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jeudi 13 décembre 6666

_____« Soyez Heureux et féconds», bonne fête de fin d'année.. “Y’a des Nègres qui sont pas morts, c’est juste qu’ils puent le cadavre” Afrique: « La mort n’est rien, mais vivre vaincu et sans gloire, c’est mourir tous les jours »

Dieu bénisse l’Afrique !

''L’homme d’Afrique vit dans la quotidienneté de la mort..

Habituellement, l’Afrique est considérée comme le dernier de la classe, toujours en décalage avec le reste des continents. Or notre beau continent reste le continent le plus éclatant, le plus riche potentiellement quoique le plus négligé. D’une superficie de 30 221 532 km2 en incluant les îles, l’Afrique est un continent couvrant 6 % de la surface terrestre et 20,3 % de la surface des terres émergées. Avec une population, en 2009, estimée à 996 533 200 habitants, les Africains représentent 15,54% de la population mondiale.

L’Afrique est un continent qui compte ne serait-ce qu’au niveau de sa population, 43% de jeunes qui ont moins de 20 ans, ce qui reste un vivier pour son développement. Difficile, du reste, d’imaginer l’Afrique autrement que sous les traits sévères qu’on lui prête généralement. Et pourtant, « Le Monde diplomatique », N°108, n’a pas trouvé meilleur titre que « Indispensable Afrique ». Si notre continent est indispensable au bon fonctionnement de l’économie mondiale, il est alors possible de se poser une seule question : pourquoi l’Afrique peine à se développer au même rythme que les autres ? Si nous tenons le savoir pour libérateur, il nous faut le vulgariser : tel est notre but. Et Nous n’avons jamais fait mystère de notre volonté de réveiller les consciences endormies car comme disait Napoléon Bonaparte, « Les hommes qui ont changé l’univers n’y sont jamais parvenus en gagnant des chefs; mais toujours en remuant des masses. ». L’Afrique et son développement reste donc la centralité de notre présente contribution.

L'Afrique, le continent aux ressources inégalables

Le continent africain est riche au regard de son potentiel. L’Afrique détient 30% des réserves minérales de la planète. 80 % des ressources de la planète en coltan, qui sert à la fabrication des portables, 90% du platine, 50% du diamant, 40% de l’or. C’est la raison pour laquelle, certains observateurs traitent à propos de notre continent de « scandale géologique ». Entre 1990 et 2004, la production du continent africain a augmenté de 40%, passant de 7 à 10 millions de barils/jours et elle doit atteindre cette année 50%. Le continent assure 11% de la production pétrolière mondiale. Avec la Guinée, qui représente 30% des réserves mondiales de bauxite, tout juste derrière l’Australie, le continent ne manque pas d’aluminium.

Les Nations unies estiment, par exemple, qu’il y a plus de 800 millions d’hectares de terres cultivables inutilisées qui attendent leur révolution verte. Elle devrait être le lieu de la réponse attendue aux pénuries alimentaires en Afrique et ailleurs. Après l'Amazonie, la forêt africaine est la seconde plus grande forêt tropicale du monde. Précisément, 20% de la surface de forêt tropicale encore intacts se situent dans le "Bassin du Congo" (au sud-est du Cameroun). Une biodiversité unique au monde. Plus de 200 espèces ligneuses poussent sur 1000 mètres carrés, soit une fois et demi plus d'espèces que sur l'ensemble du territoire français. A ce stade de réflexion, nous retiendrons que l’Afrique regorge d’énormes ressources pourtant le continent est abonné aux aides occidentales.

L'Afrique, un continent abonné aux aides extérieures

L’APD aux pays d’Afrique subsaharienne est passée de 3,1 milliards en 1990 à 1,4 milliard en 1999, soit une baisse de 55%.

L’Afrique est devenue le continent mendiant qui fait toujours la manche pour vivre. Du coup, ce continent aux fabuleuses ressources, passe pour être celui qu’on doit assister continuellement. L’homme politique de premier ordre, selon les termes consacrés du général DE GAULLE, Félix Houphouët Boigny, disait qu’un homme qui a faim, n’est pas un homme libre. L’aide devient un levier très puissant pour les pays aujourd’hui dits riches, mais pauvres hier, de corriger leur image avec leurs aides au développement.

Pour corriger son image désastreuse dans bien des pays d’Afrique subsaharienne, Alain Joyandet, le ministre français de la coopération, voudrait rendre cette aide « visible » car selon lui, elle n’est « ni assez visible, ni assez efficace ».

