avant ou presque en même temps qu’il se tira une balle dans la tempe58, mais Kershaw affirme qu’il est impossible de tirer juste après avoir mordu un tel poison, et que le corps de Hitler n'ayant pas dégagé l'odeur d'amande amère caractéristique de l'acide prussique et constatée sur celui d'Eva Braun, il faut conclure à la mort par balle seule ; de nombreuses autres thèses circulent, impliquant parfois qu’un autre ait tiré la balle, mais elles sont classées comme fantaisistes.

Pour ne pas voir son cadavre emporté en trophée par l'ennemi (Mussolini a été fusillé le 28 par les partisans italiens et son corps pendu par les pieds devant la foule à Milan), Hitler avait donné l'ordre de l'incinérer. C'est aussitôt chose faite par son chauffeur Erich Kempka et son aide de camp Otto Günsche, dans un cratère de bombe près du bunker. La pluie d'obus soviétiques labourant Berlin a presque certainement détruit l'essentiel des deux corps.



Découverte du camp de Dachau, 29 avril 1945.Refusant de survivre à son maître malgré ses ordres, et considérant qu'il n'y a plus de vie imaginable dans un monde sans national-socialisme, Goebbels se suicide le lendemain avec sa femme Magda, après avoir empoisonné leurs six enfants.

Ce même 1er mai, la radio apprend aux Allemands la mort de leur dictateur, en laissant croire qu'il a été tué le jour même et les armes à la main. Le 2 mai, après avoir signé la capitulation de Berlin, le général Weidling rétablit la vérité au micro et accuse Adolf Hitler d'avoir abandonné « en plan » (im Stich) soldats et civils. Dans les villes ruinées ou sur les routes, la masse des Allemands d'abord soucieuse de survie restera plutôt indifférente à la fin de Hitler59.

Le 4 mai, la 2e DB du général Leclerc s'empare symboliquement du Berghof, la résidence du Führer à Berchtesgaden. Le 8 mai 1945, le Troisième Reich capitule sans condition. Au même moment, l'ouverture des camps de concentration révèle définitivement l'ampleur de l'œuvre de mort hitlérienne. « La guerre de Hitler était finie. Le traumatisme moral, qui était l'œuvre de Hitler, ne faisait que commencer » (Ian Kershaw).

Découverte du corps et rumeurs de fuite Nombre de rumeurs ont circulé sur la possibilité que Hitler ait survécu à la fin de la guerre. Le FBI a mené des enquêtes en ce sens jusqu’en 1956 sur des pistes plus ou moins sérieuses. Mais dès la chute de Berlin, l’unité des services secrets soviétiques chargée de trouver Hitler, le SMERSH, estimait avoir récupéré une grande partie du corps.

Le 2 mai 1945, averti du suicide de Hitler, le SMERSH boucle le jardin de la chancellerie et le Führerbunker. Le personnel encore présent est arrêté puis interrogé, Staline étant tenu au courant par un général du NKVD au moyen d'une ligne codée directe60.

Le 5 mai, Ivan Churakov du 79e corps d'infanterie, auquel le SMERSH est rattaché, découvre le corps de Hitler près de celui d'Eva Braun, dans un cratère d'obus situé dans le jardin de la chancellerie. Conformément aux volontés du Führer, leurs dépouilles ont été brûlées et sont méconnaissables60.

Le 11 mai, les témoignages concordants de l’assistante du dentiste d’Hitler, Hugo Blaschke, et de son technicien, confirment l’identité du corps. La dentition supérieure de Hitler comporte en effet un bridge récent. Dans un premier temps, Staline impose le silence sur la découverte, allant même jusqu'à réprimander Joukov pour avoir échoué à retrouver Hitler, tandis que la Pravda qualifie les rumeurs de découverte de « provocation fasciste ». Les Soviétiques lancent d'autres rumeurs, affirmant notamment que Hitler se cacherait en Bavière, zone sous contrôle de l'armée américaine, accusant implicitement cette dernière de complicité avec les Nazis60.

En juin 1946, les derniers témoins du Führerbunker, détenus par le NKVD, sont amenés sur les lieux du suicide. Dans le jardin de la chancellerie, ils indiquent l’endroit où ils ont brûlé puis enterré les corps des époux Hitler. L’emplacement correspond à l’exhumation réalisée par le SMERSH un an plus tôt. De nouvelles fouilles sont entreprises et quatre fragments de crâne sont mis au jour. Le plus grand est transpercé d'une balle. L’autopsie réalisée fin 1945 sur le corps masculin découvert au même endroit se trouve en partie confirmée : les médecins y notaient en effet l’absence d’une pièce du crâne, celle qui devait permettre de conclure que Hitler s’est suicidé par arme à feu.

Les restes d'Adolf Hitler sont alors enterrés dans le plus grand secret, avec ceux d'Eva Braun, de Joseph et Magda Goebbels et de leurs six enfants, du Général Hans Krebs et des deux chiens d'Hitler, dans une tombe près de Rathenow à Brandenburg61.

En 1970, le KGB doit restituer au gouvernement d'Allemagne de l'Est les lieux qu'il occupe à Brandenburg. Craignant que l'existence de la tombe de Hitler ne soit révélée et que le site ne devienne alors un lieu de pèlerinage néo-nazi, Youri Andropov, chef du KGB, donne son autorisation pour que soient détruits les restes du dictateur et les neuf autres dépouilles6263.

Le 4 avril 1970, une équipe du KGB se charge de la crémation des dix corps, et disperse secrètement les cendres dans l'Elbe, à proximité immédiate de Rathenow64. Mais le crâne et les dents de Hitler, conservés dans les archives moscovites, échappent à la crémation. On n’en apprend l’existence qu’après la dissolution de l’URSS (1991). Le 26 avril 2000, la partie supérieure du crâne attribué au dictateur devient l’une des curiosités de l'exposition organisée par le Service fédéral des archives russes, marquant le cinquante-cinquième anniversaire de la fin de la guerre.

Mais, en 2009, à la demande de la chaîne de télévision History qui réalise un documentaire intitulé Hitler's Escape, qui traite de l'hypothèse de la fuite du dictateur, l'Américain Nick Bellantoni découvre que le crâne que l'on attribuait à Hitler est en réalité celui d'une jeune femme. Des tests ADN réalisés aux États-Unis sur les échantillons ramenés par l'archéologue confirment ses dires65. Selon Nick Bellantoni, le crâne ne serait pas non plus celui d'Eva Braun. Les témoignages affirment qu'elle se serait suicidée au cyanure, et non par arme à feu. Ce coup de théâtre relance les théories affirmant que Hitler a pu survivre à la chute du Reich.

L'historien Antony Beevor regrette ces polémiques, qu'il juge sensationnalistes, rappelant que la dentition, avec son bridge caractéristique, a été formellement reconnue en mai 1945 par Käthe Heusermann, assistante du dentiste de Hitler60, et son technicien Fritz Echtmann, arrêtés par les Russes. Mais les archives dentaires de Hitler ayant été détruites sur ordre de Martin Bormann en 1944, donc antérieurement aux investigations russes, le témoignage d'Heusermann n’est basé que sur sa mémoire, comme le souligne le journaliste britannique Gerrard Williams, qui rappelle qu'il n’existe à ce jour aucune expertise médico-légale attestant qu'il s'agisse bien des dents de Hitler66.

Ces théories de la fuite du führer restent peu crédibles et se heurtent aux témoignages des dernières heures, qui concluent à la mort du dictateur nazi. En 2009, le dernier survivant du bunker, Rochus Misch, réaffirme ainsi avoir vu les corps sans vie de Hitler et d'Eva Braun67.

Legs historique



Discours d'Adolf Hitler au Reichstag en avril 1941Personnage impitoyable et déshumanisé, dictateur totalitaire, raciste et eugénique, Adolf Hitler a été surtout le principal responsable du conflit de loin le plus vaste, le plus destructeur et le plus traumatisant que l'humanité ait jamais connu, à l'origine de près de 40 millions de morts en Europe, dont 26 millions de Soviétiques. Environ 11 millions de personnes ont directement été assassinées sur ses ordres, en raison des pratiques criminelles systématiques de son régime et de ses forces armées, ou en application de ses projets exterminateurs prémédités. Parmi elles, les trois quarts des Juifs de l'Europe occupée. « Jamais dans l'Histoire, pareille ruine matérielle et morale n'avait été associée au nom d'un seul homme » (Ian Kershaw)68.

L'image de Hitler a été définitivement fixée, en particulier, lors de la découverte des camps de la mort lente en avril-mai 1945, avec leurs monceaux de cadavres décharnés, leurs survivants squelettiques et hagards, leurs expériences pseudo-médicales et leurs chambres à gaz doublées des tristement célèbres fours crématoires. Cette révélation macabre a achevé de trancher les débats antérieurs entre adversaires et partisans du personnage et de son régime69. La redécouverte de la Shoah, depuis les années 1970, a recentré l'attention sur la spécificité du judéocide qu'il a inspiré, tout en confirmant la nature intrinsèquement criminelle de son action et de son système.

Bilan



Enfant dans les ruines de Varsovie.Le bilan humain est sans précédent. En trois années d'occupation, la terreur nazie a fait périr près du quart des habitants de la Biélorussie. La Pologne sous Hitler a perdu près de 20 % de sa population totale (dont 97 % de sa communauté juive, jusqu'alors la première du monde). L'URSS, la Grèce et la Yougoslavie ont perdu entre 10 et 15 % de leurs citoyens70.

À l'Ouest, la terreur et l'exploitation hitlériennes ont été moindres, mais restent éprouvantes. Entre 1940 et 1944, la France gouvernée par le Régime de Vichy a été le pays proportionnellement le plus pillé d'Europe, 30 000 habitants ont été fusillés sur place, des dizaines de milliers déportés en camps de concentration, un quart de la population juive exterminée, sans oublier les 400 000 soldats tombés au combat, ni les deux millions de soldats maintenus indéfiniment en captivité dans le Reich ou plus de 600 000 Français du STO obligés d'aller travailler dans les usines allemandes.



Soldat allemand tué en Italie, fin 1943Les Allemands ne sont pas les derniers à avoir payé chèrement les ambitions démesurées de leur Führer, auquel ils ont toutefois globalement continué d'obéir jusqu'à la fin. Trois millions de soldats sont morts au front, laissant encore davantage de veuves et d'orphelins, et condamnant une génération à subir le déséquilibre durable du sex ratio et de la vie de familles monoparentales. Ainsi, deux tiers des mâles allemands nés en 1918 n'ont-ils pas vu l'issue de la guerre71. Toutes les grandes et moyennes villes allemandes ou presque sont en ruines, et 500 000 civils ont été tués par les bombes. Des centaines de milliers de femmes allemandes de tous âges ont été exposées aux viols de l'Armée Rouge en 1945.

L'Allemagne même, dont Hitler avait prétendu faire la raison de son combat politique et de son existence, disparaît en tant qu'État au terme de l'aventure nazie. Elle ne retrouve son indépendance qu'en 1949 (sans la pleine souveraineté au début) et son unité qu'en 1990. Berlin, l'une des villes qui avait le moins voté pour Hitler et que le Führer n'avait jamais aimée, n'en subira pas moins une division de 40 ans, matérialisée après 1961 par le célèbre Mur de Berlin. En représailles aux exactions massives du Troisième Reich, plus de 8 millions d'Allemands présents depuis des siècles ont été chassés en 1945 des Sudètes, des Balkans et de toute l'Europe centrale et orientale. Sans oublier la déportation en Sibérie, en 1941, des Allemands de la Volga vus par Staline comme une cinquième colonne potentielle de Hitler. Le territoire actuel de la RFA est inférieur d'un quart à celui du Reich de 1914.

Le traumatisme hitlérien a aussi valu à l'Allemagne son élimination définitive comme puissance militaire, ses effectifs armés restant strictement limités, et interdits d'opérations hors de ses frontières au moins jusque dans les années 1990. Sur le plan diplomatique, la division d'après-guerre a fermé jusqu'en 1973 les portes de l'ONU à la RDA et à la RFA (« géant économique et nain politique »). En revanche, sur le plan économique, son fidèle Albert Speer a su renouveler les machines et enterrer les usines : le potentiel industriel de l'Allemagne est largement intact après-guerre, ce qui a permis de se demander si Hitler n'était pas le père inavouable du miracle économique allemand d'après-guerre72.



Soldat et graffiti de l'Armée Rouge dans le Reichstag en ruines, peu après la mort d’HitlerLes pillages, les bombardements, les représailles et la terre brûlée ordonnées par Hitler ont dans l'immédiat largement aggravé le bilan matériel inégalé de la guerre. Des milliers de villes, de bourgs et de villages ont été détruits par la Wehrmacht et les SS dans toute l'Europe. Minsk a été ainsi détruite par Hitler à 80 %, Varsovie à 90 %. L'URSS compte au moins 25 millions de sans-abris et l'Allemagne 20 millions73. 30 millions de réfugiés et « personnes déplacées » errent sur les routes d'Europe en mai 1945, en majorité en Allemagne.

Le combat contre le « bolchevisme », dont Hitler avait fait un fondement de sa mission et un de ses thèmes de propagande les plus porteurs, s'achève sur un fiasco total. C'est en repoussant l'agression hitlérienne que l'Armée Rouge pousse jusqu'à Berlin et que l'URSS peut imposer le communisme et sa domination à la moitié de l'Europe pour plus de 40 ans. Devenu le principal vainqueur de son ancien allié Hitler, Staline retire aussi de sa victoire sur ce dernier un immense prestige dans sa population et dans le monde entier.



Hitler reçoit Ante Pavelić, dirigeant de l'État indépendant de Croatie, 1943Dans les pays occupés, en engageant la collaboration avec Hitler, généralement sans obtenir aucune contrepartie du Führer74, bien des responsables européens ont causé à leur pays de graves divisions civiles et des compromissions qui reviendront hanter durablement les mémoires nationales. De durs combats traumatisants ont opposé ennemis et alliés de Hitler en France occupée, dans l'Italie en guerre ou, à une échelle bien pire, dans l'État indépendant de Croatie, dirigé par les Oustachis. En Pologne, en Grèce et en Yougoslavie, les résistants au maître du Troisième Reich n'ont même pas pu s'entendre entre eux et se sont violemment combattus : la guerre civile grecque de 1944-1949, par exemple, est aussi un héritage de Hitler.

Spoliés et exterminés, les Juifs d'Europe ont vu disparaître à jamais les foyers les plus brillants et prospères de leur culture, avec l'éradication sans retour des fortes communautés de Berlin, Vienne, Amsterdam, Vilnius ou Varsovie. Les trois quarts des locuteurs du yiddish ont péri. En Europe de l’Est, les rares survivants des camps sont souvent insultés voire assassinés à leur retour, en particulier par ceux qui ont pris leurs biens en leur absence. Il n'est pas rare alors d'entendre des Polonais ou des Tchécoslovaques se plaindre à haute voix que « Hitler n'ait pas fini le travail »75.

Mémoire et traumatisme moral

Principal absent du procès de Nuremberg, et malgré le mot d'ordre de Göring « Pas un mot contre Hitler », le Führer a vu la plupart de ses subordonnés rejeter sur lui, à titre posthume, la responsabilité de leurs actes criminels. La plupart prétendirent n'avoir fait qu'obéir à ses ordres, et avoir ignoré l'essentiel de la réalité de son régime de terreur et de génocides76.



Procès des principaux complices de Hitler à Nuremberg, 1946.La dénazification d'après-guerre n'empêcha pas maints complices de Hitler de ne jamais être inquiétés, ou de faire des carrières politiques, économiques ou administratives prospères, en RFA comme en RDA. D'autres se sont réfugiés, via des filières d'exfiltration, en Amérique latine ou dans le monde arabe, continuant d'y entretenir le culte nostalgique du Führer, et continuant souvent d'y diffuser l'antisémitisme et le négationnisme, tout en réutilisant les méthodes policières du Troisième Reich au profit de dictatures locales. Pratiquement aucun ancien responsable nazi n'a jamais fait acte de repentance, ni manifesté le moindre regret d'avoir suivi et servi Hitler.

La seule exception partielle notable est celle de Albert Speer, ancien confident et ministre du dictateur, mais son complexe de culpabilité, exposé dans ses mémoires sur le Troisième Reich, se mêle à une fascination persistante pour Hitler, qui témoigne que le charisme du personnage faisait encore effet bien au-delà de sa mort et de la découverte de ses forfaits77.

Hitler a brisé la continuité de l'histoire allemande. Il a mis en question jusqu'à la permanence et au sens même de la civilisation. Un des peuples les plus cultivés et les plus développés du monde s'est révélé en effet capable d'engendrer un Hitler, et de le suivre jusqu'au bout sans grande résistance, y compris dans des entreprises d'une barbarie à cette heure unique dans l'Histoire78. Dès lors, la conscience allemande et européenne n'a cessé d'interroger les responsabilités du passé allemand dans l'avènement de Hitler, celle de la culpabilité des Allemands ayant vécu sous le Führer (Schuldfrage), mais aussi la responsabilité morale qui échoit en héritage aux générations ne l'ayant pas connu. Selon le mot de Tony Judt, « demander à chaque nouvelle génération d'Allemands de vivre à jamais dans l'ombre de Hitler, exiger qu'ils endossent la responsabilité de la mémoire de la culpabilité unique de l'Allemagne et en faire l'aune même de leur identité nationale était le moins qu'on pût exiger… mais c'était attendre beaucoup trop79. »



« Souviens-toi de cela ! Ne fraternise pas ! » (affiche de l'armée américaine, été 1945)En 1952, 25 % des Allemands sondés avouaient avoir une bonne opinion de Hitler et 37 % trouvaient bon de n'avoir plus aucun juif sur leur territoire. En 1955, 48 % considéraient encore que Hitler, sans la guerre, resterait l'un des plus grands hommes d'État que leur pays ait jamais connu. Ils étaient encore 32 % à soutenir cette opinion en 1967, surtout parmi les plus âgés80.

Encore à partir des années 1980, la résurgence de phénomènes néonazis ultraminoritaires mais très violents a pu aussi inquiéter. Ces groupes sont reconnaissables entre autres à leur pratique du salut nazi ou lorsqu'ils célèbrent bruyamment l'anniversaire de la naissance et de la mort du Führer.

Le renouvellement des générations, l'affaiblissement à partir des années 1960 des tabous publics et privés empêchant de parler d'une Hitlerzeit (ou Hitlerdiktatur) traumatisante et compromettante, la redécouverte de la singularité du génocide des Juifs à partir des années 1970, la lutte contre le négationnisme, ont permis par la suite d'éradiquer en bonne partie les sympathies ou nostalgies latentes pour Hitler et son régime en Allemagne et en Autriche.

Hitler est aussi revenu hanter périodiquement les mémoires collectives des autres pays. Surtout à partir des années 1960-1970, on redécouvre un peu partout qu'un des plus grands criminels de l'histoire a bénéficié jusque chez soi de soutiens indispensables, de relais, de délateurs - ou tout simplement d'indifférences, de passivités et de complaisances plus ou moins lourdes de conséquences humaines et morales. La France ne reconnaîtra qu'en 1995 la responsabilité de l'État pétainiste dans les déportations de Juifs. Même des États neutres tels que la Suisse ou le Vatican ont vu mettre âprement en question les ambiguités de leur attitude face à l'Allemagne nazie.

Même à l'Ouest, la guerre contre Hitler n'avait jamais été conçue comme une guerre pour sauver les Juifs. La spécificité raciste et exterminatrice de son action avait rarement été perçue des contemporains. Les pouvoirs publics et l'opinion s'étaient plus attachés, dans l'après-guerre, à célébrer les résistants et les soldats qui avaient combattu le dictateur (perçu d'abord comme l'agresseur étranger et l'oppresseur de la nation) que ses victimes, souvent réduites au silence. Ce n'est qu'après le procès Eichmann en 1961 et avec la redécouverte de l'unicité de la Shoah, dans les années 1970, que le monde occidental comprend le génocide des Juifs comme le principal crime du Führer81.

Paradoxalement, l'auteur de Mein Kampf a sans doute été le fossoyeur involontaire du vieil antisémitisme européen : largement répandu avant-guerre comme une opinion parmi d'autres, l'antisémitisme est, après lui, devenu définitivement un tabou dépourvu de tout droit de cité en Occident, ainsi qu'un délit passible des lois.

À travers tout l'Occident, un vaste effort de pédagogie à travers l'école, les medias, les productions littéraires et culturelles, les témoignages de survivants, a permis de familiariser le grand public avec l'ampleur des méfaits du Troisième Reich. Aussi le nom de Hitler évoque-t-il spontanément et durablement, dans les masses, l'idée même du criminel absolu.

En 1989, pour marquer le centenaire de sa naissance, un Monument contre la guerre et le fascisme a été érigé devant sa maison natale.

Doctrines raciales et crimes contre l’humanité Hitler avait présenté ses thèses raciales et antisémites dans son livre Mein Kampf (Mon combat), rédigé en 1924, lors de son incarcération dans la forteresse de Landsberg, après son putsch raté de Munich. Si son succès fut modeste dans un premier temps, il fut tiré à plus de dix millions d’exemplaires et traduit en seize langues jusqu’en 1945 ; il constitue la référence de l’orthodoxie nazie du Troisième Reich.

Rien dans sa biographie connue ne permet d'affirmer que l'individu Hitler ait jamais tué ou torturé quelqu'un de ses mains. Il n'a jamais visité un seul de ses camps de concentration, ni assisté à aucun des bombardements ou des fusillades de masse dont lui ou ses subordonnés donnaient l'ordre. Mais chaque exécutant, au premier chef desquels son fidèle Himmler, savait qu'en mettant en pratique les conséquences logiques de la doctrine nazie, il accomplissait loyalement les directives du Führer.

Théories racistes

Dans ce livre, Hitler expose ses théories racistes, impliquant une inégalité et une hiérarchie des races, et son aversion particulière pour les Slaves, les Tsiganes, et surtout les Juifs. Présentés comme des races inférieures, ils sont qualifiés d’Untermenschen (« sous-hommes »).

Selon Hitler, les Juifs sont une race de « parasites » ou de « vermine » dont il faut débarrasser l’Allemagne. Il les rend responsables des évènements du 9 novembre 191882 et donc de la défaite et de la révolution allemandes, ainsi que de ce qu’il considère la décadence culturelle, physique et sociale de la prétendue civilisation aryenne.

Mein Kampf recycle la théorie du complot juif déjà développée dans les Protocoles des Sages de Sion. Hitler nourrit son antisémitisme et ses théories raciales en se référant à des idéologies en vogue en son temps. À Vienne, durant sa jeunesse, les Juifs, bien intégrés dans l’élite, sont souvent accusés de la décomposition de l’empire d’Autriche-Hongrie. La haine des juifs est exacerbée par la défaite de la Première Guerre mondiale. Quant à ses idées sur les races humaines, Hitler les tient essentiellement de Die Grundlagen des neunzehnten Jahrhunderts (« Genèse du dix-neuvième siècle », 1899) du Britannique d’expression allemande Houston Stewart Chamberlain, dont les thèses reprenaient elles-mêmes celles de l’Essai sur l'inégalité des races humaines (1853) du racialiste français Gobineau. Hitler s’inspire également du darwinisme social de Herbert Spencer tel que le prônait la Deutsche Monistbund (« Ligue moniste allemande ») fondée par Ernst Haeckel.

Hitler reprend aussi dans Mein Kampf les vieilles doctrines pangermanistes visant à regrouper dans un seul État les populations allemandes dispersées, mais il y ajoute, notamment sous l'influence du théoricien nazi Alfred Rosenberg, la revendication d’un « espace vital » (Lebensraum) en Europe de l’Est. Les territoires allemands doivent être indéfiniment élargis surtout en Europe centrale et en Ukraine (déjà convoités par les couches dirigeantes allemandes au temps du Kaiser Guillaume II), car jugés trop étroits au regard des besoins matériels de leurs populations et dans une position stratégique inconfortable entre des puissances hostiles à l’ouest et à l’est.

Hitler cible enfin deux adversaires fondamentaux : les communistes et la France, considérée comme dégénérescente (car dirigée par les Juifs et créant un Empire colonial multiethnique), et contre qui l’Allemagne doit se venger de l’humiliant traité de Versailles.

Adolf Hitler est obsédé par l’idée de pureté d’une prétendue race aryenne, la « race supérieure » dont les Allemands sont censés être les dignes représentants, au même titre que les autres peuples nordiques (Norvégiens, Danois, Suédois). Dans le but d’asseoir scientifiquement cette notion de race aryenne, des recherches pseudo-anthropologiques sont entreprises et des cours d’université dispensés. (Himmler crée un institut scientifique, l’Ahnenerbe). En fait, les Aryens étaient un groupe de peuplades nomades vivant en Asie centrale au IIIe millénaire av. J.-C. et sans liens aucun avec les Allemands. Toujours est-il que la notion d’« aryen » devient avec Hitler un ensemble de valeurs fantasmagoriques que les scientifiques nazis ont tenté de justifier par de prétendues données objectives.

La « race aryenne » est assimilée aux canons esthétiques de l’homme germanique: grand, blond et athlétique, tel que le représente Arno Breker, le sculpteur favori d’Hitler. Parallèlement, Hitler développe un intérêt particulier pour le paganisme nordique pré-chrétien, plus conforme à ses théories raciales qu’un christianisme à racine hébraïque, trop humaniste et trop universaliste. La religion des dieux Wotan et Thor avait notamment été glorifiée par les opéras de Richard Wagner, dont Hitler était un fervent admirateur. Heinrich Himmler fut le fidèle hitlérien qui poussa le plus loin cette passion, et on retrouve ce symbolisme mythologique dans l’uniforme et les rituels des SS, « chevaliers noirs » du Troisième Reich.

