Lors de l’émission Infrarouge diffusée le 16 décembre 2010 par France 2, les spectateurs de France et d’Afrique, mais surtout ceux de Côte d’Ivoire, ont pu voir l’impact négatif de ce que l’on appelle la Françafrique sur le développement intellectuel, matériel, politique, économique et social de l’Afrique francophone "indépendante".

Après le poids du Général De Gaulle et de Foccart, la Françafrique a évolué vers des relations plus politico-commerciales de Pompidou à Nicolas Sarkozy.

L'intérêt de l’émission sur la Françafrique est de montrer que, dans la crise ivoirienne, les peuples africains et les peuples ivoiriens ne représentent pas grand-chose, malgré les revendications "aboyantes" de leurs intellectuels et responsables politiques



Lucien Pambou

Pour une fois et de grâce il faut que les Africains qui analysent les relations entre la France et l’Afrique ne crient pas au loup français qui dévore la petite chèvre africaine. La chèvre africaine est complice car elle utilise les enjeux du monde (mur de Berlin et sa chute en 1989) qui a changé pour continuer à ne rien faire et à tout remettre sur le dos du loup français.

Laissons la métaphore et revenons aux humains. La réalité de la Françafrique est implacable dans le fonctionnement des régimes politiques en Afrique francophone. La Côte d’Ivoire n’y échappe pas car Gbagbo était complice de cette Françafrique. On a cru qu’en 2000, et comme d’habitude les Africains croient les discours enflammés de leurs dirigeants, que Gbagbo allait mener une politique de développement réelle de la Côte d’Ivoire.



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  • Laurent Gbagbo et Vincent Bolloré



Il avait, à son corps défendant, un certain nombre de contraintes : la partition du pays, le soulèvement des forces nouvelles, la discussion concernant la question de l’ivoirité liée à celle de la tenue des élections auxquelles devraient prendre part Alassane Ouattara. Gbagbo a été sanctionné par la Françafrique en 2004 quand l’armée française a tiré sur la petite flotte aérienne ivoirienne et sur |les populations ivoiriennes au nom de la légitime défense], après que les avions ivoiriens pilotés par des étrangers aient détruits l’école française en Côte d’Ivoire, ce qui a entrainé la mort de soldats français.

Au nom de la réalité du business, Gbagbo est revenu dans la Françafrique en accordant des concessions importantes aux entreprises françaises que sont Bouygues et Bolloré





Au nom de la réalité du business, Gbagbo est revenu dans la Françafrique en accordant des concessions importantes aux entreprises françaises que sont Bouygues et Bollore.

Le verdict des élections présidentielles 2010 a débouché sur une confusion entre la commission électorale (qui a déclaré Ouattara vainqueur, alors que sa mission était de fournir des résultats provisoires au Conseil Constitutionnel) et le Conseil Constitutionnel qui aurait dû respecter le délai constitutionnel de 7 jours en tenant compte des réclamations des partis pour déclarer le vainqueur de l’élection présidentielle.

En ne respectant pas cette règle et en désignant immédiatement Gbagbo vainqueur de l’élection au nom de certains tripatouillages dans certaines régions du Nord (ce qui reste à démontrer), le Conseil Constitutionnel a commis l’irréparable : la revendication par chaque camp de la victoire (Ouattara/Gbagbo) et la mise en place des conditions éventuelles d’une guerre civile, voire d’une partition entre le Nord et le Sud.


  • Goodluck Jonathan, président du Nigeria et président en exercice de la CEDEAO



L'intérêt de l’émission sur la Françafrique est de montrer que, dans la crise ivoirienne, les peuples africains et les peuples ivoiriens ne représentent pas grand-chose, malgré les revendications "aboyantes" de leurs intellectuels et responsables politiques.

L’émission sur la Françafrique a présenté une Afrique francophone pauvre, appauvrie volontairement par ses dirigeants qui préfèrent en situation de crise ou de paix transférer une partie des avoirs du pays sur leurs propres comptes et à l’étranger.

En revenant sur la crise ivoirienne, la CEDEAO, l’Union Africaine, l’Union européenne, les Etats Unis sont d’accord pour dire que Ouattara a gagné les élections présidentielles. Ils fondent cette victoire sur une intime conviction selon laquelle les élections se sont correctement déroulées et demandent à Gbagbo de céder le pouvoir très vite d’ici à la fin de la semaine, voire à la fin de la semaine prochaine.

Il ne suffit pas d’avoir des matières premières agricoles (café, cacao), d’en être le premier producteur mondial comme la Côte d’Ivoire, pour déclarer son indépendance




  • Pour bien convaincre Gbagbo, ils lui mettent un marché contraignant entre les mains : *

-le gel des avoirs financiers du Président, de sa femme et de son entourage –proche- à l’étranger, la demande éventuelle à ses filles qui se trouvent aux Etats Unis pour leurs études de quitter le territoire américain (on peut se demander au nom de quoi les filles sont responsables des agissements de leur père) et éventuellement une intervention de l’Union africaine sur le plan militaire avec bien sûr la logistique américaine et européenne.