Désormais, la France voudrait privilégier l’aide directe, via les ONG, pour construire par exemple des écoles, avec un drapeau français planté dessus. La démarche, on ne peut plus claire, est politique. En effet, cette bataille de la France, guidée par la volonté française de gagner l’estime des africains déjà très entamé. L’aide n’est pas seulement une main tendue, mais un couteau pour nous trancher « la gorge » ou une corde pour nous étrangler.

En ce qui concerne la France, elle étudie "la création d'un jeu spécifique pour l'Afrique", un loto ou un bingo en ligne, qui complèterait l'aide publique au développement et s'inscrirait dans le cadre des "financements innovants". En tout cas, c’est ce qui se prépare au secrétariat d'Etat à la Coopération français.

L’Afrique reste de loin le continent où les mérites d’un ministre de l’économie restent attachés à ses efforts de mobilisation de l’aides extérieures et à annuler les anciennes. Ils sont abonnés aux clubs de Paris et de Londres.

Le Club de Paris est un groupe informel de créanciers publics (19 pays développés en sont membres permanents) qui a pour but de trouver des solutions coordonnées et durables aux difficultés de paiements de nations endettées.

Quant au Club de Londres, c’est un groupe informel de créanciers bancaires privés qui s'occupe de dettes publiques. Il préfère rééchelonner les dettes. Et sa première rencontre eut lieu en 1976 pour tenter de résoudre les problèmes de paiements du Zaïre.

Les africains n’ont pas encore compris que l’aide extérieure est un piège. Pis, il ne semble pas toujours acquis aujourd’hui qu’ils veuillent s’en débarrasser. C’est la raison pour laquelle, dans son livre «L'Aide Fatale», l'économiste Dambisa Moyo s'insurge contre l'assistance portée au continent noir. Dans sa démonstration, elle n’y va d’ailleurs pas avec la tendresse qu’on connait aux femmes. Selon elle, Il faudrait fermer les robinets, en finir définitivement avec l'aide au continent noir et ce, pour le bien de l'Afrique, pour la sauver, l’aide étant la cause de tous ses maux, de son sous-développement. Pour Dambisa Moyo, les occidentaux ont notamment eu tort de prêter de l'argent à Jean Bedel BOKASSA, le dirigeant de la Centrafrique qui mettait les têtes de ses ennemis dans son frigo.

Pour clore ce paragraphe, nous empruntons deux citations de deux présidents africains sur la question de la dette.

Dans une interview accordée à TIME, le président Paul Kagamé a déclaré :

"Maintenant il faut poser une question à nos donateurs et partenaires qui ont tant dépensé d’argent : qu’est ce que cet argent a changé en Afrique ? "

Dans les 50 dernières années vous avez dépensé 400 milliards de dollars sous forme d’aide. Mais quels sont les résultats visibles ? ». Tout aussi flamboyant, Abdoulaye Wade aurait dit en 2002: «Je n'ai jamais vu un pays se développer grâce à l'aide et au crédit. Tous ceux qui ont réussi, en Europe, en Amérique, au Japon, ou en Asie —comme Taiwan, la Corée, Singapour— ont cru au marché. Il n'y a pas de mystère ici. L'Afrique s'est trompée de route après l'indépendance». C’est donc dire que le juste et fol espoir de l’endettement est berne.

Mais une fois qu’on a dit ceci, se pose alors la sempiternelle question de l’attitude à adopter. Une des premières solutions est la réappropriation de nos richesses.

La réappropriation de notre continent et de ses ressources

Les africains sont de plus en plus contre l’exploitation de matières premières abondantes sans qu’en résulte un véritable décollage du continent et singulièrement dans l’espace francophone, pourtant bien doté.

Pétrole au Gabon, au Congo, au Cameroun, au Tchad, en Cote d’ivoire. Dans presque tous les pays africains, il ne reste que moins de 20% des royalties. Le Tchad perçoit 12,5 % des revenus totaux, sous forme de royalties, le Congo de Sassou N’Guesso, 17 % alors que Lissouba voulait porter ce pourcentage à 33%.

Or dans ce pays, les recettes pétrolières représentent 60 % des ressources internes mobilisables.