  • Les victimes de l’euthanasie


Médecin de la mort : Karl Brandt, médecin SS de Hitler et principal maître-d'œuvre de l'aktion T4 Le château de Hartheim en Bavière, où furent gazés 18 269 malades incurables et 5 000 détenus politiques.Les doctrines raciales nazies impliquaient également d’« améliorer le sang allemand ». Des stérilisations massives, appliquées avec le concours des médecins, furent ainsi entreprises dès 1934, portant sur près de 400 000 « asociaux » et malades héréditaires. Par ailleurs, 5 000 enfants trisomiques, hydrocéphales ou handicapés moteurs disparaissent.

Avec la guerre, un vaste programme d’euthanasie des malades mentaux est lancé sous le nom de code « Action T4 », sous la responsabilité directe de la chancellerie du Reich et de Karl Brandt, médecin personnel d’Hitler. Par quelques lignes manuscrites, Hitler assure en septembre 1939 l’impunité totale aux médecins sélectionnant les personnes envoyées à la mort, libérant ainsi des places dans les hôpitaux pour les blessés de guerre. Comme pour les juifs, les victimes sont gazées dans de fausses salles de douche. Malgré le secret entourant ces opérations, l’euthanasie est condamnée publiquement par l’évêque de Münster en août 1941. Elle cesse officiellement, mais continue en fait dans les camps de concentration. Environ 200 000 schizophrènes, épileptiques, séniles, paralytiques ont ainsi été exécutés. Par ailleurs, les forces nazies ont systématiquement fusillé les handicapés mentaux trouvés dans les hôpitaux de Pologne et d'Union Soviétique envahies.

De nombreux spécialistes de l’euthanasie sont ensuite réaffectés au gazage massif des Juifs : l’aktion T4 aura donc à la fois préparé et précédé chronologiquement la Shoah.

De la persécution antisémite à la « Solution Finale » Dans l’Allemagne nazie, les juifs étaient exclus de la communauté du peuple allemand (Volksgemeinschaft). Le 1er avril 1933, les docteurs, avocats et commerçants juifs sont l’objet d’une vaste campagne de boycott, mise en œuvre notamment par les SA. Ces milices créées par Hitler avaient déjà perpétré, dès le début des années 1920, des actes de violences contre les juifs. Le 7 avril, deux mois après l’arrivée d’Hitler au pouvoir, la loi « pour le rétablissement d’une fonction publique professionnelle » exclut les juifs de tout emploi dans les gouvernements (sauf les anciens combattants et ceux qui étaient en service depuis plus de dix ans).



Boycott officiel des magasins juifs par les SA, Berlin, 1933.Le 15 septembre 1935, Hitler, officialisant et radicalisant l'antisémitisme d’État, proclame les lois de Nuremberg, comprenant les lois « pour la protection du sang et de l’honneur allemand » et « sur la citoyenneté du Reich ». Celles-ci interdisent aux Juifs l’accès aux emplois de la fonction publique et aux postes dans les universités, l’enrôlement dans l’armée ou la pratique de professions libérales. Ils ne peuvent plus avoir de permis de conduire. Les Juifs sont déchus de leur nationalité allemande. Les mariages mixtes ou les relations sexuelles entre juifs et Allemands sont également proscrits. L’objectif est la ségrégation complète entre le peuple allemand et les juifs, ce qui est valable également pour les écoles, le logement ou les transports en commun. En 1937, une « loi d’aryanisation » vise à déposséder les Juifs des entreprises qu’ils possèdent.

Lourdement frappés par ces mesures discriminatoires, les Juifs allemands émigrent massivement : environ 400 000 départs en 1933-1939 en comptant les Autrichiens (sur environ 660 000), vers les Amériques, la Palestine ou l’Europe de l’Ouest. En général, ces émigrants sont mal accueillis, et parfois internés en tant que ressortissants d'un pays ennemi, ou refoulés par divers pays d'Europe et d'Amérique.

Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, Joseph Goebbels organise avec l'approbation du chancelier un vaste pogrom : la nuit de Cristal. Prenant comme prétexte l’assassinat d’un diplomate du Reich à Paris par un Juif allemand. Goebbels semble utiliser cet évènement pour regagner la faveur d'Adolf Hitler, qu'il a partiellement perdue lorsque sa liaison avec une actrice a failli conduire son couple au divorce public.

Au cours de cette nuit, des centaines de magasins juifs sont saccagés et la plupart des synagogues d'Allemagne incendiées. Le bilan est de 91 morts et près de 30 000 juifs sont internés dans des camps de concentration (Dachau, Buchenwald, Sachsenhausen). À la suite de ces évènements, la communauté juive, tenue pour responsable des violences, est sommée de payer une amende de 1 milliard de marks : les biens des juifs sont massivement spoliés.

La population allemande, embrigadée par la propagande de Hitler, Goebbels ou Streicher, était convaincue de l’existence d’une « question juive ». Ce conditionnement favorise la participation de nombre d’entre-eux à l’extermination des juifs.

  • Accomplir la « prophétie » : la mise à mort industrielle des Juifs d’Europe

Article détaillé : Shoah.**

L’allusion à l’extermination physique des Juifs dans Mein Kampf fait encore l’objet d’un débat d’historiens. Pour une partie d’entre-eux, ce projet n’a pas été explicitement décrit dans ce livre, tandis que l’autre partie estime que l’antisémitisme qui s’y exprime est non seulement alarmant, mais s’appuie sur une terminologie (Ausrotung) significative. Le projet d’extermination totale des Juifs a pu germer dans l’esprit d’Hitler et de ses séides assez tôt, mais il ne semble pas qu’il ait établi de plan précis ou de méthodologie pour passer à l’acte avant la guerre. Rien ne semble indiquer, qu’initialement, les dirigeants nazis aient prévu que les premières mesures antisémites devaient conduire à une conclusion homicide et a fortiori génocidaire.

Cependant, d’après les mots du procureur général américain Robert Jackson lors du procès de Nuremberg, « la détermination à détruire les juifs a été une force qui, à chaque moment, a cimenté les éléments de la conspiration (nazie) ». De fait, les déclarations d’Adolf Hitler sur les Juifs montrent que, dès le début, il nourrissait le projet de destruction physique des Juifs et que la guerre fut pour lui l’occasion d’annoncer cette destruction, puis d’en commenter la mise en œuvre83.

Surtout, le 30 janvier 1939, dans un discours retentissant au Reichstag, Hitler a « prophétisé » qu’en cas de guerre, le résultat serait « l’anéantissement de la race juive en Europe ». À cette « prophétie » décisive, lui-même ou Goebbels feront de nombreuses allusions en privé au cours de la guerre : son accomplissement une fois la guerre commencée sera l’une des préoccupations prioritaires.

Hitler n’a toutefois nul besoin de s’investir personnellement beaucoup dans la destruction des Juifs, déléguée à Himmler, qui se contente de lui faire des rapports réguliers. Si divers documents secrets nazis planifiant l’extermination font souvent allusion à « l’ordre du Führer », aucune note manuscrite de lui sur la Shoah n’a jamais été retrouvée ni n’a sans doute jamais existé. C'est signe que son pouvoir absolu lui a permis de déclencher l’un des plus grands crimes de l’Histoire sans même besoin d’un ordre écrit.

Les dirigeants nazis ont longtemps envisagé, parmi d’autres « solutions » comme la création de zones de relégation, d’expulser l’ensemble de la communauté juive allemande sans l’exterminer, mais aucune phase de réalisation concrète n’a été enclenchée. Des projets d’installation des juifs en Afrique (Plan Madagascar) ont notamment été envisagés. Le déclenchement de la guerre radicalise les persécutions antisémites au sein du Troisième Reich. La prolongation de la guerre contre le Royaume-Uni ne permet plus d’envisager ces déportations, de même qu'est abandonnée l’idée d’un déplacement des juifs d’Europe en Sibérie — qui aurait déjà suffi en lui-même à provoquer une hécatombe en leur sein.



Une femme juive et son enfant fusillés par les Einsatzgruppen à Ivangorod, Ukraine, 1942L’occupation de la Pologne en septembre 1939 a placé sous contrôle allemand plus de 3 000 000 de juifs. Ceux-ci sont rapidement parqués dans des ghettos, dans les principales villes polonaises, où ils sont spoliés et affamés, et réduits à une misère inimaginable. L’attaque contre l’Union soviétique, à partir du 22 juin 1941, place sur un même plan la conquête du Lebensraum et l’éradication du « judéo-bolchévisme ». Des unités de la SS, les Einsatzgruppen, souvent secondées par des unités de la Wehrmacht et de la police, aidées parfois d'habitants et de collaborateurs locaux, fusilleront sommairement de un et demi à près de deux millions de juifs, femmes, bébés, enfants et vieillards compris, sur le front de l’Est.

Le 18 septembre 1941, une circulaire secrète de Himmler annonce que le Führer a décidé de déporter tous les Juifs d'Europe occupée à l'Est, et que l'émigration forcée n'est plus à l'ordre du jour. C'est le premier pas vers un génocide à l'échelle cette fois du continent entier. Fin 1941, les premiers « camions à gaz » sont utilisés à l'est, tandis que les camps d'extermination de Chelmno et de Belzec sont déjà construits et commencent leur œuvre d'assassinat de masse.

La date précise de la décision prise par Hitler n’a jamais été cernée de façon précise puisqu’il n’a jamais formellement écrit un ordre, mais il l'a élaborée au cours de l'automne 1941. La radicalisation immédiate et préméditée de la violence nazie avec l'invasion de l'Union soviétique, le ralentissement puis l'échec des opérations en URSS, la perspective bientôt concrétisée de l'entrée en guerre contre les États-Unis, ont sans doute précipité la décision de Hitler de réaliser sa « prophétie » de 193984.

Le 20 janvier 1942, lors de la conférence de Wannsee, 15 responsables du Troisième Reich, sous la présidence du chef du RSHA Reinhard Heydrich, entérinent la « solution finale au problème juif » (Endlösung der Judenfrage). L’extermination totale des Juifs en Europe va revêtir un caractère bureaucratique, industriel et systématique qui la rendra sans équivalent à cette heure dans l'histoire humaine. Hitler n'est pas là en personne, mais les mesures prises respectent ses objectifs généraux.

Au sommet de l'État, immédiatement après Hitler, ce sont Himmler, Heydrich et Göring qui ont pris la part la plus importante dans la mise en place administrative de la Shoah au sommet de l’État. Sur le terrain, l’extermination des juifs a été souvent le fait d’initiatives locales, allant parfois au-devant des attentes et des décisions du Führer. Elles ont été notamment l'œuvre d’officiers de la SS et de gauleiters fanatiques pressés de plaire à tout prix au Führer en liquidant au plus tôt les éléments indésirables dans leurs fiefs. Les gauleiters Albert Forster à Dantzig, Arthur Greiser dans le Warthegau ou Erich Koch en Ukraine ont ainsi particulièrement rivalisé de crautés et de brutalités, les deux premiers concourant entre eux pour être chacun le premier à tenir leur promesse verbale faite à Hitler de germaniser intégralement leur territoire sous dix ans85. Deux proches collaborateurs d’Hitler, Hans Frank, gouverneur général de la Pologne, et Alfred Rosenberg, ministre des Territoires de l’Est, ont également pris une part active au grand massacre.



La déportation-extermination planifiée de tous les Juifs d'Europe à Auschwitz-Birkenau. Musée du camp.Beaucoup d'« Allemands ordinaires » ont été à peine moins compromis que les SS dans les massacres sur le front de l'Est. Plus d'un policier de réserve, plus d'un jeune soldat ou d'un officier avaient intégré le discours nazi, sans parler des généraux de Hitler. Des milliers donnèrent libre cours à leur violence et à leur sadisme dès qu'ils furent autorisés et encouragés à humilier et à tuer au nom du Führer86. À travers toute l'Europe, d'innombrables « criminels de bureaux », à l'image du bureaucrate Adolf Eichmann, exécutèrent sans état d'âme particulier les desseins de leur Führer ou de gouvernements collaborateurs. Dans les camps d'extermination, ainsi que le rappellent les mémoires du commandant d'Auschwitz Rudolf Höss, responsable de la mort de près d'un million de Juifs, il était impensable à quiconque, du simple garde SS au chef du camp, de désobéir à l'ordre du Führer (Führersbefehl), ou de s'interroger un seul instant sur la justesse de ses ordres. A fortiori, il était hors de question d'éprouver le moindre scrupule moral87. Aucun des « bourreaux volontaires de Hitler » (Daniel Goldhagen) n'a jamais été contraint de participer à la Solution Finale : un soldat ou un SS dont les nerfs craquaient se laissait persuader de continuer, ou il obtenait facilement sa mutation.

Personne au sein de son système ne découragea donc Adolf Hitler de procéder à la Shoah. En 1943, l'épouse de son ancien ministre Konstantin von Neurath, choquée de ce qu'elle avait vu du camp juif de Westerbork en Hollande occupée, osa exceptionnellement s'en ouvrir au Führer : ce dernier la rabroua que l'Allemagne avait assez perdu de soldats pour qu'il soit obligé de se soucier de la vie des Juifs, et la bannit à l'avenir du cercle de ses invités.

Dans l'ensemble, les chefs et opinions alliés, le pape Pie XII ou une partie de la Résistance européenne ne prirent pas conscience de la gravité spécifique du sort des Juifs, et gardèrent plutôt le silence sur leur sort, ce qui aida sans doute indirectement Hitler. De même que la non-résistance d'une partie importante des Juifs affamés, désorientés et ignorants du destin qu'il leur réservait. En avril-mai 1943, en revanche, la révolte du ghetto de Varsovie plongea Hitler dans une colère prolongée, mais ses ordres furieux et répétés n'empêchèrent pas une poignée de combattants juifs de faire échec plusieurs semaines à la reconquête SS.

Après l’été 1941, Himmler retint le procédé d’exécution massive par les chambres à gaz testé à Auschwitz. Au total, près de 1 700 000 juifs, surtout d’Europe centrale et orientale, ont été gazés à Sobibor, Treblinka, Belzec, Chelmno et Maïdanek. Dans le seul camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, 1 000 000 de juifs ont péri.

Les trois quarts des Juifs de l'Europe occupée — 5 à 6 millions d'êtres humains dont 1.5 million d'enfants, tous n'ayant commis que le crime d'être né juif et ne représentant aucune menace sinon imaginaire — ont donc péri dans une entreprise de nature sans précédent. Sur les 189 000 Juifs qui vivaient à Vienne avant Hitler, un millier survivent en 1945, tout comme seulement une poignée des Juifs restés en Allemagne en 1940. Les Pays-Bas ont perdu 80 % de leurs Juifs, la Pologne et les pays Baltes plus de 95 %. En deux ou trois ans à peine, l'extermination a fait disparaître des familles entières. Dans une large part de l'Europe, c'est en fait toute une culture, tout un univers qu'Adolf Hitler a fait assassiner sans retour.

  • L’extermination des Tsiganes
  • Article détaillé : Porajmos.

  • Tziganes internés par les nazis, 1940.Hitler n'a pas dit un mot des Tziganes dans Mein Kampf et en tout état de cause, il ne nourrit pas pour eux l'obsession qu'il éprouve pour les Juifs88.

Son régime persécute et interne les 34 000 Tziganes du Reich dès avant-guerre, et les prive de leur citoyenneté allemande, mais moins au nom de raisons raciales (les Tziganes sont originaires des mêmes régions que le berceau supposé de la race « aryenne ») qu'en tant qu'« asociaux ». Ce qui n'empêcha d'ailleurs pas de s'en prendre aussi à ceux d'entre eux qui sont parfaitement bien intégrés dans la société allemande, dans laquelle beaucoup disposaient de logements, de métiers ou de décorations acquises au front. L’« Office central pour la lutte contre le péril tsigane » fut l'instrument de cette répression. Paradoxalement, la tribu des Sinti, censée ne pas s'être abâtardie, fut épargnée, au contraire des sang-mêlés en partie nés de non-Tziganes « aryens ».

  • L'extermination d'environ un tiers des Tsiganes européens ou Porajmos pendant la guerre n'a pas revêtu le caractère systématique et général du génocide des Juifs.

Ainsi, aucun n'a été déporté de France, où ils étaient pourtant des milliers disponibles dans les camps d'internement du régime de Vichy. En Belgique et aux Pays-Bas, les nazis attendirent 1944 pour déporter plusieurs centaines de Gitans à Auschwitz - ce qui fut suffisant toutefois pour décimer sans retour leur communauté. La terreur et les déportations furent plus fortes à l'Est, où beaucoup furent fusillés sur place par les Einsatzgruppen, la Wehrmacht ou par leurs collaborateurs locaux (les Oustachis croates se chargèrent de liquider 99 % des 28 700 Tziganes du pays89). Mais s'il a donné le 16 décembre 1942 l'ordre général de déportation des Tziganes européens à Auschwitz, Himmler s'en est désintéressé presque aussitôt, et Hitler ne semble pas avoir accordé une attention particulière à la question.

Dans la section spéciale qui leur était réservée à Auschwitz-Birkenau, les familles tziganes n'étaient pas séparées, ni exposées aux sélections régulières pour la chambre à gaz ni soumises au travail forcé, quelques-unes purent même être libérées en échange de leur stérilisation forcée. Mais le médecin SS de leur camp, Josef Mengele, surnommé l'« Archange de la Mort », pratiqua des expériences pseudo-médicales sur un certain nombre d'enfants tziganes, notamment des jumeaux.

Après avoir longtemps hésité, puis fait mettre à part plusieurs milliers d'hommes valides pour le travail forcé concentrationnaire, Himmler donna finalement l'ordre au commandant du camp, Rudolf Höss, d'exterminer ce qui restait du « camp des familles ». Du 1er au 3 août 1944, des milliers de Tziganes, hommes, femmes, enfants et vieillards, furent ainsi conduits à la chambre à gaz dans des scènes dramatiques90.

L'estimation du nombre de Tsiganes victimes des nazis reste l'objet de controverses. Pour les Tsiganes allemands et autrichiens, le chiffre des personnes envoyées dans les camps de concentration, déportées à l'est et gazées, oscille entre 15 000 et 20 000 sur une population de 29 000 Tsiganes en 1942 ; quant au nombre des Tsiganes européens assassinés par les nazis, il a été successivement estimé à 219 000 victimes par rapport à une population totale de 1 000 000 (Kenrick et Puxon, 1972), à 196 000 morts sur 831 000 personnes (Kenrick, 1989), voire à un demi million de victimes (Rose et Weiss, 1991), cette dernière estimation n'étant pas étayée par une source ou une ventilation par pays91. La reconnaissance de leur tragédie fut tardive, et dans l'immédiat, elle ne modifia guère les préjugés et les pratiques publiques courantes à leur encontre.

Les « sous-hommes » slaves : massacres, famine, stérilisation L’extension du Lebensraum allemand devait fatalement se réaliser aux dépens des populations slaves repoussées vers l’Est. Pour Hitler, la Pologne, les Pays baltes, la Biélorussie et l’Ukraine devaient être traités comme des colonies. À ce sujet, Hitler aurait dit, selon Hermann Rauschning, en 1934 : « Ainsi s’impose à nous le devoir de dépeupler, comme nous avons celui de cultiver méthodiquement l’accroissement de la population allemande. Vous allez me demander ce que signifie « dépeuplement », et si j’ai l’intention de supprimer des nations entières ? Eh bien, oui, c’est à peu près cela. La nature est cruelle, nous avons donc le droit de l’être aussi ».

Les populations non germaniques sont expulsées des territoires annexés par le Troisième Reich après 1939, et dirigées vers le Gouvernement général de la Pologne, entité totalement vassalisée et placée par Hitler sous le joug de Hans Frank, le juriste du parti nazi. Dès octobre 1939, le RSHA programme la « liquidation physique de tous les éléments polonais qui ont occupé une quelconque responsabilité en Pologne (ou) qui pourront prendre la tête d’une résistance polonaise ». Sont visés les prêtres, les enseignants, les médecins, les officiers, les fonctionnaires et les commerçants importants, les grands propriétaires fonciers, les écrivains, les journalistes, et de manière générale, toute personne ayant effectué des études supérieures. Des commandos SS sont chargés de cette besogne. Ce traitement extrêmement dur aura causé la mort de près de 2 200 000 Polonais, dont 50 000 membres des élites. C'est ainsi que 30 % des professeurs de l'enseignement supérieur polonais ont péri, ou des milliers d'hommes d'Église, d'aristocrates et d'officiers. En comptant les 3 000 000 de juifs polonais, exterminés à plus de 90 %, c’est 15 à 20 % de la population civile polonaise qui a disparu.

Les nazis firent aussi fermer les théâtres, les journaux, les séminaires, l’enseignement secondaire, technique et supérieur. Du 1er août au 2 octobre 1944, avec l’accord de Hitler, Himmler orchestra la répression de l’insurrection de Varsovie, avec pour but la destruction totale de la capitale, foyer le plus actif de la résistance polonaise. Avec la complicité passive de l’Armée rouge qui, stoppée par les Allemands aux portes de la ville, ne parachuta aucune aide aux insurgés, les nazis détruisirent la ville à 90 %, et la vidèrent de ses derniers civils après avoir causé la mort d’environ 200 000 personnes.

Avec l’agression de l’URSS, Hitler a prémédité une guerre d’anéantissement contre les populations soviétiques, des experts réunis par Göring ayant notamment prévu que « nos projets devraient entraîner la mort d’environ 10 millions de personnes ». Le but est de piller toutes les ressources du pays, de démanteler toute l’économie, de raser les villes, et de réduire les populations à l’état d’esclavage et de famine. La répression contre les Slaves prend donc une tournure encore plus massive, bien que certaines populations, notamment les nationalistes baltes et ukrainiens aient été initialement disposées à collaborer contre le régime stalinien.

Le traitement des prisonniers soviétiques capturés par les Allemands a été particulièrement inhumain : 3 700 000 d’entre eux sur 5 500 000 meurent de faim, d’épuisement ou de maladie, parfois après avoir été torturés ou suppliciés ; des milliers d’autres sont conduits dans les camps de concentration du Reich pour y être abattus au cours de fusillades massives. Les commissaires politiques sont systématiquement abattus au nom du « décret des commissaires » (Kommissarbefehl) signé par Keitel dès avant l’invasion. Des millions de femmes et d’hommes, parfois des enfants et des adolescents, sont raflés au cours de chasses à l’homme dramatiques pour être transférés dans le Reich comme main-d’œuvre servile.

Les actions des partisans sont l’occasion de représailles impitoyables sur les populations civiles, aussi bien en URSS qu’en Pologne, en Grèce et en Yougoslavie. Environ 11 500 000 civils soviétiques meurent ainsi pendant la Seconde Guerre mondiale.

L’obsession personnelle de Hitler à réduire ces peuples à l’état de sous-hommes a privé la Wehrmacht de nombreuses aides potentielles parmi les populations soumises au joug soviétique. Elle a également eu un rôle mortifère direct, comme lorsque Hitler interdit d’enlever d’assaut la ville de Leningrad, qu’il soumet délibérément à un blocus meurtrier responsable, en mille jours de siège, de plus de 700 000 morts de civils. À ses yeux, la ville qui avait vu naître la révolution de 1917 devait être affamée puis rasée au sol.

De même, Hitler a cautionné les expériences pseudo-médicales visant à mettre au point un programme de stérilisation massive des femmes slaves, perpétré sur des milliers de cobayes humains de Ravensbrück et d’Auschwitz. Et les premières victimes de gazages au Zyklon B à Auschwitz furent des prisonniers soviétiques92.

Persécution des homosexuels



Monument aux victimes homosexuelles de Hitler, AmsterdamLa déportation méconnue des homosexuels s’estimerait à 75 000 victimes93. Mais avec la destruction des dossiers, ce chiffre n’est qu’une estimation et peut être plus important. N'ont été déportés que les homosexuels des territoires allemands ou annexés.

Hitler, le végétarisme et les droits des animaux sous l'Allemagne nazie Il est souvent fait référence au fait que Hitler était végétarien. Cela serait dû à une prescription d’ordre médical (qu’il ne respectait pas à la lettre) et à des fins de propagande visant à le faire passer pour un ascète entièrement dédié à son peuple. S'il fit à plusieurs reprises l'apologie du régime végétarien, il ne le mit jamais en pratique pour lui-même. Albert Speer et Robert Payne, deux des plus importants biographes d’Hitler, démontrent dans leurs livres qu'il n’était pas végétarien. De plus, il fit bannir les organisations végétariennes d’Allemagne quand il arriva au pouvoir. Il arrêta leurs responsables et fit cesser la parution de la principale revue végétarienne publiée à Francfort. La persécution nazie força les végétariens allemands soit à quitter le pays, soit à vivre dans la clandestinité. Dione Lucas, qui a travaillé à l’hôtel Hamburg avant la guerre, se souvient comment elle devait préparer pour Hitler son plat favori : « Je ne voudrais pas vous couper l’appétit pour le pigeon rôti », écrit-elle dans son livre de cuisine, « mais vous serez intéressé de savoir que c’était le plat favori de monsieur Hitler, qui dînait à l’hôtel très souvent »94.

Les textes d'Hitler sur les animaux sont peu nombreux ; il y fait référence dans Mein Kampf pour justifier ses thèses racistes en prenant l'exemple de la sélection naturelle et, dans ses conversations privées, il ennuya son auditoire par de longues tirades sur les chiens-loups. Par contre, sans en être précurseur95, la propagande nazie reprend à son compte la protection animale et développe la législation la plus vaste et élaborée de l'époque à ce sujet. « Dans le nouveau Reich, il ne devra plus y avoir de place pour la cruauté envers les bêtes. » (Extrait d’un discours d’Adolf Hitler96, ces propos inspirant la loi du 24 novembre 1933 sur la protection des animaux : « Tierschutzgesetz »). Selon ses auteurs, Giese et Kahler, cette loi se veut en rupture avec les thèses anthropocentristes de la civilisation chrétienne : l’animal est maintenant protégé en tant qu’être naturel, pour ce qu’il est, et non par rapport aux hommes. Toute une tradition humaniste, voire humanitariste, défendait l’idée qu’il fallait, certes, interdire la cruauté envers les animaux, mais davantage parce qu’elle traduisait une mauvaise disposition de la nature humaine, voire parce qu’elle risquait d’inciter les êtres humains à la violence, que parce qu’elle portait préjudice aux bêtes en tant que telles97.