© unep.org




Ce tableau complexe Françafrique/crise ivoirienne montre :

1. Malgré leurs grands discours et leur intelligence, les Africains en général et les Ivoiriens en particulier ne sont pas maîtres de leur existence et de leur destin quoiqu’ils disent. Il ne suffit pas d’avoir des matières premières agricoles (café, cacao), d’en être le premier producteur mondial comme la Côte d’Ivoire, pour déclarer son indépendance.

La vérité des affaires est terrible : les Ivoiriens ne maitrisent ni la production à grande échelle, ni les circuits de distribution, ni les marchés financiers, encore moins les marchés à terme des produits agricoles de Chicago. La réalité est terrible, le discours est difficile à entendre, mais c’est un discours réaliste. Il faut que les politiques africains arrêtent de raconter des histoires à leurs opinions publiques pour se faire élire. Le cas de la Côte d’ivoire peut être étendu à d’autres pays de l’Afrique francophone qui possèdent du pétrole, du diamant, du cuivre ou de l’uranium dans leurs sous-sols.

2. Les Africains doivent réfléchir autrement leurs relations avec la France. On ne peut taper sur la France qui depuis le Général De Gaulle ne défend que ses intérêts économiques. Ce qui est anormal c’est l’attitude des hommes politiques africains qui au nom de l'"ethnicisation" du pouvoir, de la non-prise en considération du développement public de leurs Etats autrement que dans leurs discours, laissent mourir de faim et dans la pauvreté leurs populations.

La plupart des dirigeants africains de l’Afrique francophone ont des avoirs à l’étranger. Qu’ils ne s’étonnent pas que les Occidentaux fassent pression sur la détention de ces avoirs pour les obliger à être aux ordres. Gbgabo comme les autres n’échappe pas à cette logique implacable





L’émission de France 2 Infrarouge sur la Françafrique est instructive à ce sujet : on voit des buildings signes de la modernité qui jouxtent des dépotoirs et des bidonvilles. Pauvre Afrique francophone !


  • Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié



3. La plupart des dirigeants africains de l’Afrique francophone ont des avoirs à l’étranger. Qu’ils ne s’étonnent pas que les Occidentaux fassent pression sur la détention de ces avoirs pour les obliger à être aux ordres. Gbgabo comme les autres n’échappe pas à cette logique implacable.

Il ne suffit pas de crier à l’impérialisme français au nom des intérêts ivoiriens pour avoir raison, dès lors que la Côte d’Ivoire s’est appauvrie pendant le règne de Gbagbo, et on peut penser qu’elle ne s’enrichira pas sous le règne de Ouattara si celui-ci remplace Gbagbo car il y a une logique et une malédiction africaine, quels qu’en soient les discours de dénégation : il faut donner des gages aux différents maîtres occidentaux aujourd’hui et asiatiques demain qui consolident le pouvoir avant de s’occuper de la population.

Les jeunes patriotes affidés de la rhétorique de Gbagbo sur la défense du territoire peuvent résister, mais pour combien de temps si l’Union africaine, instrumentalisée par les Etats Unis et l’Union européenne décidait d’agir militairement ?





4. Le Président Gbagbo peut résister comme l’a demandé son Ministre à la jeunesse Charles Blé Goudé. Les jeunes patriotes affidés de la rhétorique de Gbagbo sur la défense du territoire peuvent résister, mais pour combien de temps si l’Union africaine, instrumentalisée par les Etats Unis et l’Union européenne décidait d’agir militairement. L’armée ivoirienne n’y résistera pas car, non réellement formée au combat et aux stratégies militaires modernes, elle sera obligée de lâcher Gbgabo et de faire allégeance à Ouattara.


  • La Côte d'Ivoire sera t-elle plus riche sous Alassane Ouattara ? Pas sûr...

© AFR




5. Dans l’hypothèse où Ouattara accède au pouvoir, il doit prendre acte de la situation délicate créée par son arrivée aux affaires en rassemblant les Ivoiriens du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest en créant une commission vérité/réconciliation nationale pour réaffirmer l’unité de tous les Ivoiriens quelle que soit leur religion (chrétien ou musulman), leur appartenance régionale ethnique, en appelant autour de lui tous les Ivoiriens même ayant appartenus à l’équipe Gbagbo pour remettre la Côte d’Ivoire sur le chemin de la lutte contre la pauvreté et de la satisfaction des besoins essentiels (éducation, eau, nourriture, logement, électricité, infrastructures, hôpitaux, ... , fraternité ivoiro-ivoirienne)

6. Si Ouattara est le "vrai" Président des Ivoiriens, il faudra qu’il continue à méditer profondément sur ce qu’il sait déjà : les tenants et les aboutissants de la Françafrique et leurs impacts sur la gouvernance dans les Etats Africains indépendants à partir des années 60 et parmi lesquels la Côte d’Ivoire peut jouer un rôle important.

Le Président Ouattara, s’il est reconnu comme tel, saura t-il sortir la Côte d’Ivoire de cette problématique difficile : les rapports névrotiques entre la France et ses anciennes colonies, à savoir les pays Africains francophones ?

http://www.grioo.com/ar,de_la_francafrique_a_la_crise_ivoirienne_actuelle_un_meme_modele_l_allegeance_de_l_afrique_a_la_france,20257.html

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