Ces matières premières sont le plus souvent exploitées abusivement par des multinationales françaises. Il est temps de mettre définitivement fin aux pactes coloniaux sur le continent. Comment comprendre ce paradoxe : les pays qui détiennent le plus de matières premières sont ceux-là qui accusent le plus grand retard en matière de lutte contre la pauvreté. Le scenario est connu, il est clair et simple. Pour les pays ayant le pétrole en offshore, les majors du pétrole ont tout simplement provoqué chez eux des guerres civiles afin de « privatiser » d'une manière unilatérale l’exploitation. Ils arrosent les différents seigneurs de guerres, en leur fournissant les armes. On en trouve moult exemples sur le continent africain.

Des pays africains, comme le Congo Brazzaville, possèdent une richesse pétrolière qui devrait faire leur prospérité, et pourtant tous les indicateurs de développement humain y sont au rouge.

La France a la réputation de soutenir envers et contre tout, les dictateurs de l’espace francophone : pour ne citer que les défunts, pour ne pas allonger la liste, Jean Bedel Bokassa (Centrafrique), Joseph Mobutu (République Démocratique du Congo), Gnassingbé Eyadema (Togo), et Omar Bongo (Gabon). Et ces soutiens n’ont pour seul dessein le pillage systématique des fabuleuses ressources de l’Afrique. Encore une preuve, s’il en était besoin, que les aides occidentales n’ont aucune vocation à nous aider. Mieux, Lumumba fut assassiné le 17 janvier 1961, moins de sept mois après la déclaration d’indépendance du Congo dont il était Premier ministre, pour le remplacer par Mobutu Sesseko. Marien N’Gouabi, l’homme qui avait pour seul devise « Tout pour le peuple, rien que pour le peuple » a été assassiné le 18 mars 1977 et remplacé par Yhombi Opango, lui aussi renversé le 5 février 1979, par Sassou Nguesso. L’assassinat de Thomas Sankara le 15 octobre 1987, pour le remplacer par Blaise Compaoré. Laurent Kabila, fut assassiné et remplacé par son fils Joseph, plus accommodant avec les intérêts financiers occidentaux.

Nous devons lutter pour notre survie car toujours selon Napoléon, « La mort n’est rien, mais vivre vaincu et sans gloire, c’est mourir tous les jours ».

L’enjeu est d’importance : il s’agit de lutter pour notre survie et notre humanité.

L'intégration régionale réelle comme notre issue de secours

La grandeur tragique de l’Afrique, c’est de n’avoir jamais su mettre un mouchoir sur ses certitudes. Si les indépendances ont conféré à chaque pays, une autonomie politique de juré, celle-ci peine à se concrétiser tant les inégalités sociales et l’illégitimité de certains régimes alimentent guerre et instabilité. Nous avons dit plus haut que l'Afrique devait d'abord compter sur elle-même, et non sur l'aide extérieure.

La renaissance africaine doit prendre une ampleur neuve, elle doit dépasser le simple cadre de l’esthétique pour redéfinir le rapport de « l’homme africain » au monde. Cette année, pas moins de dix-sept pays d'Afrique sub-saharienne célébreront un demi-siècle d’indépendance.

Il est insoutenable de voir nos frères mourir dans les eaux territoriales européennes. On estime chaque année, qu’environ deux millions de personnes essaient de rentrer illégalement sur le territoire de l’Union européenne.

Sur ce nombre, environ deux mille périssent en méditerranée, et autant dans les flots de l’Atlantique. Pour dit-on « refuser la misère du monde », les européens ont mis sur pied une organisation semi-militaire, le Frontex pour défendre l’Europe contre ces migrants. Face à cette palissade dressée par ceux qui viennent squatter nos richesses, les africains gagneraient à créer une sorte d’organisation pour lutter contre le pillage légalisé, cette fois de nos matières premières, par les multinationales.

Aujourd’hui les pays africains ont le devoir de bâtir des économies génératrices de prospérité et propices à la création d'une classe moyenne, laquelle est l'assise indispensable de toute démocratie. Il n’est pas difficile de tenter de dresser un bilan politique et économique du continent depuis les indépendances. Les faits sont sacrés et parlants : le développement de l’Afrique est embryonnaire en dépit de ses ressources. Son développement serait sans doute moins décontenancé si des mesures vigoureuses étaient prises.