Cette loi de protection animale se trouve donc depuis quelques années au centre d’un débat historico-philosophique. Mais la paternité nazie de l’écologie profonde98 a du mal à faire l’unanimité chez les historiens99. Que le Troisième Reich ait promulgué les plus importantes législations qui soient à l’époque touchant la protection de la nature et des animaux100 est essentiellement due à la frénésie législative nazie101 (destinée à masquer l'illégalité installée). La volonté propagandiste de cette législation laisse peu de place au doute, le régime nazi souhaitant soigner son image chez les déjà puissantes associations écologistes allemandes (regroupées dans une structure nazifiée) et selon Élisabeth Hardoin-Fugier, qui a écrit l’essai La Protection législative de l’animal sous le nazisme, celle-ci n’était pas vraiment suivie dans la pratique et ne servait qu’à des fins de propagande102. La politique du régime nazi envers les animaux était sélective : les animaux de compagnie ayant appartenu à des Juifs étaient massacrés après l'arrestation de leurs maîtres103.

  • Vie privée et personnalité
  • Adolf Hitler au quotidien


Adolf Hitler à son domicile en 1936Comme son homologue totalitaire Joseph Staline, Hitler vivait, surtout pendant la guerre, en reclus et en décalage temporel, menant dans ses divers QG une vie morne, monotone et essentiellement nocturne, dont il imposait l'ennui à tout son entourage.

Avant de s'y terrer après 1941, notamment à la « Tanière du Loup » ou Wolfsschanze vers Rastenburg, il est toujours officiellement domicilié à Munich (il boudera Berlin toute sa vie) et plus encore, il aime à satisfaire son goût romantique pour les montagnes à sa résidence secondaire alpine de Berchtesgaden, le Berghof, doublée du panoramique Nid d'aigle. Sur l'Obersalzberg viennent aussi habiter quelques-uns de ses principaux courtisans et intimes.

Ne connaissant guère d'autres passions que celle du pouvoir, Hitler ne buvait ni ne fumait (le tabac était rigoureusement proscrit en sa présence), il mangeait généralement végétarien et sa vie sentimentale et sexuelle était réduite au strict minimum. Se présentant à son peuple comme mystiquement marié à l'Allemagne, pour justifier et instrumentaliser son célibat, il a caché aux Allemands l'existence d'Eva Braun pendant toute la durée du Troisième Reich, négligeant souvent celle-ci et lui interdisant de paraître en public voire de venir à Berlin, et la confinant le plus possible en Bavière. Sa jeune nièce Geli Raubal, avec laquelle il avait eu une liaison, s'était suicidée en 1931 dans sa chambre de Munich. Pour Ian Kershaw, en choisissant des femmes nettement moins âgées que lui (16 ans de moins dans le cas d'Eva Braun), et en conservant la distance (sa future épouse d'un jour ne devait l'appeler que mein Führer), Hitler s'assurait de pouvoir garder intacte sa domination narcissique et égoïste sur elles. De nombreuses rumeurs ont couru sur sa sexualité, du fait notamment de son absence de vie sentimentale officielle, faisant courir le bruit d'une asexualité ou d'une homosexualité. On lui a prêté des pratiques sexuelles déviantes, allant du masochisme à la coprophilie104. Otto Strasser, entre autres, explique, qu'il pratiquait l'ondinisme avec sa nièce Geli Raubal105,106. D'autres rumeurs le déclaraient impuissant107. Après la guerre, la révélation d'un rapport d'autopsie soviétique réalisé en 1945, dont le caractère scientifique a été contesté, a répandu l'histoire qu'il n'avait qu'un testicule108. Mais il s'agirait plutôt d'une légende urbaine, car le médecin de famille d'Hitler, le docteur Eduard Bloch, a affirmé sans équivoque qu'il avait examiné Hitler pendant son enfance et l'avait trouvé « génitalement normal »104.Cette légende n'a cependant aucun rapport avec la chanson anti-allemande « Hitler has only got one ball » (« Hitler n’a qu’une couille », sur l’air de la Marche du Colonel Bogey), populaire pendant la guerre109.



Hitler et les époux Goebbels prennent le thé dans les jardins de la chancellerie, 1934Solitaire et sans amis, Hitler a toujours été incapable dès sa jeunesse de laisser transparaître le moindre sentiment de compassion ou d'affection réelle pour personne, réservant ses quelques accès de tendresse à sa chienne Blondi, un berger allemand. Son égoïsme sans complexe, sa conviction d'être infaillible et sa soif de domination se traduisaient au quotidien par le refus de toute critique et par ses interminables monologues, ressassant éternellement les mêmes thèmes des heures durant, et épuisant son entourage jusque très tard dans la nuitréf. nécessaire.

Cela ne l'empêchait pas de régner sur son entourage et sur les masses par son charisme et son indéniable talent de séduction, et d'inspirer des dévouements aveugles allant jusqu'au fanatisme. Les célèbres colères effroyables qu'il pouvait piquer, contre ses généraux notamment, n'étaient en réalité pas très fréquentes, et survenaient surtout quand la situation échappait à son contrôle110.

Les images célèbres de l'orateur Hitler en train de vociférer ou d'éructer avec force gestes frénétiques ne doivent pas non plus donner une idée réductrice de ses talents propagandistes. En réalité, avant d'en arriver à ces points d'orgue fameux qui électrisaient l'assistance, Hitler savait varier les tons, construire sa progression et doser son débit, lequel ne s'accélérait que graduellement.

Autodidacte, son instruction hâtive a toujours laissé à désirer. Sa bibliothèque contenait 1 500 volumes dont peu d'ouvrages authentiquement scientifiques ou philosophiques111. Il n'a jamais lu Marxréf. nécessaire, a persécuté Freud (décimant aussi sa famille), et a déformé grossièrement la pensée de Nietzsche afin de mieux faire cadrer ses lectures avec son idéologie personnelle. Il ne connaissait aucune langue étrangère, son interprète attitré Paul Schmidt se chargeant de lui traduire la presse extérieure ou l'accompagnant dans toutes les rencontres internationales. Myope, mais refusant par vanité de porter des lunettes, il fallait lui présenter chaque matin la presse allemande dans une édition aux caractères spécialement grossis pour lui. Prompt à exalter et à embrigader le sport, il ne faisait jamais le moindre exercice de culture physique.

Incapable de se contraindre au travail régulier et suivi depuis sa jeunesse bohême de Vienne, le « dictateur paresseux » (Martin Broszat) n'avait pas d'horaires de travail fixes, négligeait souvent de réunir ou de présider le conseil des ministres, était parfois longuement introuvable même pour ses secrétaires, et ne faisait le plus souvent que survoler les dossiers et les rapports. Au contraire du très bureaucratique Staline, Hitler détestait la paperasserie, et n'a de sa vie rédigé qu'un seul memorandum, celui sur le Plan de Quatre Ans (1936), qu'il n'a d'ailleurs fait lire qu'à deux ou trois personnes dont Göring et le chef de l'armée Von Blomberg. Ses directives étaient souvent purement verbales ou rédigées en des termes assez généraux pour laisser à ses subordonnés une assez grande marge de manœuvre 112.

Détaché du catholicisme dès son enfance, et devenu un doctrinaire antichrétien, Hitler n'a jamais assisté à une cérémonie religieuse de toute sa vie politique, même s'il faisait souvent référence en public à une vague « Providence » dont il se sentait l'instrument. Malgré des tracasseries et des surveillances, il a toujours eu l'habileté de ménager globalement les Églises allemandes, évitant un conflit ouvert dangereux pour l'adhésion des populations à sa personne. Ni lui ni ses partisans n'ont jamais été excommuniés, et l'encyclique antinazie du pape Pie XI, Mit Brennender Sorge (1937), évite prudemment de mentionner le nom de Hitler. Cyniquement, Hitler n'a jamais rédigé de déclaration de sortie de l'Église catholique et se prêtait à la simagrée de continuer à payer ses impôts d'Église113.

Sa santé n'a cessé de se dégrader dans les dernières années de la guerre. Déprimé et insomniaque, vieillissant, voûté et tremblant (peut-être atteint sur la fin de la maladie de Parkinson), bourré de médicaments par son médecin le Dr. Morrell, Hitler était surtout absorbé par les opérations militaires et hanté en son sommeil, de son propre aveu, par la position de chacune des unités détruites sur le front de l'Est. C'est bien avant de passer à l'acte qu'il évoquait devant ses proches le suicide comme la solution de facilité qui permettrait d'en finir en un instant avec ses ennuis.

Aspects énigmatiques du personnage



Timbre en mémoire de Georg Elser : « Je voulais empêcher la guerre ».Il est établi que Hitler donna des ordres spécifiques pour que Johann Georg Elser, l’auteur de l’attentat de Munich qui aurait pu le tuer en novembre 1939, ne fût ni exécuté, ni même mis dans une situation où ses jours seraient en danger. Pourquoi ? Peut-être pour organiser un grand procès-spectacle à la fin de la guerre, où les Britanniques auraient été mis en cause. Elser fut interné au camp de Dachau et assassiné d'une balle dans la nuque le 5 avril 1945, peu avant la défaite allemande.

Il donna également des ordres pour qu’un certain nombre d’Allemands d’origine juive s’étant distingués pendant la Première Guerre mondiale ne soient pas inquiétés. Ce point était à l’origine une demande du maréchal Hindenburg, à rapprocher de la phrase de Göring, « Je suis celui qui décide qui est Juif et qui ne l’est pas ». Toutefois, la plupart des anciens combattants juifs déportés au ghetto surpeuplé de Terezín, dont les nazis avaient fait un camp modèle pour berner efficacement la Croix-Rouge, n'eurent le droit en fait qu'à un sursis, puisque les trains emmenaient ensuite périodiquement les prisonniers à Auschwitz-Birkenau où la plupart périrent liquidés dans les chambres à gaz.

Hitler a pris comme symbole pour son mouvement le svastika (croix gammée), déjà symbole de diverses organisations racistes (en allemand « völkisch ») comme la Société Thulé. Le svastika est à la base indien, et est un signe de vie. Le symbole nationaliste utilisé dès la fin du XIXe siècle l’a repris à l’identique ; le salut que Mussolini, repris par la suite par Hitler à partir de 1926, demandait de ses troupes était exactement celui des légionnaires de l’empire romain saluant l’Empereur, mais aussi des gladiateurs qui l’exécutaient avant de combattre (le fameux rite du « Ave Caesar, morituri te salutant »).

Point que certains jugent négligé par la plupart des historiens : les doctrines mystiques dans lesquelles Hitler et d’autres responsables du nazisme auraient puisé leur inspiration pour l’élaboration de la politique national-socialiste, et les rapports que le Führer aurait entretenus avec l’univers des sciences occultes (source : Louis Pauwels et Jacques Bergier, Le Matin des Magiciens, introduction au réalisme fantastique, Folio, 1960).

Adolf Hitler a choisi le 22 juin 1941 pour débuter l’opération Barbarossa, le jour qui suit le solstice d’été, où le Soleil est à son apogée. Féru d’astrologie, ayant adopté le svastika pour représenter son idéologie, (qui symbolise dans la mythologie nordique le marteau de Thor tournoyant dans le ciel comme étant le Soleil) ; précision nécessaireréf. nécessairedifficile d’y trouver une simple coïncidence, quand on sait que même durant les derniers jours Adolf Hitler lisait des prévisions astrologiques à Eva Braun dans le Führerbunker114.

Anecdotes et rumeurs Les sections « Anecdotes », « Autres détails » ou « Le saviez-vous ? » sont déconseillées sur Wikipédia. Pour améliorer cet article il convient, si ces faits présentent un intérêt, de les intégrer dans d'autres sections.



Publicité pour Volkswagen, 1936Adolf Hitler serait aux origines de Volkswagen (« La voiture du peuple » en allemand, le mot Volk désignant à la fois le peuple et la race) et notamment de la Coccinelle. Adolf Hitler aurait rencontré Ferdinand Porsche à ce propos et lui aurait parlé d’une voiture populaire pouvant transporter 5 personnes, atteindre une vitesse de croisière de 100 km/h, consommer environ 7 litres pour 100 km et ne coûtant pas plus de 1 000 Reichsmarks dans le but que chacun puisse s’offrir une voiture. Le prototype fut appelé KdF-Wagen (Kraft durch Freude). Postérité d'Hitler sur les consciences Une victime onomastique directe de Hitler fut son propre prénom : rien qu'en France, son usage décline dès 1933 pour s'effondrer avec la guerre. Depuis 1945, sous toutes ses variantes, "Adolphe" a pratiquement disparu comme nom de baptême115.

Outre qu'il a rendu plus difficile et angoissant à la philosophie contemporaine de penser un monde qui a connu Hitler, le personnage, invoqué de façon rhétorique comme le paradigme de la monstruosité et du mal radical, a donné involontairement son nom à un procédé de logique : la reductio ad hitlerum. On parle également « point Godwin » de la conversation, à partir duquel tout sujet potentiel finit théoriquement par conduire à parler d'Adolf Hitler ou du nazisme.

Les carnets d'Hitler Cinquante faux Carnets d'Hitler sont publiés en Allemagne par le magazine Stern en 1983, alors qu’ils avaient été réalisés par un faussaire, Konrad Kujau. Paris Match acheta à prix d’or l’exclusivité pour la France.

Hitler contre Marx et le socialisme Mein Kampf est un ouvrage violemment anti-marxiste. Hitler y qualifie le marxisme de « doctrine juive » et de « peste mondiale ». Sous la dictature nazie, les socialistes furent persécutés, assassinés, enfermés en camps de concentration dès 1933. Les livres de Karl Marx furent interdits et brûlés.

L’économiste libéral autrichien Ludwig von Mises estimait en 1944 que le nazisme avait appliqué la plupart des mesures transitoires préconisées par le Manifeste du Parti communiste de Karl Marx et Friedrich Engels : huit des dix mesures citées en 1848 par Marx et Engels auraient été exécutées par les nazis. Seuls deux points n’auraient pas été complètement adoptés par les nazis, à savoir l’expropriation de la propriété foncière et l’affectation de la rente foncière aux dépenses de l’État (point no 1 du Manifeste) et l’abolition de l’héritage (point no 3). Leurs méthodes de taxation, leur planisme agricole et leur politique concernant la limitation des fermages iraient selon Mises dans le sens du marxisme116. Ce point de vue est marginal. En réalité, seuls quatre points ont été appliqués117, deux par Hitler lui-même, les autres résultants de la conservation de choix réalisés sous la République de Weimar. Enfin, certaines de ces mesures ont été largement appliquées par tous types de régimes au XXe siècle : « Éducation publique et gratuite de tous les enfants » par exemple. La France appliquait à cette même époque cinq des mesures proposées par Karl Marx. Ce qui ne saurait faire oublier non plus le rejet radical de la notion de lutte des classes par les nazis, leur absence totale de nationalisation et de réforme agraire, leur entente complexe mais durable avec les milieux industriels et financiers118,119,120, leur néo-paganisme fort éloigné du matérialisme historique, enfin leur haine absolue du marxisme — et le fait que comme le remarque son biographe Ian Kershaw, sur les millions de mots de Hitler conservés pour la postérité, aucun ne permet de conclure qu’il ait jamais lu un seul texte de Marx.

Les différents courants socialistes et marxistes ont été très actifs dans la résistance allemande au nazisme121.

Regards de contemporains Brouillé avec Hitler, le maréchal Ludendorff adresse une lettre prophétique à son ancien collègue Hindenburg, peu après le 30 janvier 1933 : « En nommant Hitler chancelier du Reich, vous avez remis notre sainte patrie allemande entre les mains d’un des plus grands démagogues que nous ayons jamais connus. Je vous prédis solennellement que ce funeste personnage conduira notre Reich dans l’abîme et plongera notre nation dans une misère inconcevable. Les générations à venir vous maudiront dans la tombe pour ce que vous avez fait122. »

Benito Mussolini déclara à Ostie, en août 1934 au cours d’un entretien avec la presse et des amis autrichiens : « Hitler est un affreux dégénéré sexuel et un fou dangereux. Le national-socialisme en Allemagne représente la barbarie sauvage et ce serait la fin de notre civilisation européenne si ce pays d’assassins et de pédérastes devait submerger le continent. Toutefois, je ne puis être toujours le seul à marcher sur le Brenner123. »

Erwin Rommel en octobre 1938 après avoir accompagné et assuré la sécurité du Führer durant l’annexion des Sudètes: « Hitler possède un pouvoir magnétique sur les foules, qui découle de la foi en une mission qui lui aurait été confiée par Dieu. Il se met à parler sur le ton de la prophétie. Il agit sur l’impulsion et rarement sous l’empire de la raison. Il a l’étonnante faculté de rassembler les points essentiels d’une discussion et de lui donner une solution. Une forte intuition lui permet de deviner la pensée des autres. Il sait manier avec habileté la flatterie. Sa mémoire infaillible m’a beaucoup frappé. Il connaît par cœur des livres qu’il a lus. Des pages entières et des chapitres sont photographiés dans son esprit. Son goût des statistiques est étonnamment développé : il peut aligner des chiffres très précis sur les troupes de l’ennemi, les diverses réserves de munitions, avec une réelle maestria qui impressionne l’état-major de l’Armée. »

Léon Degrelle interviewé en 1981124, décrit Hitler qu’il rencontra à l’été 1933 : « Hitler n’était pas un homme comme les autres, il ne ressemblait en rien aux politiciens que j’avais eu l’occasion de rencontrer jusque-là. C’était un homme extrêmement simple, vêtu simplement, parlant simplement, très calme, contrairement à tout ce qu’on a pu raconter. Il était plein d’humour et très drôle dans sa conversation. Sur toutes les questions, politiques, économiques, sociales ou culturelles, il était porteur de vues absolument neuves, qu’il exprimait avec une clarté et une conviction qui entraînaient l’adhésion de ses auditeurs. Il savait conquérir les individus et les foules par le rayonnement étrange de sa personnalité. »

Baldur von Schirach, ancien chef de la Hitlerjugend et gauleiter de Vienne, écrira en 1967, peu après sa sortie de prison : « La catastrophe allemande ne provient pas seulement de ce que Hitler a fait de nous, mais de ce que nous avons fait de Hitler. Hitler n'est pas venu de l'extérieur, il n'était pas, comme beaucoup l'imaginent, une bête démoniaque qui a saisi le pouvoir tout seul. C'était l'homme que le peuple allemand demandait et l'homme que nous avons rendu maître de notre destin en le glorifiant sans limites. Car un Hitler n'apparaît que dans un peuple qui a le désir et la volonté d'avoir un Hitler125 ».

lire la suite

________Toussaint Louverture Pierre-Dominique 20 mai 1743, mort le 7 avril 1803 à la La Cluse-et-Mijoux, est le plus grand dirigeant de la Révolution haïtienne, et par la suite est devenu gouverneur de Saint-Domingue (le nom d'Haïti à l'époque).

Pierre-Dominique Toussaint Louverture, né le 20 mai 1743, mort le 7 avril 1803 à la La Cluse-et-Mijoux, est le plus grand dirigeant de la Révolution haïtienne, et par la suite est devenu gouverneur de Saint-Domingue (le nom d'Haïti à l'époque).






Origine et jeunesse: Son grand-père, Gaou-Guinou, aurait été de naissance africaine, au Dahomey, d'une famille royale Arada. Déporté à Saint-Domingue, son père Hippolyte Gaou fut vendu comme esclave au gérant de l'habitation du Comte de Bréda, dans la plantation de qui Toussaint naquit, dans la province du Nord, près du Cap-Français. Son maître, M. Baillon de Libertat, était relativement humain. Il encouragea Toussaint à apprendre à lire et à écrire et en fit son cocher et le commandeur (c'est à dire le contremaître) de l'habitation. Toussaint, malgré une petite taille et une laideur qui lui valait le surnom de Fatras-Bâton, gagna une réputation d'excellent cavalier et de docteur feuille, maîtrisant la médecine par les plantes. Il épousa une femme libre du prénom de Suzanne dont il eut deux fils : Isaac et Placide.

Toussaint fut affranchi en 1776, à l'âge de 33 ans. Selon les archives coloniales, il loua une ferme de café d'une quinzaine d'hectares avec treize esclaves.

La Révolution française provoqua d'énormes répercussions dans l'île : Dans un premier temps, les grands Blancs envisagèrent l'indépendance, les petits blancs revendiquèrent l'égalité avec les premiers et les gens de couleur libres, l'égalité avec les précédents. En août 1791, les esclaves de la plaine du Nord se révoltèrent. Toussaint Bréda devint aide-de-camp de Georges Biassou, commandant des esclaves qui, réfugiés dans la partie espagnole de l'île, s'allièrent à ceux-ci en 1793 pour renverser les français esclavagistes. Toussaint fut initié à l'art de la guerre par les militaires espagnols. A la tête d'une troupe de plus de trois mille hommes, il remporta en quelques mois plusieurs victoires. On le surnomma dès lors Louverture. Il devint général des armées du roi d'Espagne. Le 29 août 1793, Toussaint lança sa proclamation où il se présentait comme le leader noir : "Frères et amis. Je suis Toussaint Louverture ; mon nom s'est peut-être fait connaître jusqu'à vous. J'ai entrepris la vengeance de ma race. je veux que la liberté et l'égalité règnent à saint-Domingue. Je travaille à les faire exister. Unissez-vous, frères, et combattez avec moi pour la même cause. Déracinez avec moi l'arbre de l'esclavage. Votre très humble et très obéissant serviteur, Toussaint Louverture, Général des armées du roi, pour le bien public"

Mais il excita la jalousie de ses chefs, Jean-François et Biassou, qui fomentèrent un complot dont il échappa, mais où il perdit son jeune frère Jean-Pierre. Le peu d'attention que lui montrèrent les espagnols acheva de le convaincre que ceux-ci n'entendaient pas abolir l'esclavage.

Les commissaires de la République française, Léger-Félicité Sonthonax et Etienne Polverel, étaient en effet arrivés à Saint-Domingue en septembre 1792 pour garantir les droits des gens de couleur. Saint-Domingue était envahi par la marine britannique et les troupes espagnoles, auxquels s'étaient ralliés de nombreux blancs royalistes. Le 29 août 1793, le même jour que la proclamation de Toussaint, Sonthonax émancipa l'ensemble des esclaves pour que ceux-ci se joignent à la Révolution. Le 16 pluviôse an II (4 février 1794), la Constituante ratifiait cette décision en abolissant l'esclavage dans tous les territoires de la République française.

Le général de la République:

Par l'intermédiaire du général en chef Etienne Laveaux, les commissaires tentèrent de convaincre Toussaint de rejoindre la République. Ce n'est que le 5 mai 1794, que Toussaint effectua une volte-face. L'armée sous son commandement — qui comptait des soldats noirs, mulâtres et même quelques blancs — défit en quinze jours ses anciens alliés espagnols et enleva une dizaine de villes. En un an, il refoula les Espagnols à la frontière orientale de l'île et vainquit les troupes de ses anciens chefs qui leur étaient restés fidèles. En juillet 1795, la Convention, l'éleva au grade de général de brigade. En mars 1796, il sauva Laveaux, malmené pour sa rigueur lors d'une révolte de mulâtres au Cap. En récompense, celui-ci le nomma son Lieutenant Général de la colonie de Saint-Domingue. Le Directoire l'éleva au grade de général de division en août 1796.

La marche vers le pouvoir absolu:

Son talent n'était pas que militaire. Partout où il passait, il confirmait l'émancipation des esclaves. Il organisait la remise en marche des plantations en invitant les colons à revenir, y compris ceux qui avaient combattu contre la République, et ce, malgré l'avis des représentants de l'autorité française. La lutte contre les Britanniques fut plus difficile. Toussaint ne put les déloger du Nord et de l'Ouest. Au Sud, le général mulâtre André Rigaud les contenait courageusement, mais sans les repousser. Le retour de Sonthonax comme commissaire civil en mai 1796 constitua une ombre à l'ambition de Toussaint de diriger seul. Il réussit en septembre 1796 à faire élire Lavaux et Sonthonax comme députés auprès du Directoire afin des les renvoyer en métropole : le premier dès octobre, le second en août 1797. Pour rassurer la France, il envoya ses deux fils étudier à Paris. Grâce aux armes arrivées avec la commission de 1796, Toussaint disposait d'une armée de 51 000 hommes (dont 3 000 blancs). Il reprit la lutte contre les Britanniques et connut quelques succès, mais pas décisifs. Fatigués d'une telle résistance, les Britanniques se décidèrent à négocier. Toussaint sut éloigner des négociations le dernier commissaire civil Julien Raimond, comme le dernier général en chef Hédouville, arrivé en mars 1798. Le 31 août 1798, les Britanniques abandonnèrent St Domingue. Pour se débarrasser d'Hédouville, Toussaint alerta les noirs du Nord. Le général ayant ordonné le désarmement des noirs, ceux-ci se révoltèrent le 16 octobre 1798, obligeant Hédouville à rembarquer précipitamment pour la métropole avec de nombreux blancs.

Délivré de tout contrôle, Toussaint se tourna contre son rival, le chef des mulâtres Rigaud. Profitant d'un incident, il le provoqua. Rigaud engagea les hostilités en juin 1799. Toussaint, secondé par Jean-Jacques Dessalines et Henri Christophe vainquit ses troupes en un an au prix d'un bain de sang. Décidé à remettre l'économie sur pieds, Toussaint publia le 12 octobre 1800 un réglement de culture introduisant le travail forcé des noirs sur les plantations. Il y eut de nombreux mécontentements. A la fin octobre, les noirs du Nord se révoltèrent, allant jusqu'à égorger les blancs. En quelques jours, Toussaint dispersa les révoltés et fit fusiller 13 meneurs, dont son propre neveu, le général Moïse. Pour rallier les blancs à sa cause, il rappela les émigrés et fit du catholicisme la religion officielle. Puis, voulant unifier l'île, il se tourna vers la partie espagnole de l'île qu'il conquit en un mois, en janvier 1801. Le 9 mai 1801 il proclama une constitution autonomiste qui lui donnait les pleins pouvoirs à vie.

La chute:

Napoléon Bonaparte, dont le pouvoir en France s'accroissait, était désireux de restaurer la domination des colons français afin de faire refleurir l'économie sucrière. Une armée de 25 000 hommes sous la direction de son beau-frère, le général Leclerc, fut envoyée à Saint-Domingue en décembre 1801 pour faire tenir la promesse de Toussaint de rétablir les colons et, officieusement, rétablir l'esclavage. Toussaint n'était pas dupe. Il mena une guerre de repli, brûlant les villes devant l'arrivée des troupes françaises fin janvier 1802. Leclerc vainquit les troupes de Dessalines, puis celles de Christophe. Ayant ramené avec lui les enfants de Toussaint, il les lui envoya, en signe d'apaisement. Le 2 mai 1802, Toussaint offrit sa reddition contre sa liberté et l'intégration de ses troupes dans l'armée française.

Leclerc ne s'en tint pas là. Capturé par ruse le 7 juin 1802, Toussaint fut envoyé en France avec sa famille. A son embarquement, il prédit : "En me renversant, on n'a abattu que le tronc de l'arbre de la liberté des nègres. Celui-ci repoussera par les racines, parce qu'elles sont profondes et nombreuses." Il fut enfermé au Fort de Joux dans les montagnes du Jura, la plus froide région de France. Il y mourut le 7 avril 1803.

Les Français ne réussirent pas à rétablir l'esclavage à Saint-Domingue. Grâce à la puissance militaire construite sous Toussaint, les noirs triomphèrent sur eux à la bataille de Vertières en 1803. Le 1er janvier 1804, leur nouveau chef, Jean-Jacques Dessalines, proclama l'indépendance du pays qu'il baptisa de son nom indien : Haïti.

Source : Pierre PLUCHON : Toussaint Louverture - Paris, Fayard 1989

lire la suite

_____Cheikh Anta Diop (1923-1986) |historien et anthropologue sénégalais. Il a défendu avec vigueur une vision du monde connue sous le nom d'afrocentrisme,

Cheikh Anta Diop (1923-1986) est un historien et anthropologue sénégalais. Il a défendu avec vigueur une vision du monde connue sous le nom d'afrocentrisme, qui met l'accent sur l'apport de l'Afrique et en particulier de l'Afrique noire à la culture et à la civilisation mondiales. Il est considéré comme l'un des plus grands historiens de l'Afrique bien que son œuvre ne soit pas entièrement acceptée dans les milieux scientifiques.

L'homme et l'œuvre

Cheikh Anta Diop est né le 29 décembre 1923 à Diourbel (Sénégal). A l'âge de 23 ans, il part à Paris pour étudier la physique et la chimie mais se tourne aussi vers l'histoire et les sciences sociales. Il suit en particulier les cours de Gaston Bachelard. Il adopte très rapidement un point de vue spécifiquement africain face à la vision européenne dominante de l'époque pour laquelle les Africains sont des peuples sans passé.

En 1951, Diop prépare sous la direction de Marcel Griaule une thèse de doctorat à l'Université de Paris, dans laquelle il affirme que l'Égypte ancienne était peuplée d'Africains noirs et que la langue et la culture égyptiennes se sont ensuite diffusées dans l'Afrique de l'Ouest. Il ne parvient pas à rassembler un jury pour examiner cette thèse. Elle rencontre pourtant un grand écho sous la forme d'un livre, Nations nègres et culture, publié en 1955.

Diop, qui adopte un ton volontiers polémique, met à profit sa formation pluridisciplinaire pour combiner plusieurs méthodes d'approche. Il s'appuie sur des citations d'auteurs anciens comme Hérodote et Strabon pour démontrer que les Égyptiens anciens présentaient les mêmes traits physiques que les Africains noirs d'aujourd'hui (couleur de la peau, aspect des cheveux, du nez et des lèvres). Des données d'ordre ethnologique (comme le rôle du matriarcat) et archéologique l'amènent à affirmer que la culture égyptienne doit plus aux cultures d'Afrique noire qu'à celles du Proche-Orient. Sur le plan linguistique, il considère en particulier que le wolof, parlé aujourd'hui en Afrique occidentale, présente de nombreuses similarités avec la langue égyptienne antique.

En parallèle, Diop milite en faveur de l'indépendance des pays africains et de la constitution d'un État fédéral en Afrique. Il poursuit dans le même temps une spécialisation en physique nucléaire au Laboratoire de chimie nucléaire du Collège de France.

Diop devient l'un des historiens les plus controversés de son époque. Il obtient finalement son doctorat en 1960, mais seulement avec la mention honorable, ce qui en pratique l'empêche d'enseigner en France. Il revient au Sénégal où l'Université de Dakar, qui porte aujourd'hui son nom, ne lui attribuera pas de poste de professeur avant 1981. Il poursuit alors ses recherches dans le cadre de l'université. Il prend la tête d'un laboratoire de radiocarbone où il tente de déterminer la couleur de peau des anciens Égyptiens par des observations au microscope.

Dans les années 1970, Diop participe au comité scientifique qui dirige, dans le cadre de l'UNESCO, la rédaction d'une Histoire générale de l'Afrique. Il rédige le chapitre consacré aux origines des anciens Égyptiens. Dans le cadre de la rédaction de cet ouvrage, il participe en 1974 au Colloque international du Caire où il confronte son point de vue à celui des principaux spécialistes mondiaux. Le rapport final du colloque reconnaît le grand intérêt des éléments apportés par Cheikh Anta Diop et Théophile Obenga au sujet de la filiation entre la langue égyptienne ancienne et les langues africaines. En revanche il reste un désaccord sur la nature du peuplement de l'Égypte ancienne : principalement composé de Noirs pour Diop, mixte selon d'autres experts. Si Diop a eu une vision trop monolithique de l'origine nègre de la civilisation égyptienne (d'après la majorité des égyptologues actuels), il est essentiel de rappeler le contexte dans lequel ont été faites ses recherches et notamment ses premiers travaux. Ce contexte peut expliquer la vigueur et le caractère «entier» des thèses de Diop. En effet, dans les années 1950, le degré de racisme et le biais européocentriste des historiens étaient très marqués, selon Diop et ses partisans.

Cheikh Anta Diop meurt dans son sommeil à Dakar, le 7 février 1986.

Postérité de l'œuvre de Cheikh Anta Diop

L'idée d'une Égypte ancienne noire avait déjà été avancée par d'autres auteurs, mais l'œuvre de Cheikh Anta Diop est fondatrice dans la mesure où elle a considérablement approfondi l'étude du rôle de l'Afrique noire dans les origines de la civilisation. Elle a donné naissance à une école d'égyptologie africaine en inspirant par exemple Théophile Obenga et Molefi Kete Asante. Diop a participé à l'élaboration d'une conscience africaine libérée de tout complexe face à la visioneuropéenne du monde. Ses travaux et son parcours sont aujourd'hui une référence constante des intellectuels africains, plus encore peut-être que Léopold Sédar Senghor auquel Diop a reproché d'avoir aliéné la négritude en la basant sur un type de raison différent de la raison européenne.

La communauté scientifique, tout en reconnaissant que Diop a eu le mérite de libérer la vision de l'Égypte ancienne de son biais européocentriste, reste partagée sur nombre de ses conclusions. Certains chercheurs africains contestent l'insistance de Diop sur l'unité culturelle de l'Afrique noire et sur ses origines égyptiennes. Beaucoup estiment que son approche pluridisciplinaire et polémique l'amène à des rapprochements sommaires dans certains domaines comme la linguistique, ou que ses thèses entrent en contradiction avec les enseignements de l'archéologie et de l'histoire de l'Afrique et en particulier de l'Égypte. De fait, ses travaux ne sont pas considérés comme une source fiable par la plus grande partie des historiens actuels, et suscitent l'intérêt sur le plan de l'historiographie de l'Afrique et non sur celui de la connaissance de son passé. Sur le plan linguistique, il a initié l'étude diachronique des langues africaines et a défriché l'histoire africaine pré-coloniale (hors période pré-égyptienne largement commentée).

Cependant, des découvertes archéologiques et scientifiques récentes ont confirmé certaines hypothèses formulées par Diop. Sur le site de Blombos ont été exhumées les plus anciennes œuvres d'art jamais trouvées. Elles datent de 70 000 avant J.C. De même, le site de Kerma livre chaque année de nouvelles surprises et les travaux du suisse Charles Bonnet ont prouvé l'originalité et l'antériorité de la civilisation de Kerma par rapport à la civilisation égyptienne. Il ne s'agit pas ici de démontrer l'origine exclusivement noire de la civilisation égyptienne (vision polémique et sans doute excessive de Diop). Non, il s'agit du message principal de Diop souvent oublié dans les débats : l'Afrique a une histoire riche et a largement contribué à l'origine des civilisations et des techniques puisque l'homme moderne (Homo Sapiens Sapiens) y est né. Il écrivait cela dans Nations Nègres et Culture il y a déjà 50 ans. Peu de travaux d'historiens peuvent se prévaloir d'avoir eu une telle valeur heuristique.

Œuvres

Nations nègres et culture : de l'antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l'Afrique noire d'aujourd'hui, (

L'antiquité africaine par l'image,

L'Afrique noire précoloniale. Étude comparée des systèmes politiques et sociaux de l'Europe et de l'Afrique noire de l'antiquité à la formation des États modernes,

Les fondements culturels techniques et industriels d'un futur État fédéral d'Afrique noire,

Antériorité des civilisations nègres, mythe ou vérité historique ?,

L'unité culturelle de l'Afrique noire,

Civilisation ou barbarie.

Souce: http://www.blogg.org/blog-48662-themes-portraits-96965-offset-20.html

lire la suite

____Gamal Abdel Nasser (1918-1970) |second président de l'Égypte après Mohammed Naguib. Il est à l'origine de l'idéologie nassérienne, peut être considéré comme l'un des plus grands meneurs arabe de l'histoire.

Gamal Abdel Nasser (15 janvier 1918 à Alexandrie - 28 septembre 1970) fut le second président de l'Égypte après Mohammed Naguib. Il est à l'origine de l'idéologie nassérienne, et peut être considéré comme l'un des plus grands meneurs arabe de l'histoire.

Sa jeunesse

Ce fils de fonctionnaire des postes est né à Alexandrie en 1918. Il a passé une partie de son enfance avec un de ses oncles révolutionnaire vivant au Caire. A l'age de 16 ans, il a été incarcéré après des combats de rues entre un mouvement indépendantiste égyptien, El Fatat (Jeune Égypte) et la police. Il deviendra par la suite membre de ce groupe.

Il était actif dans des groupes égyptiens contre la domination étrangère après avoir obtenu son diplôme de l'Académie militaire. Il participe à la guerre de 1948 ; il sera blessé à l'épaule par un tireur isolé et pendant plusieurs mois, à la fin de la guerre il est bloqué avec ses hommes dans la poche de Faluja en Palestine. Lorsqu'un cessez-le-feu est obtenu il est autorisé à retourner en Égypte. Il est le grand architecte de la station de radio La voix des Arabes.

Nasser président de la nouvelle république

Le lieutenant colonel Nasser fonde et devient le leader du Mouvement des officiers libres. C'était un groupe de jeune militaire âgé en général de moins de 35 ans, qui avait pour but de renverser le roi Farouk. Le 23 juillet 1952, Nasser conduit un coup d'État militaire contre le roi Farouk Ier, et proclame la république un an plus tard.

Le pays est alors gouverné par un conseil révolutionnaire réunissant onze officiers sous les ordres de Nasser. Nasser qui était le ministre de l'intérieur était considéré comme le véritable instigateur du coup d'état. Au début de 1954 il arrête le dirigeant du pays, le général Mohammed Naguib, en l'accusant de soutenir la confrérie des frères musulmans. Le 25 février il devient le premier ministre égyptien. Deux ans plus tard il est le seul candidat des élections présidentielles et devient donc le second président de l'Égypte.

Nasser centralise l'état égyptien, il fait augmenter les pouvoirs du président de la république, il nationalise l'industrie, procède a une réforme agraire, et met en oeuvre de grands projet de travaux public, comme le barrage d'Assouan.

La tendance de Nasser à la manipulation dramatique de la politique fut mise en exergue par une mise en scene de la tentative du 26 octobre 1954 de son assassinat. Pendant qu'il faisait un discours Mahmoud Abd al-Latif, un supposé membre des Frères musulmans, tira huit balles vers lui. Bien qu'à courte distance tous les tirs échouèrent. Nasser continua à parler en disant : « Laissons les tuer Nasser. Il n'est qu'un parmi beaucoup. Mes chers concitoyens restez où vous êtes. Je ne suis pas mort. Je suis vivant, et même si je meurs vous êtes tous Gamal Abdel Nasser. » Ce sens de l'à propos et l'absence de réaction des gardes du corps font penser que cela était un faux attentat. Il utilisa l'angoisse nationale pour lancer une répression visant à l'éradication du groupe des Frères musulmans.

Crise du canal de Suez

En dépit de bonnes relations initiales avec les pouvoirs occidentaux Nasser commença graduellement à perdre leurs faveurs et se tourna de plus en plus vers le bloc soviétique. Le 16 janvier 1956 Nasser fit le vœu de reconquérir la Palestine et à l'été 1956 il annonça la nationalisation du canal de Suez, ce qui allait directement contre les intérêts du Royaume-Uni et de la France qui co-géraient le canal. Ces derniers, avec l'aide d'Israël déclenchèrent une opération pour en reprendre le contrôle.

Cependant sous la pression de l'Union Soviétique qui menaça d'utiliser sa bombe atomique et le manque de soutient des États-Unis, ils furent obligés de retirer leurs troupes d'Égypte. Israël obtint la fin des raids de fedayins contre son retrait de la péninsule du Sinaï. Globalement c'est une victoire pour Nasser qui devint un héros pour les Arabes.

Nasser, leader arabe

La stratégie de Nasser fut pendant toute sa vie un panarabisme neutre (et donc une consolidation parmi les nations en développement).

Il inspire les nationalistes dans tout le monde arabe, et des partis nasséristes voués à l'unité arabe sont rapidement créés. Nasser devient le chef de file du monde arabe, il représente alors une nouvelle ère au Moyen-Orient. Nasser suit une politique panarabe, qui a favorisé la confrontation entre les états arabes et les états occidentaux, demandant à ce que les ressources du monde arabe servent les intérêts du peuple arabe et non l'intérêt des occidentaux présenté par l'état en impérialiste.

En 1958 les militaires égyptiens et syriens demande au président Nasser la fusion entre ces deux pays. Nasser est surpris de cette demande soudaine et accepte la fusion. La Syrie et l'Égypte fusionnent pour former la République Arabe Unie et essayent d'y inclure le Yemen. L'union est dissoute en 1961, les bureaucrates et les officiers égyptiens avaient des pratiques autoritaires, et la police secrète a durement réprimé les frères musulmans, et le parti communiste syrien.

L'Égypte continue à utiliser le nom jusqu'en 1971. Pour tenter d'obtenir le Yémen des opérations militaires, y compris l'utilisation d'armes chimiques, furent entreprises contre le peuple du nord du Yémen.

De plus, Nasser est l'une des figures historiques de l'émergence du Tiers-Monde, une troisième force politique face aux deux blocs que sont le bloc occidental et le bloc soviétique. Nasser est l'un des principaux interlocuteurs à la conférence de Bandung en avril 1955, il se présente comme l'un des leaders des pays issus de la décolonisation. Il met notamment en garde les pays ayant acquis fraichement leur indépendance contre une nouvelle forme de colonisation économique que ce soit par l'occident ou par le bloc soviétique. L'un de ses grands travaux plus tard sera la nationalisation du canal de Suez afin d'entraver cette nouvelle forme de colonisation.

Guerre des six jours

Nasser provoque la guerre des six jours en 1967. Il remilitarise le Sinaï, et demande à la Force de secours des nations unis de quitter la péninsule. Nasser concentre des troupes et des chars d'assaut sur la frontière avec Israël.

Le 23 mai, l'Égypte bloque l'accès au détroit de Tiran aux navires israéliens (route du sud essentielle à l'approvisionnement des israéliens en pétrole et blocus du port d'Eilat), ce qui était sans précédent depuis les accords internationaux sur les droits de passage dans le détroit, signés en 1957 par 17 puissances maritimes. Israël considére cela comme un casus belli. La tension dans la région glissait d'un relatif statu quo vers une guerre régionale. Nasser arrive à convaincre la Jordanie et la Syrie de l'assister dans cette guerre, il déclare dans un discours "Notre objectif sera la destruction d'Israël. Le peuple arabe veut se battre."

Israël attaque l'Égypte, et bombarde des bases militaires égyptiennes. Puis Israël occupe le Sinaï et gagne la guerre. Après une défaite dans la guerre des Six Jours en 1967 contre Israël, Nasser présente sa démission mais une mise en scene est organisée où le peuple est supposé lui demander de rester au pouvoir. Il mena donc son pays à travers la guerre d'usure en 1969-70.

Sa mort et ses funérailles

Il meurt d'une crise cardiaque quelques semaines après la fin de ce conflit, le 28 septembre 1970. Son successeur est Anouar el-Sadate. Il meurt quelques heures après une conférence arabe qui a conduit à un accord de paix entre la Jordanie et les combattants palestiniens. Nasser qui était diabétique, a déjà fait une attaque cardiaque lors d'une de ses visites au Koweït. Il meurt à 6h15 heure local, cinq médecins étaient à ses côtés, sa mort sera annoncée au peuple cinq heures après. Après l'annonce de sa mort, la télévision diffuse des versets du Coran. Le vice président Sadate lis un discours retransmis à la télévision et sur toutes les radios ou il déclare "Nasser était un leader dont la mémoire demeurera immortelle au coeur de la nation arabe et de toute l'humanité"

Sa mort est le résultat d'un travail excessif, il lui arrivait de travailler plus de 18 heures par jour, en consommant la même journée près de cinq paquets de cigarette. Un an avant sa mort il a été hospitalisé pendant près de six semaines pour une grippe. On apprendra après sa mort qu'il a été hospitalisé à la suite d'une crise cardiaque.

Ses funérailles ont eu lieu le 1er octobre, devant près de cinq millions de personnes. Un serment est prononcé sur son tombeau, « Serment par Gamal, le plus chéri des hommes, le libérateur des travailleurs, le chef de la lutte! Serment sacré, inébranlable. Par Dieu et par la patrie, nous jurons que la voie de ta lutte sera notre voie (...) Nous jurons de travailler à la puissance et à l'unité de la nation arabe.1»

Il était marié et a eu cinq enfants (trois fils et deux filles).

Son héritage

L'héritage laissé par Nasser est sujet à débat dans le monde arabe. Pour beaucoup de gens Nasser fut un chef qui réforma son pays et rétablit la fierté arabe autant à l'intérieur qu'à l'extérieur. D'autres considèrent que sa politique de militarisme forcené mena l'Égypte à de graves défaites et pertes plutôt qu'à la paix et la prospérité. Il est clair que son influence sur le Proche-Orient de l'époque est très importante. Le rôle qu'il a tenu lors de la guerre des six jours, a causé d'énorme perte aux états arabes, et a terni son image et a réduit son prestige dans le monde arabe. Il a modernisé le système éducatif égyptien, les enfants les plus démunis ont ainsi pu suivre une éducation normale. Il a également tenu un rôle important dans le monde artistique, tels que les arts, les théâtres, les films, l'industrie musicale et la littérature. Ce qui a eu un impact positif en Égypte et dans tout le monde arabe.

Barrage d'Assouan

La réalisation la plus controversée de Nasser est l'érection du barrage d'Assouan et le lac qui porte son nom dans le sud de l'Égypte. Construit pour fournir de l'électricité et réduire les crues du Nil il submergea la plus grande partie des trésors archéologiques de la Nubie (sauf ceux mis à l'écart par l'UNESCO) certains disent que c'est une catastrophe écologique.

lire la suite

_________Mongo Beti (1932-2001) |pseudonyme d'Alexandre BIYIDI-AWALA Il commence sa carrière littéraire avec la nouvelle Sans haine et sans amour

Mongo BETI, pseudonyme d'Alexandre BIYIDI-AWALA (son premier pseudonyme étant Eza BOTO), né le 30 juin 1932 à Akometam, Cameroun.

Après des études primaires à l'école missionnaire de Mbalmayo, il entre en 1945 au lycée Leclerc à Yaoundé. Bachelier en 1951, il vient en France poursuivre des études supérieures de Lettres à Aix-en-Provence puis à la Sorbonne à Paris.

Il commence sa carrière littéraire avec la nouvelle Sans haine et sans amour, publiée dans la revue Présence Africaine, dirigée par Alioune Diop, en 1953. Un premier roman Ville cruelle, sous le pseudonyme d'Eza Boto suit en 1954, publié aux éditions Présence Africaine.

Mais c'est en 1956 que la parution du roman Le pauvre Christ de Bomba fait scandale par la description satirique qui est faite du monde missionnaire et colonial. Paraissent ensuite Mission terminée, 1957 (Prix Sainte Beuve 1958) et Le Roi miraculé, 1958. Il travaille alors pour la revue Preuves, pour laquelle il effectue un reportage en Afrique. Il travaille également comme maître auxiliaire au lycée de Rambouillet.

En 1959, il est nommé professeur certifié au lycée Henri Avril à Lamballe. Il passe l'Agrégation de Lettres classiques en 1966 et enseigne au lycée Corneille de Rouen de cette date jusqu'en 1994.

En 1972 il revient avec éclat à l'écriture. Son livre Main basse sur le Cameroun, autopsie d'une décolonisation est interdit à sa parution par un arrêté du ministre de l'Intérieur, Raymond Marcellin, sur la demande, suscitée par Jacques Foccart, du gouvernement camerounais, représenté à Paris par l'ambassadeur Ferdinand Oyono. Il publie en 1974 Perpétue et Remember Ruben. Après une longue procédure judiciaire, Mongo Beti et son éditeur François Maspéro obtiennent en 1976 l'annulation de l'arrêté d'interdiction de Main basse.

En 1978 il lance, avec son épouse Odile Tobner, la revue bimestrielle Peuples Noirs Peuples africains, qu'il fait paraître jusqu'en 1991. Cette revue décrit et dénonce inlassablement les maux apportés à l'Afrique par les régimes néo-coloniaux. Pendant cette période paraissent les romans La ruine presque cocasse d'un polichinelle (1979), Les deux mères de Guillaume Ismaël Dzewatama futur camionneur (1983), La revanche de Guillaume Ismaël Dzewatama (1984), également une Lettre ouverte aux Camerounais ou la deuxième mort de Ruben Um Nyobé (1984) et le Dictionnaire de la négritude (1989, avec Odile Tobner).

En 1991 Mongo Beti retourne au Cameroun, après 32 années d'exil. Il publie en 1993 La France contre l'Afrique, retour au Cameroun. En 1994 il prend sa retraite de professeur. Il ouvre alors à Yaoundé la Librairie des Peuples noirs et organise dans son village d'Akometam des activités agricoles. Il crée des associations de défense des citoyens, donne à la presse privée de nombreux articles de protestation. Il subit en janvier 1996, dans la rue à Yaoundé, une agression policière. Il est interpellé lors d'une manifestation en octobre 1997. Parallèlement il publie plusieurs romans : L'histoire du fou en 1994 puis les deux premiers volumes, Trop de soleil tue l'amour (1999) et Branle-bas en noir et blanc (2000), d'une trilogie restée inachevée. Il est hospitalisé à Yaoundé le 1er octobre 2001 pour une insuffisance hépatique et rénale aiguë qui reste sans soin faute de dialyse. Transporté à l'hôpital de Douala le 6 octobre, il y meurt le 7 octobre 2001.

Œuvres de MONGO BETI


Ville cruelle. Paris : Présence Africaine 16 (1954). Le Pauvre Christ de Bomba. Paris : Laffont, 1956. Mission terminée. Paris : Buchet/Chastel, 1957. Le Roi miraculé. Paris : Buchet/Chastel, 1958. Main basse sur le Cameroun. Rouen : Peuples Noirs, 1972. Perpétue et l'habitude du malheur. Paris : Buchet/Chastel, 1974. La ruine cocasse d'un polichinelle. Rouen: Peuples Noirs, 1979. Remember Ruben. Paris : L'Harmattan, 1982. Les deux mères de Guillaume Ismaël Dzewatama. Paris: Buchet/Chastel, 1983. La revanche de Guillaume Ismaël Dzewatama. Paris: Buchet/Chastel, 1984. Lettre ouverte aux Camerounais. Rouen : Peuples Noirs, 1986. L'histoire du Fou. Paris : Julliard, 1994. Trop de soleil tue l'amour. Paris : Julliard, 1999. Branle-bas en noir et blanc. Paris : Julliard, 2001. Africains, si vous parliez. Paris : Homnispheres, 2005. Posthume

Source: http://www.arts.uwa.edu.au/mongobeti/

lire la suite

____Frantz Fanon (1925-1961) | "Peau noire, masques blancs" Fanon dira plus tard son bouleversement lorsque lui fut révélée l'histoire de l'esclavage et la déshumanisation dans laquelle la France avait tenu ses ancêtres.

  • "Chaque fois qu'un homme a fait triompher la dignité de l'esprit,

chaque fois qu'un homme a dit non à une tentative d'asservissement de son semblable, je me suis senti solidaire de son acte." Frantz Fanon

"Chaque fois qu'un homme a fait triompher la dignité de l'esprit, chaque fois qu'un homme a dit non à une tentative d'asservissement de son semblable, je me suis senti solidaire de son acte." Frantz Fanon - Peau noire, masques blancs

À Fort de France:

Frantz Fanon est né le 20 juillet 1925. Ceux qui l'ont connu jeune décrivent un garçon intrépide, un meneur. Il a dix ans lorsqu'il assiste, avec sa classe, à une cérémonie devant le monument dédié à Victor Schœlcher, le héros célébré pour avoir libéré les esclaves de leurs chaînes ; Fanon dira plus tard son bouleversement lorsque lui fut révélée l'histoire de l'esclavage et la déshumanisation dans laquelle la France avait tenu ses ancêtres.