Il est urgent que les pays africains révisent les contrats pétroliers qui font la part belle aux entreprises occidentales. Cette tache n’est pas simple quand on sait qu’elles entretiennent des rebellions et guerres afin d’exploiter gratuitement les ressources du continent. Il nous faut explorer une nouvelle voie : celle du « jeu collectif » pour reconquérir nos richesses.

Il serait donc profitable pour les africains, d’établir au sein des regroupements régionaux (UEMOA, CEMAC, par exemple) un niveau minimum de royalties, appliqué par tous les membres aux majors du pétrole et autres produits stratégiques. C’est le seul moyen d’éviter que ces vautours de multinationales punissent les gouvernements moins accommodants.

Bien-aimés frères et sœurs d’Afrique, notre devise doit être « nulli concedo » c’est-à-dire n’appartenir à personne. Mais ce à quoi nous devons aspirer pour notre continent, c’est son droit à une vie honorable, à une dignité sans tache, à une indépendance sans restrictions.

Dieu bénisse l’Afrique !

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___Aux Nègres de France la patrie non reconnaissante, Abdoulaye Gueye... Nègres pour qui l'horizon du possible est et se résume à la seule France..

AUX NEGRES DE FRANCE . . . 10 ‘‘Il y a des émotions qui sont génératrices de pensées; et l’invention, quoique d’ordre intellectuel, peut avoir de la sensibilité pour substance’’ Daniel Delas Avertissement Il y a dans l’acte d’écrire des implicites qu’il importe de mettre au grand jour si tant est qu’on respecte ses lecteurs et se veuille honnête avec eux. Font partie de ces implicites l’identité et le lieu d’inscription mêmes de l’écrivain : qui est-il? d’où parle-t-il? Car quiconque peut lui tenir rigueur de les taire et même retenir ce silence contre lui. Alors autant jouer cartes sur table. Je suis un Nègre natif de l’Afrique des indépendances, formé dans des établissements d’enseignement encore respectables de l’Hexagone, et qui gagne aujourd’hui son pain en professant dans une institution universitaire nord-américaine. Je suis un Nègre qui entretient, de son plein gré, trois allégeances politiques différentes dont chacune compte autant que les autres. Donc trois citoyennetés à assumer. Je suis un Nègre, sans états d’âme, qui a tôt douté de l’engagement de ceux qui tiennent la barre de ses deux patries premières à conforter le Nègre dans sa dignité.

11 De mon identité, je tire, sans l’ombre d’un doute, une certaine conception du monde et une certaine compréhension de la France. Sans en être prisonnier cependant. De mon lieu d’inscription, je tire un certain nombre de privilèges. Privilège de la distance qui permet parfois de voir et concevoir autrement. Privilège du détachement qui offre une liberté d’expression beaucoup plus grande que celle consentie à bien des Nègres en France. Nègres pour qui l’horizon du possible est et se résume à la seule France. Quand je parle, sachez donc que je parle d’un autre lieu que la France, que l’Afrique – quelque région d’elle que ce soit. Quoique je parle avec les mots et les souvenirs dont cette France et ‘‘son Afrique’’ ont empreint tout mon être. Quand je parle, sachez donc que je parle dans le reflet d’un miroir. Du miroir que constitue l’Amérique du Nord dans son rapport avec ses propres Nègres, avec donc son passé et son présent, ses horreurs et ses exploits, ses doutes et ses repentirs, ses siècles de lâcheté et ses décennies de courage. Cette Amérique-là qui, au sortir de l’esclavage, a subtilement réduit l’horizon du Nègre aux quatre murs d’une cellule, au point d’en faire la catégorie raciale la plus représentée proportionnellement dans ses prisons. Mais aussi la même Amérique qui a récemment promu le Nègre au grade de capitaine du navire national. Quand je parle, sachez donc que c’est à l’abri des effets des discours d’intimidation. Discours qui fleurissent en France aujourd’hui comme pâquerettes au printemps. Oui! On pétrit dans quelques cénacles politico-intellectuels des mots tels ‘‘repentance’’, Avertissement.