"Je me suis trompé !"

En 1940, l'Europe est en guerre et la France sous le régime de Vichy. Les Antilles accueillent l'Amiral Robert qui a quitté Brest avec une partie de la flotte de guerre française. A la fierté des Martiniquais succède vite le désenchantement : l'Amiral Robert applique avec rigueur les directives de Pétain (suppression des élections, interdiction des syndicats et des mouvements politiques ...) En 1943, faisant sien le NON gaullien, Fanon rejoint les Forces Françaises Libres. Le fils d'esclave s'engage pour libérer les fils de ceux qui avaient fait enchaîner ses aïeux. À ses amis qui lui disent que cette guerre n'est pas la leur, que les Nègres n'ont rien à y faire, Frantz Fanon répond :

"Chaque fois que la dignité et la liberté de l'homme sont en question, nous sommes concernés, Blancs, Noirs ou Jaunes, et chaque fois qu'elles seront menacées en quelque lieu que ce soit, je m'engagerai sans retour."

Il le fit, mais fut vite déçu. Sur le théâtre de guerre métropolitain, il constate l'indifférence des Français à l'engagement des siens. Il est Nègre et considéré comme tel. Profondément blessé, il s'écrie : "Je me suis trompé !".

Peau noire, Masques blancs.

Fanon survit aux épreuves de la guerre. Démobilisé, il retourne aux Antilles, passe son bac, et revient à Lyon s'inscrire en Faculté de médecine. C'est une période de lectures et de rencontres.

Le sujet de sa thèse, "Essai pour la désaliénation du Noir", reflète ses propres interrogations : « quel peut être pour le Nègre un destin qui ne soit pas celui du Blanc ? Son travail se construit comme un essai anthropologique et psychologique, développant la perspective phénoménologique d'un "exister" du Nègre qui peut être autonome et distinct des valeurs posées comme universelles par les Blancs. La thèse est refusée, pour des raisons autant de fond que de forme. Frantz Fanon change alors de sujet et rédige une thèse insipide sur "un cas de dégénérescence spino-cérébelleuse ou maladie de Friedrich". »

« Il reprend ensuite le texte de sa thèse initiale, change son titre qui devient "Peau noire, masques blancs" et fait publier l'essai aux éditions du Seuil grâce au soutien de Francis Jeanson. C'est un texte dense, lapidaire, fait de courts énoncés dont chacun mériterait un long développement. » En voici la conclusion en forme de profession de foi :

"Moi, l'homme de couleur, je ne veux qu'une chose : Que jamais l'instrument ne domine l'homme. Que cesse l'asservissement de l'homme par l'homme. C'est-à-dire de moi par un autre. Qu'il me soit permis de découvrir et de vouloir l'homme, où qu'il se trouve. ... Mon ultime prière : mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge !"

La souffrance du colonisé en métropole

En 1951, en même temps qu'il termine ses études de médecine, Fanon fait publier dans la revue Esprit un court essai intitulé "le syndrome Nord-Africain". « Il a probablement eu à rédiger des expertises sur des situations qui mettaient au premier plan l'expression somatique du mal-être de l'immigré maghrébin et les problèmes posés par sa sexualité. De cette expérience, il livre le constat d'une relation de soin où le médecin métropolitain reçoit le consultant maghrébin avec un préjugé racial. Il indique que le comportement du Nord-Africain - par son inadaptation au monde dans lequel il vit - provoque souvent de la part du personnel médical une attitude de défiance quant à la réalité de sa maladie, que celui-ci est perçu avec un a priori de "race feignante", qu'il triche sur ses symptômes pour n'en chercher que des bénéfices et que l'attitude préalable des soignants est avant tout de le pousser hors de l'hôpital où il est soupçonné de vouloir trouver refuge pour ne pas travailler. »

En Algérie:

En juin 1953, Fanon est nommé médecin-chef à l'hôpital psychiatrique de Blida. A son arrivée l'hôpital est à l'image de la psychiatrie coloniale avec une séparation radicale des malades mentaux indigènes et des malades mentaux métropolitains. « La conception dominante qui prévalait alors en Algérie était que le malade mental métropolitain était accessible à la guérison, mais que l'indigène était incurable, voué à la maladie, sous le prétexte que ses structures diencéphaliques écrasaient toute possibilité d'une activité corticale développée. En dépit de l'hostilité qu'on imagine, Fanon se lance dans la rénovation institutionnelle de ses services. Sous son impulsion, le pavillon des femmes européennes se métamorphose rapidement. »

« Fanon se hâte ensuite d'apporter ces mêmes orientations dans le pavillon des hommes indigènes. C'est un échec. Analysant cet échec il comprend que les indigènes ne peuvent répondre à une approche socio-thérapique qui se fonderait sur un modèle occidental : si la chorale ne marche pas c'est parce que les chanteurs au Maghreb sont des professionnels itinérants qui n'appartiennent pas au groupe, si l'atelier de vannerie est déserté c'est parce que c'est une activité réservée aux femmes, si l'organisation d'une crèche à Noël n'attire personne, c'est parce que c'est une fête chrétienne et non musulmane. Il organise le pavillon autour du modèle culturel indigène et installe dans le service un café maure, les décorations font référence au patrimoine et à la culture locale et non plus aux paysages et aux monuments de France. »

« Parallèlement, Fanon donne une impulsion à la psychiatrie en milieu ouvert et met en place une unité qui prend en charge en un même lieu les patients d'origine métropolitaine et les patients maghrébins. Il organise la formation des personnels infirmiers ainsi que des rencontres universitaires. » 8 C'est à cette époque qu'il noue des contacts avec le FLN.

L'engagement dans le F.L.N.:

A Blida, Fanon a donc amorcé un vaste mouvement qui vise à repenser la psychopathologie en fonction des repères culturels des Algériens. Mais la vie de l'hôpital est profondément perturbée par le développement de la guerre de libération. Fanon reçoit un nombre important de patients dont la pathologie est directement liée aux hostilités.

"la colonisation, dans son essence, se présente déjà comme une grande pourvoyeuse des hôpitaux psychiatriques ... Il y a donc dans la période de calme de colonisation réussie une régulière et importante pathologie mentale produite directement par l'oppression. Aujourd'hui la guerre de libération nationale que mène le peuple algérien depuis sept ans, ... est devenue un terrain favorable à l'éclosion des troubles mentaux".

Dans ce passage de l'ouvrage Les damnés de la terre, Frantz Fanon ajoute : "Nous signalons que toute une génération d'Algériens, baignés dans l'homicide gratuit et collectif avec les conséquences psychoaffectives que cela entraîne, sera l'héritage de la France en Algérie".

« Fanon va progressivement s'engager totalement avec le FLN. Bien qu'il conserve une importante activité clinique, les événements le poussent à un nouvel engagement pour défendre, comme en 1943, "la liberté et la dignité de l'homme" ».

La rupture:

Précipité par la menace d'une répression, son hôpital étant considéré comme un lieu de refuge des combattants du FLN, Fanon présente sa démission. Le courrier qu'il adresse en 1956 au Ministre Résident est un bilan :

"... Si la psychiatrie est la technique médicale qui se propose de permettre à l'homme de ne plus être étranger à son environnement, je me dois d'affirmer que l'Arabe, aliéné permanent dans son pays, vit dans un état de dépersonnalisation absolue."

"Le statut de l'Algérie ? Une déshumanisation systématisée. ..."

"Les évènements d'Algérie sont la conséquence logique d'une tentative avortée de décérébraliser un peuple."

"Il n'était point exigé d'être psychologue pour deviner sous la bonhomie apparente de l'Algérien, derrière son humilité dépouillée, une exigence fondamentale de dignité. Et rien ne sert à l'occasion de manifestations non simplifiables, de faire appel à un quelconque civisme."

"La fonction d'une structure sociale est de mettre en place des institutions traversées par le souci de l'homme. Une société qui accule ses membres à des solutions de désespoir est une société non viable, une société à remplacer."

L'engagement révolutionnaire:

Fanon quitte Blida pour rejoindre Paris. Peu après, un arrêté d'expulsion est émis à son encontre. Il part pour Tunis où il ménera une double activité, psychiatrique et politique. Il fonde un centre neuro-psychiatrique de jour à l'hôpital de La Manouba où il poursuit son travail de rénovation des pratiques de soin. Parallèlement il est intégré dans le service de presse du FLN et rédige régulièrement des articles pour le journal El Moudjahid. Il voit au-delà du conflit algérien et envisage la question de la décolonisation pour l'ensemble de l'Afrique. À partir de 1959, nommé ambassadeur itinérant du Gouvernement provisoire de la République algérienne, il multiplie les voyages et les conférences.

En décembre 1960, des examens de santé révèlent une leucémie. Il a encore beaucoup à dire mais il sait que le temps lui est désormais compté. Il dicte dans la hâte le livre qu'il avait en projet et qui s'intitulera Les damnés de la terre. Il y inclut un long chapitre sur les troubles mentaux liés aux guerres coloniales qui associent des observations de troubles mentaux chez les victimes de torture de la part des forces coloniales, comme des observations de troubles mentaux chez les personnels des forces de police qui commettent ces actes de barbarie.

Son état de santé s'aggrave ; il part se faire soigner aux Etats-Unis. Lors d'une courte escale à Rome, il rencontre Jean-Paul Sartre qui rédige une préface pour son livre. Il reçoit les premiers exemplaires trois jours avant sa mort. Peu avant il avait écrit dans une longue lettre à un ami : « ... Nous ne sommes rien sur terre si nous ne sommes d'abord les esclaves d'une cause, de la cause des peuples, la cause de la justice et de la liberté. »

Il est enterré en terre algérienne. Aujourd'hui, l'hôpital de Blida porte son nom.

Racisme et culture:

"Le racisme (...) n'est qu'un élément d'un plus vaste ensemble : celui de l'oppression systématisée d'un peuple. Comment se comporte un peuple qui opprime ? Ici des constantes sont retrouvées.

On assiste à la destruction des valeurs culturelles, des modalités d'existence. Le langage, l'habillement, les techniques sont dévalorisées. Comment rendre compte de cette constante ? Les psychologues qui ont tendance à tout expliquer par des mouvements de l'âme, prétendent retrouver ce comportement au niveau de contacts entre particuliers : critique d'un chapeau original, d'une façon de parler, de marcher ...

De pareilles tentatives ignorent volontairement le caractère incomparable de la situation coloniale. En réalité les nations qui entreprennent une guerre coloniale ne se préoccupent pas de confronter les cultures. La guerre est une gigantesque affaire commerciale et toute perspective doit être ramenée à cette donnée. L'asservissement, au sens le plus rigoureux, de la population autochtone est la première nécessité.

Pour cela il faut briser ses systèmes de référence. L'expropriation, le dépouillement, la razzia, le meurtre objectif se doublent d'une mise à sac des schèmes culturels ou du moins conditionnent cette mise à sac. Le panorama social est déstructuré, les valeurs bafouées, écrasées, vidées.

Les lignes de forces, écroulées, n'ordonnent plus. En face un nouvel ensemble, imposé, non pas proposé mais affirmé, pesant de tout son poids de canons et de sabres.

La mise en place du régime colonial n'entraîne pas pour autant la mort de la culture autochtone. Il ressort au contraire de l'observation historique que le but recherché est davantage une agonie continuée qu'une disparition totale de la culture pré-existante. Cette culture, autrefois vivante et ouverte sur l'avenir, se ferme, figée dans le statut colonial, prise dans le carcan de l'oppression. A la fois présente et momifiée, elle atteste contre ses membres. Elle les définit en effet sans appel. La momification culturelle entraîne une momification de la pensée individuelle. L'apathie si universellement signalée des peuples coloniaux n'est que la conséquence logique de cette opération. Le reproche de l'inertie constamment adressé à "l'indigène" est le comble de la mauvaise foi. Comme s'il était possible à un homme d'évoluer autrement que dans le cadre d'une culture qui le reconnaît et qu'il décide d'assumer."

Les principaux ouvrages écrits par Frantz Fanon sont : • Peau noire, masques blancs, éd. Seuil, 1952. • Les damnés de la terre, 1961, rééd. La Découverte 2002. • Pour la révolution africaine, éd. Maspéro, 1964 rééd. 1979. • L'an V de la révolution algérienne, réédité en 1966 sous le titre "Sociologie d'une révolution".

Source: Ligue des droits de l'homme (Section de Toulon)

lire la suite

_____Aimé Cesaire né le 26 juin 1913 "boursier du gouvernement français au Lycée Louis Le Grand" C'est dans ses couloirs qu'il rencontre Léopold Sédar Senghor...

Aimé Césaire est né le 26 juin 1913 au sein d'une famille nombreuse de Basse Pointe, commune du Nord-Est de la Martinique, bordée par l'océan Atlantique dont la «lèche hystérique» viendra plus tard rythmer ses poèmes. Le père est un petit fonctionnaire, la mère est couturière. Aimé Césaire, élève brillant du Lycée Schœlcher de Fort-de-France, poursuit ses études secondaires en tant que boursier du gouvernement français au Lycée Louis Le Grand, à Paris. C'est dans les couloirs de ce grand lycée parisien que, dès son arrivée, le jeune Césaire rencontre Léopold Sédar Senghor, son aîné de quelques années, qui le prend sous son aile protectrice.

Au contact des jeunes Africains étudiants à Paris, Aimé Césaire et son ami guyanais Léon Gontran Damas, qu'il connaît depuis le Lycée Schœlcher, découvrent progressivement une part refoulée de l'identité martiniquaise, la composante africaine dont ils prennent progressivement conscience au fur et à mesure qu'émerge une conscience forte de la situation coloniale. En septembre 1934, Césaire fonde, avec d'autres étudiants antillo-guyanais et africains (Léon Gontran Damas, les sénégalais Léopold Sédar Senghor et Birago Diop), le journal L'Étudiant noir. C'est dans les pages de cette revue qu'apparaîtra pour la première fois le terme de «Négritude». Ce concept, forgé par Aimé Césaire en réaction à l'oppression culturelle du système colonial français, vise à rejeter d'une part le projet français d'assimilation culturelle et d'autre part la dévalorisation de l'Afrique et de sa culture, des références que le jeune auteur et ses camarades mettent à l'honneur. Construit contre le projet colonial français, le projet de la négritude est plus culturel que politique. Il s'agit, au delà d'une vision partisane et raciale du monde, d'un humanisme actif et concret, à destination des tous les opprimés de la planète. Césaire déclare en effet: «Je suis de la race de ceux qu'on opprime».

Admis à l'École Normale Supérieure en 1935, Césaire commence en 1936 la rédaction de son chef d'oeuvre, le Cahier d'un Retour au Pays Natal. Marié en 1937 à une étudiante martiniquaise, Suzanne Roussi, Aimé Césaire, Agrégé de Lettres, rentre en Martinique en 1939, pour enseigner, tout comme son épouse, au Lycée Schœlcher.

En réaction contre le statu quo culturel martiniquais, le couple Césaire, épaulé par René Ménil et Aristide Maugée, fonde en 1941 la revue Tropiques, dont le projet est la réappropriation par les Martiniquais de leur patrimoine culturel. La seconde guerre mondiale se traduit pour la Martinique par un blocus qui coupe l'approvisionnement de l'île par la France. En plus d'un situation économique très difficile, l'envoyé du gouvernement de Vichy, l'Amiral Robert, instaure un régime répressif, dont la censure vise directement la revue Tropiques. Celle-ci paraîtra, avec difficulté, jusqu'en 1943.

La guerre marque aussi le passage en Martinique d'André Breton. Le maître du surréalisme découvre avec stupéfaction la poésie de Césaire et le rencontre en 1941. En 1944, Breton rédigera la préface du recueil Les Armes Miraculeuses, qui marque le ralliement de Césaire au surréalisme.

Invité à Port-au-Prince par le docteur Mabille, attaché culturel de l'ambassade de France, Aimé Césaire passera six mois en Haïti, donnant une série de conférences dont le retentissement sur les milieux intellectuels haïtiens est formidable. Ce séjour haïtien aura une forte empreinte sur l'œuvre d'Aimé Césaire, qui écrira un essai historique sur Toussaint Louverture et consacrera une pièce de théâtre au roi Henri Christophe, héros de l'indépendance.

Alors que son engagement littéraire et culturel constituent le centre de sa vie, Aimé Césaire est happé par la politique dès son retour en Martinique. Pressé par les élites communistes, à la recherche d'une figure incarnant le renouveau politique après les années sombres de l'Amiral Robert, Césaire est élu maire de Fort-de-France, la capitale de la Martinique, en 1945, à 32 ans. L'année suivant, il est élu député de la Martinique à l'Assemblée Nationale.

Le député Césaire sera, en 1946, le rapporteur de la loi faisant des colonies de Guadeloupe, Guyane Française, Martinique et la Réunion, des Départements Français. Ce changement de statut correspond à une demande forte du corps social, souhaitant accéder aux moyens d'une promotion sociale et économique. Conscient du rôle de la départementalisation comme réparation des dégâts de la colonisation, Aimé Césaire est tout aussi conscient du danger d'aliénation culturelle qui menace les martiniquais. La préservation et le développement de la culture martiniquaise seront dès lors ses priorités.

Partageant sa vie entre Fort-de-France et Paris, Césaire fonde, dans la capitale française, la revue Présence Africaine, aux côtés du sénégalais Alioune Diop, et des guadeloupéens Paul Niger et Guy Tirolien. Cette revue deviendra ensuite une maison d'édition qui publiera plus tard, entre autres, les travaux de l'égyptologue Cheikh Anta Diop, et les romans et nouvelles de Joseph Zobel.

En 1950, c'est dans la revue Présence Africaine que sera publié pour la première fois le Discours sur le colonialisme, charge virulente et analyse implacable de l'idéologie colonialiste européenne, que Césaire compare avec audace au nazisme auquel l'Europe vient d'échapper. Les grands penseurs et hommes politiques français sont convoqués dans ce texte par l'auteur qui met à nue les origines du racisme et du colonialisme européen.

Peu enclin au compromis, Aimé Césaire, révolté par la position du Parti Communiste Français face à l'invasion soviétique de la Hongrie en 1956, publie une «Lettre à Maurice Thorez» pour expliquer les raisons de son départ du Parti. En mars 1958, il crée le Parti Progressiste Martiniquais (PPM), qui a pour ambition d'instaurer «un type de communisme martiniquais plus résolu et plus responsable dans la pensée et dans l'action». Le mot d'ordre d'autonomie de la Martinique est situé au cœur du discours du PPM.

Parallèlement à une activité politique continue (il conservera son mandat de député pendant 48 ans, et sera maire de Fort-de-France pendant 56 ans), Aimé Césaire continue son œuvre littéraire et publie plusieurs recueils de poésie, toujours marqués au coin du surréalisme (Soleil Cou Coupé en 1948, Corps perdu en 1950, Ferrements en 1960). À partir de 1956, il s'oriente vers le théâtre. Avec Et les Chiens se taisaient, texte fort, réputé impossible à mettre en scène, il explore les drames de la lutte de décolonisation autour du personnage du Rebelle, esclave qui tue son maître puis tombe victime de la trahison. La Tragédie du Roi Christophe (1963), qui connaît un grand succès dans les capitales européennes, est l'occasion pour lui de revenir à l'expérience haïtienne, en mettant en scène les contradiction et les impasses auxquels sont confrontés les pays décolonisés et leurs dirigeants. Une saison au Congo (1966) met en scène la tragédie de Patrice Lumumba, père de l'indépendance du Congo Belge. Une tempête (1969), inspiré de Shakespeare, explore les catégories de l'identité raciale et les schémas de l'aliénation coloniale. Pensant à l'origine situer l'action de cette adaptation de Shakespeare aux États-Unis, il choisit finalement les Antilles, gardant tout de même le projet de refléter l'expérience noire aux Amériques.

Au total Césaire à publié plus de quatorze œuvres, recueils des poésies, pièces de théâtre et essais. De nombreux colloques et conférences internationales ont été organisés sur son œuvre littéraire qui est universellement connue. Son œuvre a été traduite dans de nombreuses langues: anglais, espagnole, allemand et cetera.

Oeuvres principales: Oeuvres complètes. (1. Poèmes; 2. Théâtre; 3. Oeuvre historique et poétique). Fort-de-France: Desormeaux, 1976. Essais: Discours sur le colonialisme. Paris: Présence Africaine, 1955. Toussaint Louverture; La Révolution française et le problème colonial. Paris: Présence Africaine, 1961/62. Poésie: Cahier d'un retour au pays natal. Paris: Présence Africaine, 1939, 1960. Soleil Cou Coupé. Paris: Éd. K, 1948. Corps perdu. (gravures de Pablo Picasso) Paris: Éditions Fragrance, 1950. Ferrements. Paris: Seuil, 1960, 1991. Cadastre. Paris: Seuil, 1961. Les Armes miraculeuses. Paris: Gallimard, 1970. Moi Laminaire. Paris: Seuil, 1982. La Poésie. Paris: Seuil, 1994. Théâtre: Et les Chiens se taisaient, tragédie: arrangement théâtral. Paris: Présence Africaine, 1958, 1997. La Tragédie du roi Christophe. Paris: Présence Africaine, 1963, 1993. Une Tempête, d'après La tempête de Shakespeare: adaptation pour un théâtre nègre. Paris: Seuil, 1969, 1997. Une Saison au Congo. Paris: Seuil, 1966, 2001. Entretiens: Nègre je suis, nègre je resterai, entretiens avec Françoise Vergès. Paris: Albin Michel, 2005. Enregistrement audio: Aimé Césaire. Paris: Hatier, Les Voix de l'écriture, 1994

lire la suite

___Rosa Louise McCauley Parks (1913-2005) couturière noire qui devint une figure emblématique de la lutte contre la ségrégation raciale aux États-Unis.. mère du mouvement des droits civiques de la part du Congrès américain

Rosa Louise McCauley Parks, (4 février 1913, Tuskegee, Alabama États-Unis - 24 octobre 2005, Detroit, Michigan), était une couturière noire qui devint une figure emblématique de la lutte contre la ségrégation raciale aux États-Unis, ce qui lui valut le surnom de mère du mouvement des droits civiques de la part du Congrès américain.

Parks est devenu célèbre parce que le 1er décembre 1955, à Montgomery (Alabama), elle refusa de céder sa place à un passager blanc dans un bus. Arrêtée par la police, elle se vit infliger une amende de 10 dollars (plus 4 dollars de frais de justice) le 5 décembre; elle fit appel de ce jugement. Un jeune pasteur noir inconnu de 26 ans, Martin Luther King, avec le concours de Ralph Abernathy, lança alors une campagne de protestation et de boycott contre la compagnie de bus qui dura 381 jours. Le 13 novembre 1956, la Cour suprême cassa les lois ségrégationnistes dans les bus, les déclarant anticonstitutionnelles.

Jeunesse et premiers engagements politiques modifier Rosa Parks est née Rosa Louise McCauley à Tuskegee, Alabama, fille aînée d'une famille de deux enfants, de James et Leona McCauley, respectivement charpentier et institutrice. Dans son enfance, elle eut des problèmes de santé, dont une angine chronique. Après le divorce de ses parents, elle a grandi dans une ferme avec sa mère et ses grand-parents méthodistes, sa mère et son frère Sylvester. Très attachée à ce que sa fille reçut une bonne éducation malgré les entraves à la scolarité des Noirs, Sa mère Leona éduqua Rosa à la maison jusqu'à ses onze ans, puis elle fut envoyée à l'Industrial School for Girls, fondée par des familles blanches du Nord pour les enfants Noirs, à Montgomery où habitait sa tante. Ensuite, Rosa commença ses études secondaires à l'Alabama State Teachers College for Negroes mais elle ne put les suivre jusqu'à leur terme, car elle dut s'occuper de sa grand mère puis de sa mère, qui tombèrent malades. Elle se souvient que son grand père montait la garde la nuit devant la ferme contre les actions du Ku Klux Klan. Sa jeunesse lui fait vite subir les affronts du racisme. Le KKK a d'ailleurs brûlé à deux reprises l'école qu'elle fréquentait, la Montgomery Industrial School for Girls. Bien que Rosa Parks ait raconté dans son autobiographie n'avoir pas eu une mauvaise impression des Blancs, elle a raconté des détails du racisme au quotidien (si vif dans le Sud des États-Unis) qui l'ont marquée, telles ces fontaines publiques réservées aux Blancs ou aux Noirs ("Enfant, je pensais que l'eau des fontaines pour les Blancs avait meilleur goût que celle des Noirs").

Les transports en commun étaient un bon exemple de cette ségrégation au quotidien. Il n'y avait certes pas de bus ou de trains différents, mais des sections réservées aux Blancs et aux Noirs. Rosa Parks se souvenait cependant que les transports scolaires étaient interdits aux enfants noirs. Pour aller à l'école de Pine Level, les enfants blancs prenaient le bus alors que les autres y allaient à pied : “Je voyais passer le bus chaque jour. Mais pour moi, c'était comme ça. Nous n'avions d'autre choix que d'accepter ce qui était notre quotidien. Le bus fut un des premiers éléments par lesquels je réalisai qu'il y avait un monde pour les Noirs et un monde pour les Blancs.”

En 1932, elle se marie avec Raymond Parks, un barbier activiste de la cause des droits civiques, membre du NAACP. Il collectait aussi de l'argent pour soutenir un groupe de jeunes Noirs, les "Scottboro Boys", qui étaient faussement accusés de viols sur deux femmes blanches. Il l'encourage à finir ses études secondaires, qu'elle achève malgré les charges familiales en 1934, à une époque où seulement 7% des Noirs obtiennent ce niveau d'étude. En 1940, les époux Parks deviennent membres de la ligue des électeurs (Voters' League).

Rosa a travaillé en tant que couturière de 1930 à 1955, mais elle eut aussi divers autres métiers telles qu'aide soignante. En décembre 1943, Parks devient membre du mouvement pour les droits civiques (American Civil Rights Movement) et travaille en tant que secrétaire à Montgomery pour la section de l'Alabama de l'association pour l'avancement des gens de couleur (National Association for the Advancement of Colored People, NAACP), présidée par Edgar Nixon. Sur son rôle dans l'association, elle déclara: "J'étais la seule femme là-bas, et ils avaient besoin d'une secrétaire, et j'étais trop timide pour dire non". Elle tint cette fonction jusqu'en 1957 lorsqu'elle quitte la ville de Montgomery. Début 1945, elle tint brièvement un emploi à la base aérienne de Maxwell, une zone fédérale où la ségrégation n'était pas en vigueur: "On peut dire que la situation à Maxwell m'a ouvert les yeux". Elle fut aussi femme de ménage pour un couple libéral, Clifford et Virginia Durr, qui sympathisèrent avec elle et l'encouragèrent à suivre une formation sur les droits des travailleurs et l'égalité raciale à la Highlander Folk School, à Monteagle (Tennessee), six mois avant son arrestation.

Comme beaucoup d'autres Noirs, elle fut choquée par le meurtre sauvage de Emmett Till en août 1955. Le 27 novembre suivant (soit quatre jours avant qu'elle ne refuse son siège), elle assista à un grand meeting sur son cas à Montgomery, dont le principal orateur était T.R.M. Howard, un activiste des droits civiques du Mississippi, à la tête du Regional Council of Negro Leadership.

Boycott des bus de Montgomery Rosa Parks devint célèbre lorsque, le 1er décembre 1955 dans la ville de Montgomery, elle refusa d'obéir au conducteur de bus James Blake qui lui demande de laisser sa place à un blanc et d'aller s'asseoir au fond du bus.

Dans les bus de Montgomery, les quatre premiers rangs étaient réservés aux Blancs. Les Noirs, qui représentaient 75% des utilisateurs, étaient préposés à l'arrière du bus. Ils pouvaient néanmoins s'asseoir dans la zone centrale, jusqu'à ce que des Blancs en aient besoin; ils devaient alors soit céder leur place et aller vers le fond, soit quitter le bus. Comble de l'humiliation : si ces places étaient occupées, les Noirs devaient bien acheter leur billet à l'avant, mais devaient ressortir avant de rentrer de nouveau par la porte arrière du bus pour rejoindre l'emplacement qui leur étaient destinés. Mme Parks n'était pas la première personne à violer ce règlement et d'autres personnes l'avaient payé durement, parfois de leur vie.

Elle n'avait semble-t-il pas planifié son geste, mais une fois décidée, elle l'assuma totalement. Elle fut arrêtée, jugée et inculpée de désordre public ainsi que de violation des lois locales. Elle joignit l'avocat Edgar Nixon, membre du chapitre de Montgomery du NAACP. Bien que furieux du traitement réservé à Mme Parks, il vit toutefois de suite l'intérêt symbolique du combat à mener. Il appella un avocat blanc, Clifford Durr, qui accepta de contester la loi sur la ségrégation dont Rosa Parks était la victime.

La nuit suivante, cinquante dirigeants de la communauté afro-américaine, emmenés par un jeune pasteur peu connu à l'époque Dr. Martin Luther King, Jr, se réunirent à l'église baptiste de la "Dexter Avenue" pour discuter des actions à mener à la suite de l'arrestation de Rosa Parks. Ils y fondent le "Montgomery Improvement Association", dont ils élisent King comme président. Il y popularisera les théories de la non-violence et de la désobéissance civile. Le mouvement a trois revendications immédiates:

Que les Blancs et les Noirs puissent s'asseoir où ils veulent dans l'autobus. Que les chauffeurs soient plus courtois à l'égard de toutes les personnes. Que des chauffeurs noirs soient engagés. La veille du procès, 35 000 tracts sont distribués pour inviter les Noirs à ne plus emprunter les bus le lundi 5 décembre. Le mot d'ordre fut repris le lundi par The Montgomery Advertiser, le journal noir local. Le mot d'ordre fut reconduit après une réunion à l'Église. C'est le début du boycott des bus de Montgomery; il se prolongera 381 jours. Des douzaines de bus publics sont restés au dépôt pendant des mois jusqu'à ce que la loi sur la ségrégation dans les bus publics fut levée. La plupart marchèrent à pied; des taxis conduits par des Noirs firent des trajets au tarif du bus (10 cents). Quelques Blancs les rejoinrent, parfois par idéologie, parfois simplement parce qu'ils avaient besoin que leurs employés noirs viennent travailler. Peu à peu, grâce en partie à l'écho international qu'eut le mouvement, des fonds ont commencé à arriver, permettant de mettre en place un service d'autobus parallèle, ou plus modestement l'achat de paires de chaussures. Des actes violents furent perpétrés, y compris le dynamitage des domiciles de Martin Luther King et de l'avocat Edgar Nixon, et de nombreuses vexations furent recensées contre les Noirs. Fidèle à sa stratégie, King demande de ne pas répondre à ces actes. Ce mouvement provoqua beaucoup d'autres protestations contre la ségrégation menée aux États-Unis.

À travers son rôle initiateur du boycott, Rosa Parks aida à la prise de concience des américains dans la lutte pour les droits civiques. King écrit dans son livre paru en 1958, Stride Toward Freedom, "L'arrestation de Mme Parks fût l'élément déclencheur plutôt que la cause des protestations. ... ."

Finalement, le 13 novembre 1956, la Cour suprême des États-Unis statua par l'arrêt Browdler v. Gayle que la ségrégation dans les bus était inconstitutionnelle. La nouvelle ne parvint à Montgomery que le 20 novembre. Le boycott cessa le lendemain.

Toutefois, la violence continua avec des tirs contre les bus et le domicile de Luther King et des explosions visant les Églises fréquentées par les Noirs. Et si la ségrégation avait été abolie dans les bus de l'état, ce n'était pas encore le cas pour les liaisons inter-étatiques. Un groupe de jeunes fonda le "Freedom Ride", mais après quelques jours, un de ces bus est stoppé par le KKK; ses occupants sont battus et le car brûlé. Ce n'est qu'en 1964 que les lois ségrégationnistes Jim Crow sont abrogées par le "Civil Rights Act" qui interdit toute forme de ségrégation dans les lieux publics, puis en 1965 par le "Voting Rights Act" qui supprime les tests et les taxes pour devenir électeur.

D'autres incidents modifier Avant le geste de Rosa Parks, d'autres personnes avaient déjà été poursuivies pour des faits similaires, comme Claudette Colvin le 2 mars de la même année 1955. Cette jeune fille de 15 ans faillit avoir le même soutien, mais apprenant qu'elle était enceinte, ses soutiens ne donnèrent pas suite. Au contraire, Mme Parks était une des femmes les plus distinguées de la ville, dont l'éducation ne souffrait aucune remarque, et donc un meilleur étendard pour la cause noire.

De même, une autre femme, Mary Louise Smith, n'avait pas été défendue, la rumeur voulant que son père fut alcoolique.

Rosa Parks elle-même avait déjà été éconduite d'un bus en 1943. Ironie du sort, c'était déjà par le même chauffeur que le 1er décembre 1955, James Blake.

Le procès d'Irene Morgan en 1946 après avoir été arrêtée en 1944 fut couronné de succès, mais ne fit pas jurisprudence dans les faits.

Son travail pour les droits civiques modifier Par la suite, Rosa Parks devient une icône pour le mouvement des droits civiques. Ne trouvant pas de travail à Montgomery et sous la pression de ses proches inquiets pour sa sécurité, mais aussi en raison de quelques désaccords avec les leaders Noirs de la ville, elle se rendit en 1957 dans le Nord, à Hampton en Virginie puis à Detroit dans le Michigan.

Elle y travailla en tant que couturière, jusqu'à ce qu'elle se joigne à l'équipe du représentant démocrate du Michigan, l'Afro-américain John Conyers à la Chambre des Représentants des États-Unis pour lequel elle travailla de 1965, jusqu'à sa retraite le 30 septembre 1988.

Ce combat contre les discriminations déboucha en 1964 avec le Civil Rights Act, loi qui interdit toute forme de discrimination dans les lieux publics et en 1965 avec le Voting Rights Act qui supprima les tests et autres taxes pour devenir électeur aux États-Unis.

Le Rosa and Raymond Parks Institute for Self Development est fondé en février 1987 conjointement par Rosa Parks et Elaine Eason Steele en honneur du mari de Rosa, Raymond Parks (décédé en 1977). L'institut organise des visites en bus pour les jeunes générations en leur montrant les sites importants du mouvement pour les droits civiques. Lors d'une visite en 1997, le bus tombe dans une rivière et tue Adisa Foluke, celui que tout le monde considérait comme son petit fils adoptif et en blesse beaucoup d'autres.

En octobre 1995, elle avait participé à la "Million Man March", qui a rassemblé plus d'un million de Noirs à Washington.

Ses dernières années furent difficiles. Elle fut notamment hospitalisée après le hold-up le 30 août 1994 d'un jeune de 28 ans, Joseph Skipper, qui lui vola 53 dollars. Il fut condamné le 8 août 1995 à 15 ans de prison; Rosa Parks lui pardonna partiellement, puisqu'elle souhaita qu'il puisse se racheter et non aller en prison. Elle eut à la fin de ses jours des difficultés à payer son loyer et dû faire appel à l'aide de son Église, pour que son propriétaire arrête les poursuites judiciaires.

Décès et funérailles modifier Rosa Parks résida à Detroit jusqu'à sa mort le 24 octobre 2005. Depuis 2004, elle souffrait de démence dégénérative.

Après son décès, la classe politique dans son ensemble lui a rendu hommage. Le président George W. Bush a honoré sa mémoire dans une allocution télévisée et sa dépouille est restée exposée deux jours dans la rotonde du Capitole pour un hommage public. Privilège réservé d'habitude aux hommes politiques et aux soldats, Rosa Parks est la 31e personne après l'ancien président Ronald Reagan en juin 2004 et la première femme à recevoir cet honneur. Elle est également la deuxième personnalité noire (la première fût Jacob J. Chestnut) et la seconde personne ne faisant pas partie du gouvernement (la première était le français Pierre L'Enfant en 1909) à recevoir un tel hommage de la part du gouvernement fédéral.

Des milliers de personnes ont assisté à ses funérailles en l'église Greater Grace Temple à Détroit le 2 novembre. Une estimation fait état de 60 000 américains à lui avoir rendu hommage dans les premiers jours qui suivirent son inhumation dans son État natal de l'Alabama, et à Washington. De nombreuses personnalités y ont assisté, l'ancien président Bill Clinton, la sénatrice de New York Hillary Clinton, le pasteur noir Jesse Jackson, des élus noirs du Congrès, des dirigeants du mouvement des droits civiques et d'autres dignitaires. La chanteuse Aretha Franklin a également chanté pour l'occasion. Le président américain avait également décrété que tous les drapeaux soient mis en berne le jour de son enterrement. Le corbillard lui-même fut suivi d'un bus des années 50 recouvert d'un linceul noir.

De son décès à ses obsèques, le bus dans lequel s'est déroulé l'arrestation de Rosa Parks a été drapé d'un linceul rouge et noir jusqu'aux obsèques officielles. Enfin, les premières places des bus de Montgomery sont restées vacantes jusqu'au jour de son enterrement. Elles furent recouvertes d'une photo de Rosa Parks entourée d'un ruban noir portant l'inscription suivante : "La société de bus RTA rend hommage à la femme qui s'est tenue debout en restant assise."

Source: www.wikipedia.org

lire la suite

† _____Hailé Sélassié Ier sous le nom de Täfäri Mäkonnen signifie littéralement « celui qui est craint » (1892-1975) |dernier empereur d'Éthiopie de 1930 à 1936 et de 1941 à 1974. Renversé le 12 septembre 1974, conséquence d'un coup d'État militaire

  • L'empereur est renversé le 12 septembre 1974, conséquence d'un coup d'État militaire mené par un groupe de 120 militaires, réunis au sein du Derg, parmi lesquels Aman Mikael Andom (premier chef de l'État après la chute de Selassie), Tafari Benti (son successeur, éliminé en 1977) et Mengistu Hailé Maryam (qui devient en 1977 l'homme fort de l'Éthiopie).

Les médias relayèrent la nouvelle de sa mort en prison le 27 août 1975, suite à une opération de la prostate, mais une mort par strangulation ou par étouffement est bien plus vraisemblable.

Sa dépouille fut dissimulée dans les soubassements du palais impérial, où elle fut découverte en 1992 après la chute du dictateur Mengistu qui fut défait en 1991. Pendant dix ans, le corps de l'empereur demeura déposé auprès de celui de son grand-oncle Ménélik dans l'église de Bhata. Il reçut finalement des funérailles populaires le 5 novembre 2000 en la Cathédrale de la Sainte-Trinité d'Addis Abeba.

  • Hailé Sélassié est né dans un petit village de la province du Harar, Ejersa Goro en Éthiopie, sous le nom de Täfäri Mäkonnen (ge'ez: . Täfäri signifie littéralement « celui qui est craint » et Mäkwännen, simplifié en Mäkonnen, est le prénom de son père qui signifie « grand, noble ». Il garda ce nom jusqu'au 3 avril 1930, date de son accession au trône d'Éthiopie comme Roi des Rois.

Source: www.wikipedia.org

De l'enfance au règne

Hailé Sélassié est né dans un petit village de la province du Harar, Ejersa Goro en Éthiopie, sous le nom de Täfäri Mäkonnen (ge'ez: . Täfäri signifie littéralement « celui qui est craint » et Mäkwännen, simplifié en Mäkonnen, est le prénom de son père qui signifie « grand, noble ». Il garda ce nom jusqu'au 3 avril 1930, date de son accession au trône d'Éthiopie comme Roi des Rois.

Son père est Ras Makonnen, gouverneur de Harar et sa mère est Woyzero (wäyzäro, madame) Yäshimabät Ali. Il n'a pas connu sa mère, morte du choléra le 14 mars 1894. Son père, grand artisan de la victoire d'Adwa contre les Italiens (1er mars 1896), mourut le 21 mars 1906, laissant Tafari aux bons soins de l'empereur Ménélik II (Dägmawi Ménilek ).

En juillet 1911, il épousa woyzäro Menen Asfaw, fille de Jantirar Asfaw d'Ambassel et petite-fille maternelle du roi Mikaél du Wollo (Wällo). L'empereur Hailé Sélassié et l'impératrice Menen eurent six enfants : la princesse Tenagnework, le prince couronné Asfaw Wossen, la princesse Tsehay, la princesse Zenebeworq, le prince Makonnen, duc de Harrar, et le prince Sahle Sélassié. Hailé Sélassié avait également une fille d'un premier mariage, la princesse Romaneworq.

L'accession au pouvoir

Le 27 septembre 1916, une assemblée de nobles avec l'accord de l'Église orthodoxe d’Éthiopie déposa l'empereur Lij Yassou (Yassou V), petit-fils et héritier de l'empereur Ménélik II, pour suspicion de conversion à l'islam. La fille de Ménélik, Zaoditou (Zäwditu) fut alors proclamée impératrice d'Éthiopie et son cousin le Ras (duc) Tafari, Prince héritier (alga-wärash) et Régent de la couronne (endärassié). En tant que Ras Tafari (celui qui est redouté en amharique), il exerça la réalité du pouvoir sous le règne de sa cousine l'impératrice Zaoditou puis comme roi (négus) de 1928 (7 octobre) jusqu'en 1930. À la mort de Zaoditou le 2 avril 1930, il prit le titre d'empereur. Il fut couronné le 2 novembre 1930 sous le nom de « Hailé Sélassié Ier (pouvoir de la Trinité), Roi des Rois d'Éthiopie, Seigneur des Seigneurs, Lion conquérant de la tribu de Juda, Lumière du Monde, élu de Dieu » : Gärmawi Qädamawi Haylä Sellassé, negusä nägäst zä'Ityopya, moa anbessa zä'emnägädä yehuda, berhanä aläm, seyumä Egziabhér (en amharique).

Hailé Sélassié développa la politique de modernisation progressive lancée par l'empereur Ménélik II, permettant ainsi l'admission de l'Éthiopie dans la Société des Nations en 1923 et décrétant la première constitution du pays en 1931. Il supprima également une pratique très ancienne, l'esclavage, dans l'Empire par des décrets pris en 1918 et 19231.

La Seconde guerre italo-éthiopienne et le retour d'exil modifier L'échec de la SDN pour stopper la seconde guerre entre l'Italie et l'Éthiopie avec l'invasion italienne de 1935 le força à cinq ans d'exil, pendant lesquels il vécut à Bath en Angleterre (5 mai 1936-5 mai 1941). Grâce à une reconquête rapide du pays avec l'aide des Britanniques et des Français (emmenés par le commandant Monnier), Hailé Sélassié recouvra une totale souveraineté sur l'Empire et reprit sa politique de modernisation et de développement.

Un meneur africain



Haïlé Sélassié Ier, le 1er octobre 1963 à Washington. Hailé Sélassié Ier à son bureau du palais d'Addis-Abeba.Entretenant une bonne entente avec le président américain Franklin Roosevelt et également avec les autres Alliés, l'Empereur obtient l'entrée de l'Éthiopie dans l'ONU dès sa fondation. Adoptant une position de non-aligné pendant la période de Guerre froide, par sa participation à la conférence de Bandung, Sélassié œuvra également à l'indépendance du continent africain et à son unification. L'Organisation de l'unité africaine (OUA) fut fondée en 1963 à son instigation et établit son siège à Addis Abeba.

Modernisation et crise

À la suite d'une tentative de coup d'État en décembre 1960, à laquelle fut mêlée le prince héritier Asfaw Wossen, il poursuivit une politique plus conservatrice, alignant l'Éthiopie avec l'Occident contre les gouvernements africains plus radicaux, tout en initiant quelques réformes timides. Il remplace le Premier ministre ras Abebe Aregai, abattu lors du putsch, par Aklilu Habte-Wold, qui restera à cette fonction jusqu'en 1974, cumulant à partir de 1964 le portefeuille de l'Intérieur. Progressivement, Sélassié se consacrera à la scène internationale pour laisser son Premier ministre s'occuper des affaires intérieures.

Il envoya des troupes participer à l'Opération des Nations unies au Congo lors de la crise congolaise de 1960.

L'année suivante, le refus de Sélassié d'accorder l'autonomie à l'Érythrée, comme prévu par la résolution 390 de l'ONU de 1950, conduit à la guerre de sécession de l'Érythrée, qui aboutit à la proclamation d'un nouvel État, entre l'Éthiopie et le Soudan, en 1993.

Il présida en 1963 l'Organisation de l'unité africaine, dont le siège fut établi à Addis-Abeba. Avec le président malien Modibo Keïta, il parvient à convaincre le Maroc et l'Algérie de conclure les accords de Bamako (1964), mettant fin à la guerre des sables. Suite à des conflits avec la Somalie à propos de l'Ogaden, territoire éthiopien peuplé majoritairement de Somalis, le Négus signa un traité de défense mutuelle en 1964 avec le Premier ministre kényan Jomo Kenyatta.

La chute de l'empereur

Article détaillé : Révolution éthiopienne. L'aggravation de la situation économique et sociale du pays suite au choc pétrolier de 1973, des mécontentements croissants parmi les étudiants et une partie des élites entraînent la démission du Premier ministre en février 1974, remplacé par le ras Endalkachew Makonnen. Loin de rétablir l'ordre, cette première en Éthiopie encouragea les revendications protestataires: grèves ouvrières et manifestations étudiantes réclamaient des réformes sur la propriété des terres, des enquêtes sur la corruption aux plus hauts niveaux du gouvernement ainsi que des réformes politiques. En avril 1973, pressé par les manifestations étudiantes, l'empereur lève la censure sur l'état de famine au Wello, après s'être opposé à la publication d'un rapport critique de la FAO. C'est le début de la révolution éthiopienne, avec la première grève générale de l'histoire éthiopienne en mars 1974.

  • L'empereur est renversé le 12 septembre 1974, conséquence d'un coup d'État militaire mené par un groupe de 120 militaires, réunis au sein du Derg, parmi lesquels Aman Mikael Andom (premier chef de l'État après la chute de Selassie), Tafari Benti (son successeur, éliminé en 1977) et Mengistu Hailé Maryam (qui devient en 1977 l'homme fort de l'Éthiopie).

Les médias relayèrent la nouvelle de sa mort en prison le 27 août 1975, suite à une opération de la prostate, mais une mort par strangulation ou par étouffement est bien plus vraisemblable.

Sa dépouille fut dissimulée dans les soubassements du palais impérial, où elle fut découverte en 1992 après la chute du dictateur Mengistu qui fut défait en 1991. Pendant dix ans, le corps de l'empereur demeura déposé auprès de celui de son grand-oncle Ménélik dans l'église de Bhata. Il reçut finalement des funérailles populaires le 5 novembre 2000 en la Cathédrale de la Sainte-Trinité d'Addis Abeba.

lire la suite

_____Léopold Sédar Senghor (1906-2001) poète, écrivain et homme politique sénégalais naturalisé français. premier président du Sénégal (1960-1980) premier africain à siéger à l'Académie française et le premier africain titulaire de l'agrégation.

Léopold Sédar Senghor (Joal, Sénégal, 9 octobre 1906 - Verson, France, 20 décembre 2001) était un poète, écrivain et homme politique sénégalais naturalisé français. Il a été le premier président du Sénégal (1960-1980). Senghor fut aussi le premier africain à siéger à l'Académie française et le premier africain titulaire de l'agrégation.

1906 - 1928 : l'enfance sénégalaise

Léopold Sédar Senghor naquit le 9 octobre 1906 à Joal, petite ville côtière située au sud de Dakar, Sénégal. Son père, Basile Diogoye Senghor, était un commerçant appartenant à la bourgeoisie sérère, une ethnie minoritaire au Sénégal. Sa mère, Gnilane Ndiémé Bakhou (-1948), que Senghor appelle dans Élégies "Nyilane la douce", est une musulmane d'origine peule, appartenant à l'ethnie tabor et troisième épouse de Basile Senghor. Elle eut six enfants, dont deux garçons. Senghor a hérité des sérères le fait d'avoir, outre un prénom, deux noms : son nom de famille, Senghor et son nom sérère, Sedar signifiant "qu'on ne peut humilier". Senghor commença ses études au Sénégal chez les Pères du Saint-Esprit Ngasobil puis à Dakar au collège-séminaire et à l'école laïque. Il est déjà passionné de littérature française. Une fois son baccalauréat en poche, il obtint une bourse pour poursuivre ses études supérieures en France.

1928 - 1944 : l'errance

Senghor arrive en France en 1928. Cela marquera le début de « seize années d'errance », selon ses dires. Il sera tout d'abord étudiant à la Sorbonne mais très vite découragé, il poursuivra en hypokhâgne et khâgne à Louis-le-Grand où il prépare le concours d'entrée à l'école normale supérieure (ENS). Il y cotoie Paul Guth, Henri Queffelec, Robert Verdier et Georges Pompidou avec qui il se liera d'amitié. Après un échec au concours d'entrée, il décide de préparer l'agrégation de grammaire. Pour l'agrégation, il fait une demande de naturalisation. Il obtient l'agrégation de grammaire en 1935, après une première tentative non couronnée de succès.

Il débute sa carrière d'enseignant au lycée René-Descartes à Tours puis à Saint-Maur-les-Fossés, dans la région parisienne. Outre ses activités d'enseignant, il suit des cours de linguistique négro-africaine dispensés par Lilias Homburger à l'École pratique des hautes études et ceux de Marcel Cohen, Marcel Mauss et de Paul Rivet à l'Institut d'ethnologie de Paris.

En 1939, Senghor est enrôlé comme officier de l'armée française dans la 59e division d'infanterie coloniale. Un an plus tard, il est arrêté et fait prisonnier par les Allemands à la Charité-sur-Loire. Il est interné dans divers camps puis au Front Stalag 230 de Poitiers, un camp de prisonniers réservé aux troupes coloniales. Les Allemands voulaient le fusiller le jour même de son incarcération ainsi que les autres soldats noirs présents. Ils échapperont à ce massacre en s'écriant « Vive la France, vive l'Afrique noire ». Les Allemands baissent leurs armes car un officier français leur fait comprendre qu'un massacre purement raciste nuirait à l'honneur de la race aryenne et de l'armée allemande. Au total, Senghor passera deux ans dans les camps de prisonniers, temps qu'il consacrera à la rédaction de poèmes. En 1942, il est libéré, pour cause de maladie. Il reprend ses activités d'enseignant et participe à la résistance dans le cadre du Front national universitaire.

1945 : l'homme politique

Dans la France coloniale

Au lendemain de la guerre, il reprend la chaire de linguistique à l'École nationale de la France d'outre-mer qu'il occupera jusqu'à l'indépendance du Sénégal en 1960. Au cours d'un de ses voyages de recherche sur la poésie Sérère au Sénégal, le chef de file local des socialistes, Lamine Gueye lui propose d'être candidat à la députation. Senghor accepte et est élu député de la circonscription Sénégal-Mauritanie à l'Assemblée nationale française où les colonies viennent d'obtenir le droit d'être représentée. Il se démarqua de Lamine Guèye au sujet de la grève des cheminots de la ligne Dakar-Niger. Ce dernier vote contre car le mouvement social paralysait la colonie alors que Senghor soutient le mouvement, ce qui lui valut une grande popularité. En 1946, Senghor se marie avec la fille du gouverneur général de I'AEF avec qui il eut deux fils, Françis (1947-) et Guy (1948-1983).