AUX NEGRES DE FRANCE . . . 12 ‘‘communautarisme’’, ‘‘concurrence des victimes’’ pour dissuader la République de solder ses comptes, pour interdire aux Nègres et autres bougnoules d’enquêter sur leur patrie, pour les sommer de taire leur désespoir, leur frustration, leur rancœur. Je parle pour croiser le fer avec tous les gauchistes défroqués, ces intellectuels en rupture de stock d’indignation qui se targuent, chaque jour, de délester la France du fardeau de la culpabilité. Il faudrait davantage que les Pour en finir avec la repentance coloniale et Fier d’être français des Daniel Lefeuvre et Max Gallo pour empêcher ma voix de sourdre des décombres de siècles d’humiliation infligée au Nègre par les soins de notre chère patrie. Je parle pour informer la République de ses failles et la rappeler à ses promesses généreuses dont elle fit sa marque de distinction. Je parle, enfin – mais pas pour le moins – pour prévenir les Nègres de France d’une dérive nauséeuse en gestation au sein de leur communauté, et qu’il importe de tuer dans l’œuf sans tarder. Si l’indignation – difficilement dissimulée derrière l’ironie parfois – motive ma parole, c’est, cependant, le seul désir d’espoir qui guide celle-ci. Je n’ai pas l’ambition d’échafauder une thèse. Je n’ai pas la prétention de dérouler une théorie non plus. J’ai juste le souci d’avertir l’intelligence française de l’inertie qui la menace, et les Français de la négation de l’exigence de penser qui s’empare de notre société.

13 Je souhaite que cette parole en zigzag, avec ses excès et ses raccourcis, ses répétitions et ses non-dits, sonne le réveil des vigies de la pensée de la grandeur. Cette pensée radicale et généreuse, cette pensée franche et respectueuse, cette pensée qui s’efforçait de nous enchaîner à la posture de lévitation, si bien que parfois nous toisions Homère, Hermès, Dionysos, Minerve et compagnie. Puissent les lecteurs ne juger les lignes qui suivent qu’à cette aune. Pour finir, je tiens à remercier les amis et proches qui ont nourri ce texte par leurs remarques, leurs critiques et leur encouragement : Louis Hourmant, le regretté grand-frère Pape Ibrahima Seck, Stéphanie Lebasque, Florent Champy et Armelle Cressent. Avertissement.

AUX NEGRES DE FRANCE . . . 14

15 «Puis il découvre que le génie de la civilisation grecque est non pas celui de l’esprit indo-européen, mais celui du métissage biologique (. . . ) » Jean-Michel Djian « Il y a péril en la demeure » M. Besson! À l’âge de neuf ans, je fis la rencontre d’une expression fascinante : « Il y a péril en la demeure ». Elle peut sonner terne pour bien d’entre vous. Mais que diable! On a les goûts qu’on peut. Je l’appris, en effet, en classe, dans un texte dont je désespère de retrouver le titre. D’emblée, je lui fis place dans un compartiment de mon cortex déjà rempli de mille merveilles de la langue française. Sur le chemin poussiéreux et ocre du retour, je me plus à la tourner autour de ma langue, à me délecter de sa douce saveur. Et, déjà à mi-chemin de mon domicile, cette expression légère et polysémique réussit l’exploit de sceller l’une de mes plus belles histoires d’amour : celle avec la langue française. Une histoire d’amour comme il en existe tant autour de nous. Avec ses hauts et ses bas, ses moments de passion et ses éclats de tempêtes. . . comme lorsque je reviens de mes escapades épisodiques avec la langue

AUX NEGRES DE FRANCE . . . 16 anglaise par le détour de laquelle j’apprends à apprécier, à nouveau, les instants d’apaisement qui, ponctuellement, sont au rendez-vous au terme de chaque commerce avec sa rivale française. Toujours sans honte, ni mauvaise conscience, - cette tare bourgeoise mortellement contagieuse -, je retourne à mon amour inébranlable. Parce que le bel amour, l’éternel, ne meurt pas de l’association. Au contraire, il s’en nourrit et renforce. Comme le pourtour de la plante qu’on bêche et emplit de compost, actes par excellence de meurtrissure ainsi que de coalescence, diraient les biologistes, à seule fin de juguler l’échéance de la décrépitude. Cette métaphore de la complexité de l’amour comme association et épreuve, je voudrais la partager avec le Ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité Nationale et du Développement Solidaire (ouf!), et consorts, sans oublier l’homme qui, pour paraphraser Benda, fait pour l’instant leur renommée et leur dispense honneurs et privilèges. Je voudrais instruire ses messieurs de la complexité de cette métaphore en vue de les édifier sur le sens même de l’identité. Puisse mon élan de générosité leur permettre de définitivement accéder aux preuves de l’inutilité de leur effort et les garder donc de s’enferrer dans leurs errements. Je ne pourrais entièrement m’assurer, dans ce qui suit contre la tentation d’enfoncer des portes ouvertes. Car à qui souhaite exprimer son désaccord à un sourdmuet, il ne sert strictement à rien de le lui murmurer, sous prétexte de lui témoigner respect et considération. En ce cas aussi l’usage du langage des signes est