Fort de son succès, il quitte l'année suivante la section africaine de la section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) qui avait soutenu financièrement en grande partie le mouvement social, et fonde avec Mamadou Dia le Bloc démocratique sénégalais (1948), qui remporta les élections législatives de 1951. Lamine Guèye perd son siège.

Réélu député en 1951 comme indépendant d'Outre-mer, il est secrétaire d'État à la présidence du Conseil dans le gouvernement Edgar Faure du 1er mars 1955 au 1er février 1956, devient maire de Thiès au Sénégal en novembre 1956 puis ministre conseiller du gouvernement Michel Debré, du 23 juillet 1959 au 19 mai 1961. Il fut aussi membre de la commission chargée d'élaborer la constitution de la Cinquième République, conseiller général du Sénégal, membre du Grand Conseil de l'Afrique Occidentale Française et membre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Entre temps, il divorça de sa première femme et se remaria en 1957 avec Colette Hubert, une française originaire de Normandie avec qui il eut un fils, Philippe Maguilen (-1981). Il fait paraître en 1964 le premier volume d'une série de cinq volumes intitulée Liberté. Ce sont des recueils de discours, allocutions, essais et préfaces.

Au Sénégal

Senghor est un fervent défenseur du fédéralisme pour les Etats africains nouvellement indépendant, une sorte de "Commonwealth à la française". Le fédéralisme n'obtenant pas la faveur des pays africains, il décide de former, avec Modibo Keïta, la fédération du Mali avec l'ancien Soudan français (l'actuel Mali). Senghor assure la présidence de l'assemblée fédérale jusqu'à ce que la fédéation éclate en août 1960. Par la suite, Senghor devient le premier président de la République du Sénégal, élu le 5 septembre 1960. Il est l'auteur de l'hymne national sénégalais, le Lion rouge. Le Premier ministre, Mamadou Dia est chargé de la mise en place du plan de développement à long terme du Sénégal tandis que Sengor est en charge des relations internationales. Les deux hommes entrent rapidement en conflit. En décembre 1962, Mamadou Dia est arrêté et suspecté d'avoir tenté un coup d'état. Il restera douze ans en prison. A la suite de cet événement, Senghor instaure un régime présidentiel. Le 22 mars 1967 Senghor échappe à une tentative d'attentat. Le coupable sera condamné à mort.

Il démissione de la présidence, avant le terme de son cinquième mandat, en décembre 1980. Abdou Diouf le remplacera à la tête du pouvoir. Sous sa présidence, le Sénégal a instauré le multipartisme (limité à trois composantes : socialiste, communiste et libérale), ainsi qu'un système éducatif performant. Senghor est souvent reconnu pour être un démocrate. Néanmoins, il réprima violemment plusieurs mouvements estudiantins.

Francophonie

Il soutint la création de la Francophonie et fut le vice-président du Haut-Conseil de la Francophonie.

En 1982, il a été l'un des fondateurs de l'Association France et Pays en Voie de développement dont les objectifs étaient de susciter une conscientisation des problèmes de développement des pays du Sud, dans le cadre d'une refonte des données civilisatrices.

1983 : l'académicien

Il est élu à l'Académie française le 2 juin 1983, au 16e fauteuil, où il succède au duc de Lévis-Mirepoix. Il est le premier africain à siéger à l'Académie française.

2001 : ses obsèques

En 1993, paraît le dernier volume des Liberté: Liberté 5: le dialogue des cultures.

Il a passé les dernières années de son existence auprès de son épouse, à Verson, en Normandie où il est décédé le 20 décembre 2001. Ses obsèques ont eu lieu le 29 décembre 2001 à Dakar en présence de Raymond Forni président de l'Assemblée nationale et de Charles Josselin, secrétaire d'État auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé de la Francophonie. Jacques Chirac et Lionel Jospin, respectivement président de la République française et premier Ministre de l'époque ne s'y sont pas rendus. Ce manque de reconnaissance a suscité une vive polémique. Le parallèle a été fait avec les Tirailleurs sénégalais qui, après avoir contribué à la libération de la France, ont dû attendre plus de 40 ans pour avoir le droit de percevoir une pension équivalente (en terme de pouvoir d'achat) à celle de leurs homologues français. L'académicien Erik Orsenna écrivit dans Le Monde un point de vue intitulé: "J'ai honte". Dans les milieux littéraires et poétiques, l'absence des deux premiers responsables politiques français à ces obsèques a été encore plus sévèrement jugée. On a pu lire : s'évitant de voir leur vision étriquée du monde confrontée à l'ampleur de la puissance intellectuelle du poète africain, d'un point de vue purement ontologique, leur absence même est un hommage suprême rendu au chantre de la francophonie.

Le fauteuil numéro 16 de l'Académie française laissé vacant par la mort du poète sénégalais, ce sera un autre ancien président, Valérie Giscard d'Estaing qui le remplacera. Comme le veut la tradition, il rendra hommage à son prédécesseur lors d'un discours de réception donné le 16 décembre 2004. Confronté au puzzle senghorien, il décidera de présenter les différentes facettes de Senghor « De l'élève appliqué, puis de l'étudiant déraciné ; du poète de la contestation anti-coloniale et anti-esclavagiste, puis du chantre de la négritude ; et enfin du poète apaisé par la francisation d'une partie de sa culture, à la recherche lointaine, et sans doute ambiguë, d'un métissage culturel mondial ».

Senghor a reçu de nombreuses décorations au cours de sa vie. Il est notamment grand-croix de la légion d'honneur, grand-croix de l'ordre national du Mérite, commandeur des Arts et des Lettres. Il a aussi reçu les palmes académiques et la grand-croix de l'ordre du Lion du Sénégal. Ses faits d'armes lui vaudront la médaille de la Reconnaissance franco-alliée 1939-1945 et la Croix de combattant 1939-1945. Il est docteur honoris causa de trente-sept universités.

L'Université internationale de langue française d'Alexandrie inaugurée en 1990 porte son nom.

Poésie

Sa poésie essentiellement symboliste, fondée sur le chant de la parole incantatoire, est construite sur l'espoir de créer une Civilisation de l'Universel, fédérant les traditions par delà leurs différences. Senghor a estimé que le langage symbolique de la poésie pouvait constituer les bases de ce projet. En 1978, Senghor reçut le prix mondial Cino Del Duca.

Le poème A l'appel de la race de Saba paru en 1936 est inspiré de l'entrée des troupes italiennes à AbbisAbeba.

Négritude

Alors qu'il était étudiant, il créa en compagnie du martiniquais Aimé Césaire et du guyanais Léon Gontran Damas la revue contestataire L'Etudiant noir en 1934. C'est dans ces pages qu'il exprimera pour la première fois sa conception de la négritude, notion introduite par Aimé Césaire, dans un texte intitulé « Négrerie ». Césaire la définit ainsi : " La Négritude est la simple reconnaissance du fait d'être noir, et l'acceptation de ce fait, de notre destin de Noir, de notre histoire et de notre culture. "

Politique

Bien que socialiste, Senghor se tint à l'écart des idéologies marxiste et anti-occidentale devenues populaires dans l'Afrique post-coloniale, favorisant le maintien de liens étroits avec la France et le monde occidental. Beaucoup y voient une contribution décisive dans la stabilité politique du pays - qui demeure une des rares nations africaines à n'avoir jamais eu de coup d'Etat et avoir eu des transferts toujours pacifiques du pouvoir.

Œuvres

Poèmes

Chants d'ombre, poèmes (Le Seuil) 1945

Hosties noires, poèmes (Le Seuil) 1948

Ethiopiques (Le Seuil) 1956

Nocturnes, poèmes (Le Seuil) 1961

Lettres d'hivernage, poèmes (Le Seuil) 1973

Élégies majeures, poèmes (Le Seuil) 1979

Essais

Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française, précédée de Orphée noir par JP.Sartre 1948 (PUF)

Liberté 1 : Négritude et Humanisme, discours, conférences (Le Seuil) 1964

Liberté 2 : Nation et Voie africaine du Socialisme, discours, conférences (Le Seuil) 1971

Liberté 3 : Négritude et Civilisation de l'Universel, discours, conférences (Le Seuil) 1977

Liberté 4 : Socialisme et Planification, discours, conférences (Le Seuil) 1983

Liberté 5 : Le dialogue des cultures (Le Seuil) 1992

La Poésie de l'action, dialogue (Stock) 1980

Ce que je crois : Négritude, francité, et civilisation de l'universel (Grasset) 1988

Source: www.wikipedia.org

lire la suite

† _____Nelson Rolihlahla Mandela, ancien président de l'Afrique du Sud et fut l'un des dirigeants de la lutte contre l'apartheid.

Nelson Rolihlahla Mandela, né le 18 juillet 1918 à Mvezo dans l'ancien Bantoustan du Transkei à l'est de la province du Cap (actuel Cap-Oriental), est un ancien président de l'Afrique du Sud et fut l'un des dirigeants de la lutte contre l'apartheid. En 1993, il reçoit avec le président sud-africain de l'époque, Frederik Willem de Klerk, le Prix Nobel de la Paix pour leurs actions en faveur de la fin du régime de l'apartheid et l'établissement de la démocratie dans le pays.Suite à ce combat et à celui qu'il mène actuellement contre le Sida, c'est une personnalité écoutée, particulièrement en Afrique

Biographie:

Famille et études:

Fils d'une famille royale Thembu Xhosa, Rolihlahla Mandela est né le 18 juillet 1918 dans le village de Qunu, au bord de la rivière Mbashe au Transkei (Cap-Oriental). Son père était Hendry Mphakanyiswa Gadla, chef de tribu Xhosa de Tembu. À l'âge de sept ans, Rolihlahla Mandela devint le premier membre de la famille à suivre une scolarité. C'est un professeur méthodiste qui lui donne le prénom occidental de Nelson. Son père meurt alors qu'il n'a que 9 ans. Nelson Mandela est alors envoyé à la mission de Wesleyan. Selon la coutume Xhosa, il est initié à l'âge de 16 ans et poursuit ses études avec succès à la Clarkebury Boarding Institute. Il obtient son certificat scolaire en deux ans (au lieu de trois habituellement).

En 1934, Mandela s'inscrit au Collège Wesleyan de Fort Beaufort. Diplômé, il rejoint l'université de Fort Hare où il fait la connaissance d'Oliver Tambo, qui devient son ami et collègue. À la fin de sa première année, membre du conseil représentatif des étudiants, il est impliqué dans le boycott du règlement universitaire. Il est alors "viré" de l'université. Suite à un mariage arrangé non souhaité, il s'enfuit à Johannesburg où il passe sa licence par correspondance à l'Université d'Afrique du Sud (UNISA) puis débute des études de droit à l'université du Witwatersrand.

Activité politique:

C'est en 1942 que Nelson Mandela rejoignit le Congrès national africain (ANC), membre de l'Internationale Socialiste, afin de lutter contre la domination politique de la minorité blanche. En 1944, avec Walter Sisulu et Oliver Tambo, il fonde la plus dynamique ligue de jeunesse de l'ANC. Aux élections générales de 1948, la victoire du Parti national Afrikaner entraîne la mise en place de sa nouvelle politique qui fut appelée apartheid. En 1952, Mandela, par ailleurs avocat, monte la campagne de défiance contre le gouvernement de Daniel Malan. En 1955, alors que le Parti National semble appelé à durer au gouvernement, Mandela participe à la rédaction de la charte de la liberté dont le programme fondamental est la lutte contre la ségrégation raciale et l'apartheid. À cette époque, Mandela et Tambo se sont associés au sein de leur propre cabinet et prodiguent des conseils juridiques gratuits aux noirs les plus pauvres. Le 5 décembre 1956, Mandela et 150 autres personnes sont arrêtés et accusés de trahison. Ils sont au bout du compte tous acquittés, grâce aux plaidoiries des avocats et au légalisme pointilleux des tribunaux sud-africains.

Après le massacre de Sharpeville en 1960, les appels à la lutte armée sont plus pressants d'autant plus que l'ANC et le Congrès panafricain sont interdits, ses leaders emprisonnés ou assignés à résidence.

Le prisonnier politique (1962-1990):

Il fut emprisonné en 1962 puis en 1963, et condamné à la détention à perpétuité en 1965 en raison de ses activités politiques clandestines. Le plus célèbre et l'un des plus anciens prisonniers politiques, il fut finalement libéré le 11 février 1990 par de Klerk qui, pour des raisons politiques, mit fin à la clandestinité de l'ANC, et le sollicita pour maintenir la paix civile en Afrique du Sud. Les deux hommes ont travaillé ensemble pour instaurer la fin de l'apartheid et un régime de transition.

Combat pour la paix et la non-violence:

Il se vit décerner le Prix Nobel de la paix avec le président Frederik de Klerk en 1993. En 1979, il avait reçu le Prix Nehru pour la Paix et en 1989, le Prix Kadhafi des droits de l'Homme.

Président d'Afrique du Sud (mai 1994 - juin 1999):

À la suite des premières élections multiraciales du 27 avril 1994, remportées largement par l'ANC, Nelson Mandela est élu Président de la république d'Afrique du Sud et prête serment à Pretoria le 10 mai 1994 devant tout le gotha politique international, d'Al Gore à Fidel Castro.

Il préside au premier gouvernement multiracial du pays, en l'occurrence un gouvernement d'union nationale entre l'ANC, le Parti National et le parti zoulou Inkhata. Ses deux vices-présidents sont alors Thabo Mbeki et Frederik de Klerk.

Conformément aux négociations de la période de transition, une commission « liberté et réconciliation » est créée pour entendre des exactions et des crimes commis sous l'apartheid par le gouvernement, les forces de sécurité mais également par les mouvements de libération. Il s'agit de confronter le passé afin de tourner la page historique douloureuse et non de juger les crimes ou exactions constatées qui, le cas échéant, en l'absence de regrets des protagonistes, seront toujours du ressort des tribunaux pénaux. Président, Nelson Mandela est davantage un chef d'état qu'un chef de gouvernement: il confie ce rôle à Thabo Mbeki.

Prônant la réconciliation nationale, il se rend même à Orania pour rencontrer Madame Hendrik Verwoerd et organise une tea party à Pretoria réunissant les épouses des anciens premiers ministres et présidents du pays avec les épouses des anciens prisonniers de Robben Island. Internationalement, il redonne une légitimité à l'Afrique du Sud qu'il donne en exemple en matière de réconciliation nationale. En 1996, le Parti National quitte le gouvernement peu après l'adoption d'une nouvelle constitution. Il accepte d'être médiateur de plusieurs négociations de paix, notamment dans l'Afrique des grands lacs. En 1997, Mandela quitte la présidence de l'ANC qui échoit à Thabo Mbeki. À la fin de son mandat, certains radicaux critiquent l'absence d'efficacité de la politique de son gouvernement dans la lutte contre le SIDA, dans la lutte contre les inégalités raciales ou encore la lenteur des procédures d'indemnisations des noirs spoliés sous l'apartheid.

En 1999 Thabo Mbeki lui succède à la présidence de la république.

Le retraité du Transkei:

Après son divorce avec Winnie Mandela, Nelson Mandela s'est remarié avec Graça Machel, veuve de l'ancien président du Mozambique, Samora Machel. En février 2003, Mandela déclara que les États-Unis étaient « une menace contre la paix dans le monde » et que leur président George W. Bush souhaitait « plonger le monde dans l'holocauste », l'accusant d'ignorer les Nations unies. En septembre 2004, il fut plébiscité en tant que première personnalité sud-africaine.

Lutte contre le SIDA:

Nelson Mandela se consacre aujourd'hui à la lutte contre le SIDA. Le 6 janvier 2005, il annonce publiquement le décès de son fils, Makgatho Mandela âgé de 54 ans, des suites du SIDA. Par ce geste, il veut montrer qu'il est temps de briser le tabou qui entoure cette maladie dans de nombreux pays. Il déclare à ce sujet : "Nous ne devons pas dissimuler la cause de la mort des membres de nos familles, que nous respectons, car c'est le seul moyen de pouvoir faire comprendre à la population que le SIDA est une maladie ordinaire. C'est pourquoi nous vous avons aujourd'hui fait venir pour annoncer que mon fils était mort du SIDA".

Pour plus d'information: Lire sa biographie: Une longue marche vers la Liberté. Source www.wikipedia.fr

lire la suite

† _____Kwame Nkrumah (1909-1972 |Au cœur de la pensée panafricaine se trouve Kwame Nkrumah. Sa vision dépassait les intérêts de son seul pays et il aura œuvré toute sa vie pour l'Unité africaine. Mort dans la déchéance

Au cœur de la pensée panafricaine se trouve Kwame Nkrumah. Il est celui qui a porté la Côte d'Or a son indépendance pour en faire le Ghana, premier pays africain à être libéré de l'emprise coloniale. Sa vision dépassait les intérêts de son seul pays et il aura œuvré toute sa vie pour l'Unité africaine. Mort dans la déchéance, longtemps resté impopulaire, sa pensée panafricaine lui a survécu. Portrait.

« le nationalisme africain ne se limite pas seulement à la Côte d'Or, aujourd'hui le Ghana. Dès maintenant il doit être un nationalisme panafricain et il faut que l'idéologie d'une conscience politique parmi les Africains, ainsi que leur émancipation, se répandent partout dans le continent ».

Les prémisses de l'idéologie panafricaine

Fils unique d'une mère commerçante et d'un père chercheur d'or, Kwame Nkrumah est né en 1909 à Nkroful, un village du sud ouest de la colonie britannique de la Côte d'Or. Les fondements de sa pensée panafricaine prennent leurs sources dans un parcours qui le mène de la Côte d'Or à l'Angleterre en passant par les Etats-Unis. En 1935, il quitte son pays pour aller étudier l'économie et la sociologie à l'université Lincoln en Pennsylvanie. Là il découvre les écrits des auteurs noirs Marcus Garvey et W.E.B Du Bois qui alimenteront sa future idéologie. Il se plonge dans l'histoire politique américaine et comprend que la puissance des Etats-Unis réside dans son unité. En 1943, il écrit son premier pamphlet anti-colonial Towards colonial freedom, dans lequel il dénonce l'asservissement de l'Afrique.

En 1945, il embarque pour Londres afin de poursuivre des études de droit mais très vite, l'émulation politique qui règne dans le pays au sein des communautés issues des colonies le gagne. Il rejoint le syndicat des Etudiants d'Afrique de l'Ouest et organise la 5ème conférence panafricaine de Manchester. Il travaille aux côtés de politiciens africains qui deviendront les principaux instigateurs de l'indépendance dans leur pays, parmi lesquels Jomo Kenyatta, futur président du Kenya. Ses textes enflammés, publiés dans le journal « Le Nouvel Africain » promettent l'unité africaine et font parler de lui : le nom de Nkrumah est désormais synonyme de radicalisme pour l'administration coloniale en Côte d'Or.

Retour triomphal

En 1947, son retour au pays est triomphal et lui promet une ascension fulgurante. Il prend immédiatement la tête du nouveau parti pour l'Indépendance United Gold Coast Convention, et mène des actions dans tout le pays tandis que la puissance colonisatrice réprime les velléités émancipatrices qui gagne le peuple. En 1948, Nkrumah est emprisonné pour agitation politique lors d'une manifestation contre le gouvernement : il devient alors un martyre politique, un rôle qu'il accepte et cultive. La pression est grande et l'administration coloniale est obligée de faire des concessions. En 1952, Nkrumah devient le premier ministre de la Côte d'Or et son nouveau parti, le CPP (Convention People's party) gagne toutes les élections organisées par les Britanniques pour tester les préférences politiques du peuple. Le 6 mars 1957, le combat de la première révolution arrive à son terme : la Côte d'Or devient indépendante et se rebaptise Ghana.

« Nkrumaïsme »

A la tête du premier Etat indépendant d'Afrique, dont il devient le président en 1960, Nkrumah, pris dans l'euphorie de la victoire, voit grand. Il œuvre activement pour la libération des pays encore soumis à la domination coloniale. C'est ainsi qu'il apporte 25 millions de dollars de soutien à la Guinée suite à la déclaration de son indépendance en 1958. La même année, la réunion des chefs d'Etat africains se tient à Accra sous l'égide du ghanéen qui affirme la nécessité pour l'Afrique « de développer sa propre communauté et sa personnalité », et son non-alignement aux deux blocs.

La politique extérieure de Nkrumah est toute entière dédiée à la construction de l'Unité africaine qu'il pense comme une fusion organique des Etats Indépendants et non comme leur simple coopération. Il entend promouvoir sa doctrine originale, le « consciencisme », qu'on appelle parfois aujourd'hui le « nkrumaïsme ». Empreinte d'un marxisme non orthodoxe associé au concept traditionnel africain de collectivisme, elle vise « la résurrection des valeurs humanitaires et égalitaires de l'Afrique traditionnelle dans un environnement moderne ». En 1963, Nkrumah sera ainsi l'un des pères-fondateurs de l'Organisation de l'Union Africaine qui, toutefois, délaissera vite les idées trop radicales du Ghanéen.

De l'euphorie au calvaireTrès vite, le rêve de Nkrumah d'une Afrique unie se heurte aux idées des nouveaux leaders de pays indépendants qui ne sont pas prêts à renoncer à leur toute nouvelle souveraineté. L'Unité africaine devient aux yeux du monde le rêve d'un égocentrique ambitieux qui cache en réalité des plans expansionnistes. En période de guerre froide, elle est vécue comme une manœuvre pour soumettre toute l'Afrique au communisme. Le président ghanéen est désavoué sur la scène africaine et internationale. Les ex-puissances coloniales le diabolisent et tentent de museler la voix dissonante de cette Afrique radicale, compromise dans le léninisme.

Au Ghana, la politique économique de la « seconde révolution » de Nkrumah est un échec. Les dépenses nationales ont ruiné le pays et quand la population descend dans la rue exprimer son mécontentement, elle est réprimée dans le sang. En 1962 et 1964, Nkrumah est victime de deux tentatives d'assassinat. Choqué, il tombe alors dans l'excès de la mégalomanie et prend des mesures drastiques pour se protéger. Il emprisonne sans procès des ministres de son gouvernement qu'il soupçonne de complicité et s'entoure d'une armée de gardes du corps. Il se déclare alors président à vie de la République du Ghana et instaure le parti unique. En février 1966, pendant un voyage du président en Chine, l'armée procède à un coup d'Etat et destitue Nkrumah. La colère accumulée par le peuple refait surface et les manifestations spontanées éclatent dans le pays pour célébrer sa chute. C'est la fin du rêve ghanéen et africain pour Kwame Nkrumah. Acculé, il ne retourne pas au Ghana et s'exile en Guinée. Il meurt d'un cancer en 1972, dans un hôpital à Bucarest, en Roumanie.

En cinq ans, Nkrumah est passé du mythe à la déchéance. Longtemps impopulaire, on retient aujourd'hui de lui la portée visionnaire de ses ambitions panafricaines. L'éveil d'une conscience africaine, la construction d'une unité humaine, politique et économique maîtresse d'un destin qui lui appartient. Autant de thèmes qui sont au cœur de la pensée panafricaine contemporaine.

Bibliographie:

Kwame Nkrumah, Ghana, autobiographie de Kwame Nkrumah, Présence africaine, 1960.Ralph Kent Rasmussen, Modern African political leaders, Facts on file, 1998.Cécile Laronce, Nkrumah, le panafricanisme et les Etats-Unis, Editions Karthala, 2000.

Source: Isabelle Sciamma pour www.afrik.com

lire la suite

† _____Steve Biko dans l'oubli de l'histoire (1946-1977) | 21 août 2006 mourrait seul, saoûlé de coups et comateux, dans une cellule de Pretoria et devenait le plus grand martyr de la lutte contre l'apartheid en Afrique du sud

Il y a 25 ans, Stephen Biko mourrait seul, saoûlé de coups et comateux, dans une cellule de Pretoria et devenait le plus grand martyr de la lutte contre l'apartheid en Afrique du sud, par son rôle de catalyseur de la libération noire. Il n'avait que 30 ans à l'époque, mais son Mouvement de la Conscience Noire avait enflammé des dizaines de milliers de Sud-Africains, enthousiasmés par son appel à libérer avant tout leur esprit, avant de libérer le pays. Car, disait-il, l'arme la plus puissante dans les mains de l'oppresseur est l'esprit de l'opprimé. Né en 1946 à Ginsberg, une township noire près de King William's Town, Stephen Bantu Biko fût très tôt destiné à combattre l'apartheid: son père Mzimkhayi fut tué par un policier blanc lors d'un rassemblement militant le 12 septembre 1951.

Expulsé du secondaire pour son attitude anti-establishment, Steve fit ses premières armes politiques sur un campus de Durban dans les années 60. Fédérant des mouvements noirs, impliqué dans des projets de développement social, l'étudiant en médecine gagna en stature par son éloquence, son charisme et sa philosophie d'émancipation. Fondateur du Mouvement de la Conscience Noire, président la Convention du Peuple Noir, il s'investit à temps plein dans la lutte, après avoir été exclu de son école médicale. En 1973, ses activités lui valurent d'être assigné dans sa ville natale de King William's Town. Les autorités ne le lâcheront plus. Arrêté, détenu et interrogé à maintes reprises jusqu'à cette interpellation à un barrage fin août 1977.

Pendant plusieurs jours, Biko fut détenu, enchaîné, roué de coups, privé de soins, au QG de la police de Port Elizabeth. Un traitement inhumain sur lequel les auditions de la Commission Vérité et Réconciliation firent lumière en 1997-98, entendant des policiers qui menèrent l'interrogatoire. Mais aucun d'entre eux n'admettra avoir pu porter un coup fatal. Ils se virent refuser l'amnistie, mais n'ont à ce jour pas été poursuivis. Le 11 septembre, inconscient, Biko était transporté nu à la prison centrale de Pretoria (à 1.100 km de là), à l'arrière d'une Land Rover. Quelques heures après son arrivée, il décédait de lésions cérébrales sur le sol d'une cellule de Pretoria. Nu, toujours.

L'émotion et la colère, en Afrique du Sud et à l'étranger, furent immenses. Donald Woods, rédacteur en chef du respecté Daily Dispatch devenu l'ami de Biko, fit passer à l'étranger des photos du corps couvert de plaies et ecchymoses: le ministre de la Police, Jimmy Kruger, avait maintenu qu'il était mort d'une grève de la faim. L'exclusion et l'isolement du régime commencèrent pour de bon. Les gouvernements étrangers les fuyaient, les sanctions étaient imminentes. La chanson Biko de Peter Gabriel, fit le tour du monde, et Cry Freedom, film sur sa vie réalisé en 1987 par Richard Attenborough (avec Denzel Washington, Kevin Kline) sur la base d'un livre de Woods, exilé, généra larmes et sympathie anti-apartheid dans le monde.

Avec cette vague mondiale, autant que pour la conviction, alors renforcée en Afrique du Sud, que la violence répondrait à la violence, beaucoup considèrent avec le recul la mort de Biko comme un point de non-retour, la goutte d'eau qui fit déborder le vase, le début de la fin de l'apartheid. Donnant ainsi raison à Biko lui-même. Trois mois avant sa mort, il déclarait: "soit tu es vivant et fier, soit tu es mort, et quand tu es mort, tu ne peux plus t'en soucier. Et ta façon de mourir peut elle même être une chose politique (...) car si je n'arrive pas dans la vie à soulever la montagne de l'apartheid, sûrement l'horreur de la mort y parviendra.

Une pluie d'hommages en Afrique du Sud a salué le 25ème anniversaire de sa mort. Mais l'hommage à Biko, à l'influence aujourd'hui revendiquée par tous, s'accompagne de questions sur la fidélité à l'homme et ses idéaux, dans une société marquée par de criantes et durables inégalités, et des degrés très variables d'émancipation des Noirs. Notre libération n'aurait jamais eu lieu si nous n'avions pu nous débarrasser du sentiment de victime, d'objet, de haine de nous-mêmes (...) Steve Biko nous a aidés à exorciser ces démons intérieurs à travers la conscience noire, absolument essentielle à notre lutte pour la liberté.

L'ancien primat anglican et prix Nobel de la Paix, Desmond Tutu, résumait en ces mots le rôle crucial du charismatique orateur de King Williams Town dans les consciences des militants d'alors: la libération intérieure qui permit celle du pays. Les querelles des années 80 sur l'héritage de Biko sont dépassées. Il est aujourd'hui revendiqué par tous, bien au-delà de l'AZAPO (Organisation des Peuples d'Azanie), qui se perçoit l'authentique dépositaire. Notre pays n'est pas égalitaire. Nous sommes égaux dans la Constitution, dans l'urne, mais au jour le jour, pratiquement, nous avons à lutter pour bâtir cela, a lancé à cette occasion l'AZAPO, estimant que Biko vivra aussi longtemps que ses idéaux n'auront pas été réalisés.

Que serait devenu Biko ? Aurait-il été une conscience, un aiguillon, apportant un levain d'indépendance à la gouvernance (...) de la Nouvelle Afrique du Sud, spéculait avec regret Nadime Gordimer (Prix Nobel de littérature). Ou aurait-il, bien plus tôt, éclipsé Mandela lui-même comme le champion de la lutte, comme ses partisans en étaient convaincus ? J'ai pensé bien des fois que la conscience noire n'avait pas fini sa tâche, a écrit Tutu dans un cahier 25 ans de l'active Fondation Biko, car je m'inquiète que nous ayons épousé les critères de nos ex-oppresseurs blancs sur ce que signifie le succès, ce que signifie être arrivé, ajoute-t-il en visant la nouvelle élite noire. Qu'est devenu notre altruisme, notre ubuntu? (fraternité-unité africaine), a encore écrit Desmond Tutu.

Source: www.afrique-express.com

lire la suite

_____Patrice Lumumba (1925-1961).. ,« le verbe »,comme le disait de lui l'éminence "Aimé Césaire"

Patrice Émery Lumumba ,« le verbe »,comme le disait de lui Aimé Césaire, fut le premier homme à occuper le poste de Premier ministre du Congo (Léopoldville) entre juin et septembre 1960. Né le 2 juillet 1925 à Onalua (territoire de Katako-Kombe au Sankuru) au Congo belge (actuelle République démocratique du Congo), il est assassiné le 17 janvier 1961 au Katanga.

Une éducation privilégiée:

Patrice Lumumba est né à Onalaua. Il fréquente l'école catholique des missionnaires puis, élève brillant, une école protestante tenue par des Suédois. Jusqu´en 1955 la Belgique coloniale n´a que peu développé le systéme d´éducation, l'école ne donne qu'une éducation rudimentaire et vise plus à former des ouvriers ou des clercs, mais Lumumba autodidacte, se plongera dans des manuels d´histoire pour étudier plus en profondeur la Révolution française, l´histoire d´Haïti, des États-Unis et de la Russie. Il travailla comme employé de bureau dans une société minière de la province du Sud-Kivu jusqu'en 1945, puis comme journaliste à Léopoldville (aujourd'hui Kinshasa) et Stanleyville (Kisangani), période pendant laquelle il écrivit dans divers journaux.

En septembre 1954, il reçoit sa carte d'«immatriculé», honneur chichement accordé par l'administration belge à quelques noirs (à peine 200 sur les 13 millions d'habitants de l'époque !). C´est en travaillant pour la société minière qu´il comprend que son pays est un grand fournisseur de matière première dont le rôle est capital dans l´économie mondiale. Il comprend que l´administration coloniale essaie d´abrutir les Congolais afin qu´ils ne prennent pas conscience du fabuleux potentiel qu'a leur pays dont les frontières ont été fixées au hasard. Lumumba ayant compris cela milite alors pour un Congo uni contrairement à tout les autres leaders indépendantistes. En 1955, il crée une association "APIC" (Association du personnel indigène de la colonie) et aura l'occasion de s'entretenir avec le roi Baudouin en voyage au Congo, sur la situation des Congolais.

Le ministre du Congo de l'époque, Auguste Buisseret veut faire évoluer le Congo et notamment mettre en place un enseignement public. Lumumba adhère au parti libéral avec d'autres notables congolais. Avec plusieurs d'entre eux, il se rend en Belgique sur invitation du premier ministre.

Le combat pour l'indépendance

En 1957, il est emprisonné un an pour une affaire de détournement de courrier appartenant à un Européen (membre d'AMORC). Libéré par anticipation, il reprend ses activités politiques et devient directeur des ventes d'une brasserie. Le gouvernement belge prend quelques mesures de libéralisation : syndicats et partis politiques vont être autorisés en vue des éléctions municipales qui doivent avoir lieu en 1957.Les partis politiques congolais sont parrainés par ceux de Belgique et Lumumba est d´abord inclu dans l´amicale libérale.

En 1958, à l'occasion de l'exposition universelle, des Congolais sont invités en Belgique. Outrés par l'image dégradante du peuple congolais qui est véhiculée par l'exposition, Lumumba et quelques compagnons politiques nouent des contacts avec les cercles anti-colonialistes. Dès son retour au Congo, il crée le Mouvement national congolais (MNC), à Léopoldville le 5 octobre 1958 et, à ce titre, participe à la conférence panafricaine d'Accra. Il peut organiser une réunion pour rendre compte de cette conférence au cours de laquelle il revendique l'indépendance devant plus de 10 000 personnes. Premiers démêlés politiques en octobre 1959 : le MNC et d'autres partis indépendantistes organisent une réunion à Stanleyville. Malgré un fort soutien populaire, les autorités belges tentent de s'emparer de Lumumba - c'est l'émeute et une trentaine de morts. Lumumba est arrêté quelques jours plus tard, est jugé en janvier 1960 et condamné à 6 mois de prison le 21 janvier. En même temps les autorités belges organisaient des réunions avec les indépendantistes auxquelles participe finalement Lumumba, qui est donc libéré de facto le 26 janvier. À la surprise générale, la Belgique accorde au Congo l'indépendance qui est fixée au 30 juin 1960.

Une brève carrière politique:

Le MNC et ses alliés remportent les élections organisées en mai et, le 23 juin 1960, Patrice Émery Lumumba devient le premier premier ministre du Congo indépendant. Mais pour les autorités belges (et les compagnies minières, probablement) l'indépendance ne se voulait pas pleine et entière. Une bonne partie de l'administration et l'encadrement de l'armée restent belges et les soldats noirs se révoltent en tuant les officiers blancs et en violant les femmes belges. Pratiquement tous les cadres belges prennent la fuite. Lumumba décrète l'africanisation de l'armée et double la solde des soldats. La Belgique répond par l'envoi de troupes pour protéger ses ressortissants au Katanga (la région minière) et soutient la sécession de cette région menée par Moïse Kapenda Tshombé. Sur ce, l´Union soviétique menace d´intervenir, et les toupes belges doivent se retirer, dans le chaos généralisé la Belgique commence à perdre le contrôle. Néanmoins la Belgique sera le seul État à reconnaître le Katanga indépendant et y envoie des officiers pour former les "tigres" katangais et des conseillers politiques.

En septembre 1960, le président Joseph Kasa-Vubu révoque Lumumba ainsi que les ministres nationalistes. Lumumba déclare alors qu'il restera en fonction. À sa demande, le parlement acquis à sa cause révoque le président Kasavubu. Suite à un coup d'État, Joseph Désiré Mobutu prend le pouvoir, crée le Collège des Commissaires généraux et assigne à résidence les dirigeants congolais. En décembre 1960, Lumumba s'échappe de la capitale pour tenter de gagner Stanleyville, région où il a de nombreux partisans. Il est arrêté alors qu'il passait la Sankuru à Mweka et il est transféré au camp militaire de Thysville sur ordre de Mobutu. Le 17 janvier 1961, Lumumba, Mpolo et Okito sont conduits par avion à Elisabethville, au Katanga,et livrés aux autorités locales. Lumumba, Mpolo et Okito seront conduits dans une petite maison sous escorte militaire ou ils seront ligotés et humiliés par les responsables katangais comme Moïse Tshombé, Munongo, Kimba, Kibwe, Kitenge mais aussi les Belges Gat et Vercheure. Ils seront fusillés le soir même par des soldats sous le commandement d'un officier belge. La Belgique était en effet le seul pays à avoir reconnu le Katanga comme état indépendant et sa petite armée était dirigée par des officiers belges. Le lendemain, une opération sera menée par des agents secrets belges pour faire disparaître dans l'acide les restes des victimes découpées auparavant en morceaux. Plusieurs de ses partisans seront exécutés dans les jours qui vont suivre, avec la participation de militaires, ou mercenaires belges. Tshombé lance alors la rumeur selon laquelle Lumumba aurait été assassiné par des villageois. Ceci déclenche une insurrection parmi la population paysanne, qui prend les armes sous la direction de Pierre Mulele au cri de « A Lumumba » ou « Mulele Mai » : les paysans conquièrent près de 70 % du Congo avant d´être écrasés par l'armée de Mobutu.

Lumumba fut très regretté après sa mort par toute la communauté des pays non-alignés, y compris par un des ses bourreaux, le général Mobutu qui le consacra héros national en 1966. Le retour d'Égypte de sa femme Pauline et de ses enfants fut considéré comme un événement national.

L'action des anciens colonisateurs en pleine guerre froide:

On s'est beaucoup interrogé sur le rôle des puissances occidentales, des États-Unis en particulier dans la mort de Lumumba, sous le prétexte qu'il faisait craindre une dérive du Congo belge vers l'URSS. En effet Lumumba fit appel aux Soviétiques lors de la guerre du Katanga car l'ONU ne répondit pas à ses demandes d'aide militaire pour mettre fin à la guerre civile.

Les États-Unis et la Belgique sont en grande partie responsables de la mort de Lumumba. Les États-Unis de Kennedy voulaient l´éliminer pour éviter un basculement du géant africain dans le communisme et la Belgique voyait en lui et ses thèses d'indépendance économique une menace pour ses intérêts économiques notamment dans le secteur miniers. Ces deux pays ont soutenu l'effort de guerre de Mobutu contre les Maï-Maï. Les mercenaires belges ont fait l'opération Omegang pour écraser la résitance Maï-Maï au Kivu. Le meurtre de Lumumba a été élucidé par la justice belge sous l'impulsion de François Lumumba qui a porté plainte contre X, et du sociologue belge Ludo de Witte.

Le gouvernement belge a reconnu en 2002, une responsabilité dans les événements qui avaient conduit à la mort de Lumumba : À la lumière des critères appliqués aujourd'hui, certains membres du gouvernement d'alors et certains acteurs belges de l'époque portent une part irréfutable de responsabilité dans les événements qui ont conduit à la mort de Patrice Lumumba. Le Gouvernement estime dès lors qu'il est indiqué de présenter à la famille de Patrice Lumumba et au peuple congolais ses profonds et sincères regrets et ses excuses pour la douleur qui leur a été infligée de par cette apathie et cette froide neutralité.

Sa Famille:

Patrice Lumumba était marié et eu cinq enfants : François était l´ainé suivi de Patrice junior, de Julienne, Roland et Guy. François avait 10 ans quand son père est mort. Avant son emprisonnement, Lumumba s´est arrangé pour que son épouse et ses enfants puissent quitter le pays. Ils sont allés en Egypte et François a passé le reste de son enfance là, avant d'aller en Hongrie pour poursuivre ses études. Il est revenu au Congo dans les années 90 lorsque la rébellion contre Mobutu commençait, et a créé un petit mouvement politique Lumumbiste. Bien que son mouvement demeure petit, il reste impliqué dans la politique congolaise et essaie de défendre les idées de son père. Sur le DVD du film Lumumba, dans la section d'usages spéciaux, il y a une entrevue avec Julienne. Elle y parle de la façon dont son père a allait mourir pour son pays. Lumumba n'imaginait pas que Mobutu allait prendre le pouvoir mais croyait simplement que celui-ci était un pion de la Belgique coloniale. Julienne Lumumba dit que Lumumba croyait fermement que son message vivrait après sa mort. Lumumba a écrit plusieurs livres qui ont été traduits.

Citations: Après la cérémonie de l´indépendance du 30 juin 1960, un journaliste demande à Lumumba ce qui l'a poussé à faire de la politique.

Réponse : Je suis né dans une famille de croyants, on m'a toujours dit tu dois être bon... mais ce que moi je ne comprenais pas c'est comment est-ce que ceux qui enseignent qu'il faut être bon ne sont pas bons eux-mêmes.

Avec sa mort, Lumumba a cessé d'être une personne. Il est devenu toute l'Afrique. (Jean-Paul Sartre)

On dit que le fils de Tolenga est mort, mais ceux qui disent cela ne peuvent pas montrer son cadavre. (Raoul Peck)

Source:www.wikipedia.org

lire la suite

_____Thomas Sankara ..? Au 21ème anniversaire de la mort du leader burkinabé, le mystère reste entier sur les conditions de son assassinat..

  • Qui a tué Thomas Sankara ?

Au 21ème anniversaire de la mort du leader burkinabé, le mystère reste entier sur les conditions de son assassinat

Le Burkina Faso célèbrera, le 15 octobre, le 21ème anniversaire de l’assassinat de son leader le plus emblématique, Thomas Sankara. Chef d’Etat du Burkina Faso de 1983 à 1987, il incarna la révolution burkinabé, luttant contre l’impérialisme des puissances coloniales. Il fut assassiné le 15 octobre 1987 dans des circonstances encore non élucidées. Les soupçons portent lourdement sur l’actuel président du pays, Blaise Compaoré, ancien ami et successeur de Thomas Sankara à la tête de l’Etat.

Qui a tué Thomas Sankara ? Vingt-et-un ans après la disparition du leader révolutionnaire, la justice burkinabé n’a toujours pas rendu son verdict et aucune explication officielle n’a été proposée. Thomas Sankara a été assassiné à l’âge de 37 ans, avec une dizaine de ses camarades, lors du coup d’Etat qui a porté au pouvoir son ancien ministre de la justice et deuxième homme du régime, l’actuel président Compaoré.

Alors que la famille de l’ancien chef d’Etat accuse l’actuel président Blaise Compaoré d’être derrière ce complot, les autorités burkinabé ont toujours démenti ces accusations. Dès 1997, la CIJS, Campagne internationale justice pour Sankara, a entamé au nom de la veuve et des enfants de Sankara, une procédure judiciaire auprès du Burkina. Déboutée par les institutions juridiques burkinabé, la CIJS, regroupement d’avocats autour de la famille Sankara, s’est ensuite tournée, dès 2002, vers le Comité des droits de l’Homme de l’ONU. Trois ans plus tard, en 2005, le Comité a rendu un verdict historique et sans précédent déclarant que « le refus de mener une enquête sur la mort de Thomas Sankara, la non-reconnaissance officielle du lieu de sa dépouille, et la non-rectification de l’acte de décès, qui faisait mention d’une « mort naturelle », constituaient un traitement inhumain à l’égard de Mme Sankara et ses fils. » Victoire pour la CIJS qui n’avait demandé que la reconnaissance du lieu de sépulture ainsi qu’une compensation financière. Le Comité est allé plus loin que prévu redonnant espoir à la famille et à l’association.

Pourtant l’ONU fait aujourd’hui marche arrière. Le Burkina Faso a versé des indemnités minimes à la famille, le lieu de sépulture n’est toujours pas prouvé et l’érection d’une statue à sa mémoire se fait attendre. Le mot « naturelle » a été ôté de l’acte de décès mais la procédure d’enquête sur la mort de Sankara n’a jamais été ré-ouverte. Le Comité des droits de l’homme des Nations-Unies a pourtant reconnu en avril 2008 que l’Etat du Burkina Faso avait rempli ses exigences avec satisfaction.

« Il s’agit clairement d’une régression. L’ONU a voulu réhabiliter Blaise Compaoré »

Dans un entretien accordé à Afrik.com, Bruno Jaffré, biographe de Thomas Sankara, a déclaré : « George Bush a adoubé Blaise Compaoré ». Selon lui, le volte-face de l’ONU n’est pas sans lien avec le récent rapprochement des Etats-Unis et du Burkina Faso. Formation de soldats burkinabé en échange de dénonciation de membres d’Al Quaida sur le sol du Burkina ; renforcement de l’influence américaine au Burkina contre le véto des Etats-Unis au Conseil de sécurité sur l’affaire Sankara, telle est la thèse défendue par les détracteurs du président Compaoré. Bruno Jaffré va jusqu’à faire du Burkina Faso une arrière base américaine de surveillance des agissements des Touaregs au Mali et au Niger.

En faisant obstruction à une éventuelle procédure judiciaire, le régime de George Bush aurait trouvé un moyen de contrer l’influence de la France en Afrique francophone et de maintenir l’opacité sur les responsables de ce crime.

Alors que la culpabilité de Blaise Compaoré dans le crime de son ancien ami et successeur faisait l’unanimité depuis longtemps, la communauté internationale se rétracte aujourd’hui. Lobbying diplomatique autour de l’actuel président ? Aucune poursuite judiciaire n’est en tous cas engagée à ce jour pour son soutien au Libéria dans la guerre sierra léonaise. Il aurait en effet livré sans état d’âme Charles Taylor, ex-chef d’Etat du Liberia, à la Cour Pénale Internationale en 2004.

Alors que le vingtième anniversaire de la mort de Sankara avait rassemblé les foules à Ouagadougou, on attend beaucoup de monde cette année également. L’engouement récent pour Thomas Sankara serait dû, selon Bruno Jaffré, à son charisme et son intégrité. « On pouvait croire en cet homme pour construire son pays, il disait ce qu’il faisait ». Surnommé le « Che Guevara africain », il attire encore aujourd’hui la jeunesse autour du mythe qu’il a édifié.

Images d’archives

Burkina Faso : Un coup d’Etat fomenté par le capitaine Blaise CAMPAORE, n°2 du régime, a renversé le Président Thomas SANKARA, qui a été assassiné lors de ces événements. Commentaire sur images d’archives et interview au téléphone de Alain DESCHAMPS, Ambassadeur de France au Burkina Faso.

Interview de Blaise CAMPAORE, le nouvel homme fort du Burkina Faso. Une semaine après le coup d’Etat qui l’a porté au pouvoir et l’assassinat durant ces évènements de son prédécesseur le capitaine Thomas SANKARA, son ancien frère d’armes, le nouveau chef de l’Etat s’explique sur la nouvelle situation de son pays, sur les conditions de la mort de T. SANKARA et sur les causes de ce coup de force.

Qui a tué Thomas Sankara ? -

http://www.thomassankara.net/spip.php?article252

Charles Taylor était président du Libéria, pas de la Sierra Leone. Affirmation sans fondement que celle d'affirmer que Blaise a livré Charles Taylor à la CPI, Où sont les faits dans votre argumentation ? Que faites-vous de l'implication du colonel libyen Muammar Khadafi et de l'entourage de l'ex-président ivoirien Houphouet Boigny dans la guerre civile sierra-léonaise ? Peut-être vous abreuvez-vous à la même source que celle qui affirme que Taylor était président sierra-léonais ? Du sérieux svp !

  • Mobutu était il impliqué dans le meurtre de sankara?

Interview de Bruno jaffré, biographe de Thomas Sankara dans l’hebdomadaire ROUGE

  • Le 15 octobre 1987, Thomas Sankara, capitaine révolutionnaire et président du Burkina Faso (Haute-Volta), est assassiné lors d’un coup d’État. Pour la jeunesse africaine, il reste incontestablement un symbole de dirigeant intègre et populaire. Pourquoi ?

Bruno Jaffré

  • -Il tranchait fortement par rapport aux autres dirigeants africains de l’époque - les Mobutu, Houphouët-Boigny, Eyadéma ou Bongo vivaient dans l’opulence.

Les jeunes chômeurs et les paysans se souviennent que Sankara était soucieux de leur sort et qu’il montrait l’exemple. Certains de ses ministres avaient remplacé leur Mercedes par des Renault 5 ; beaucoup de directeurs circulaient en mobylette. Il a redonné l’espoir, par-delà les frontières du Burkina Faso, à toute une génération. Sankara s’était opposé à la France sur la question kanak, ainsi qu’à la tutelle du FMI, tout en pratiquant l’auto-ajustement (revenir à des finances équilibrées) sur des objectifs discutés lors des conférences nationales des comités de défense de la révolution (CDR). Il s’agissait de compter sur les possibilités réelles du pays, en mobilisant la population sur des projets concrets et en luttant contre la corruption. C’est pour cela qu’il a marqué les esprits.

Le 4 août 1983, la Haute-Volta connaît à nouveau un coup d’État. Tu affirmes dans tes livres que celui-ci est différent des autres. Est-ce la résultante d’une crise révolutionnaire ?

B. Jaffré

  • -Au sein de l’armée, les anciens officiers coloniaux, puis ceux de droite, se disqualifient et s’excluent au fur et à mesure de leur passage au pouvoir.

Beaucoup d’étudiants, qui ont vécu en France après 1968 et milité à la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF), reviennent au pays et fondent des organisations politiques révolutionnaires. Ils s’engagent dans les syndicats et les radicalisent. En 1980, un putsch militaire reçoit le soutien d’un parti local lié à l’Internationale socialiste. Les officiers révolutionnaires s’organisent clandestinement autour de Sankara, qui devient de plus en plus populaire, et ils tissent des liens suivis avec le PAI et d’autres groupes révolutionnaires. Le groupe de Sankara obtient une première victoire avec sa nomination comme Premier ministre. Il sera finalement arrêté et mis en résidence surveillée, le 17 mai 1983, jour où le conseiller Afrique de Mitterrand, Guy Penne, est en visite officielle. Le 4 août est donc le résultat d’un long processus, mais aussi celui de la montée en puissance d’un mouvement populaire lié à des secteurs avancés de l’armée. La population affirme massivement son soutien les jours suivants, et elle s’organise en CDR.

Les droits des femmes ont été un des grands chantiers de la révolution...

B. Jaffré

  • - Au niveau des droits des femmes, il a eu des discours très radicaux contre l’excision, la prostitution et l’hypocrisie qui l’alimentait.

Sankara a essayé d’agir concrètement, en créant, par exemple, un marché local autour du coton, permettant aux femmes d’avoir des revenus du tissage artisanal, et obligeant les fonctionnaires à acheter les habits ainsi confectionnés. De façon symbolique, il a lancé des « journées des maris au marché », pour que les hommes connaissent le prix des denrées alimentaires. Des femmes sont entrées au gouvernement. Mais Sankara a été aussi mis en minorité sur certains projets, comme la question du salaire vital, qu’il défendait en argumentant que la libération des femmes burkinabés viendrait de leur libération économique vis-à-vis des hommes.

Sankara a été critiqué à propos des emprisonnements de syndicalistes et de l’interdiction du droit de grève. Pourquoi cet affrontement entre le régime sankariste et certains syndicats ?

B. Jaffré

  • -C’est en partie dû à la place du PAI dans la révolution. Ce parti avait cinq ministres et dirigeait le principal syndicat burkinabé.

Les premières oppositions sont apparues quand Sankara a voulu créer des comités de défense de la révolution dans les entreprises. Cela heurtait de fait la présence syndicale en tant que seule représentante des salariés. Les CDR, qui étaient élus, organisaient la vie des quartiers, la formation politique et mobilisaient les populations.

En sait-on aujourd’hui un peu plus sur les circonstances de l’assassinat de Sankara et la prise du pouvoir par Blaise Campaoré ?

B. Jaffré -Non. Il y a eu l’émission « Rendez-vous avec X », sur France Inter, intitulée « Vie et mort de Thomas Sankara » - que je conseille. Il y a un an, au cours d’une séance du tribunal de l’ONU sur la Sierra Léone, un général a évoqué la complicité de Charles Taylor dans l’assassinat de Sankara. Cela confirme l’implication de Compaoré dans le trafic de diamants, plusieurs fois évoquée par l’ONU. Aussi, Foccart et ses réseaux ne pouvaient supporter qu’un jeune trublion vienne déranger les intérêts français en Côte d’Ivoire voisine. Mais des enquêtes poussées restent à mener.

lire la suite