17 de rigueur. Qu’il me soit donc permis d’appliquer cette règle au cas de Monsieur Besson, de son bienfaiteur et de tous les fourriers de la question identitaire. Dans la logorrhée d’inculture et d’opportunisme que déversent ces barreurs actuels de la nation, il y a deux erreurs dont une à tuer dans l’œuf avant qu’elle n’éclose. La première est de vouloir enrégimenter l’identité française dans un carcan idéologique où elle ne tiendrait point. La deuxième est de s’efforcer de sonner la vindicte d’une majorité de Français, que les tenants de la «politique décomplexée» ont certifiée authentique et de souche, contre une minorité qu’ils ne considèrent pas plus qu’une greffe, laquelle, au reste, tient mal, à leurs yeux. Dans des officines ostentatoirement éclairées ou des tribunes décousues, des hommes et, rarement, des femmes s’affairent, ciseaux, compas, crayons et cartes par devers eux à délimiter les frontières intangibles de l’identité française. Chose curieuse, l’horizon de leur réflexion c’est le passé. Ni le présent, ni l’avenir n’y ont droit de cité. L’identité française s’y finit elle-même suspendue à une ère d’avant la naissance de ma propre grand-mère et même bien plus tôt. Ils la réduisent à des valeurs, des principes, des faits et bien d’autres choses insondables. Ainsi, des pages d’encyclopédies jaunies sont extirpées des catégories telles que : a) «l’âme française» - il faut bien exposer de temps à autre la momie de Barrès, me direz-vous, drôle d’époque! -; b) «nos racines judéo-chrétiennes», juste au moment où la proportion de Français, incontestablement minoIl y a péril en la demeure M. Besson!

AUX NEGRES DE FRANCE . . . 18 ritaire, qui se prévaut d’une fréquentation, ne seraitce qu’occasionnelle, des lieux de culte ainsi classés se réduit, au fil des ans, à une peau de chagrin; et d’ailleurs, à nos plongeurs souterrains, leur est-il jamais venu à l’idée que nous chérissons l’arbre aussi, sinon bien plus, pour l’ombre, le bois de chauffe et les fruits qu’il nous prodigue, et cesserait-il de le faire que nous le laisserions crever sans états d’âme. c) «la solidarité», principe ô combien noble, mais dont l’application est devenue réservée à quelque enfant socialement défavorisé qui, à peine de vingttrois ans âgé, et sans le moindre parchemin, manque in extremis de nous imposer son caprice de présider, dans le sillage de son géniteur, aux destinées du plus grand centre d’affaires d’Europe, l’EPAD. Il ne manque, me semble-t-il, sur la liste des identificateurs des frontières de l’identité nationale, que la pomme de terre en robe des champs. Ce plat majestueux et succulent digne de nos terroirs millénaires, le seul épargné aujourd’hui par la sinisation et l’indianisation de notre cuisine quotidienne. Ce plat que tout membre certifié authentique de la nation se doit de servir les jours de fête, pour ensuite clore le repas avec une bonne gavotte, à défaut une bourrée à trois temps. Vous me permettrez d’informer les nouveaux géomètres de l’identité nationale, une fois qu’ils auront fini de la garroter à l’âme, à la religion et aux « racines judéochrétiennes », que l’identité s’accommode fort mal d’un enclos. Comme certaines espèces animales qui se meurent de durer en captivité. Il est une première caractéristique de l’identité française – comme de toute autre identité d’ailleurs – qui

19 leur échappe et explique leur entêtement à la circonscrire ex cathedra. C’est simplement que l’identité est élan. Autant dire vie. Autant dire mouvement. Elle se déploie, se cale parfois, zigzague et vadrouille à l’occasion pour se désankyloser lorsqu’il lui pèse de trop longtemps marquer le pas. Elle n’apparaît que partiellement sous forme de lignes droites, à l’image du tracé des frontières africaines et des rues nord-américaines. Elle est plutôt courbes, voire labyrinthes, car résultat de doutes, conflits, négociations, compromis à l’issue jamais définitive. L’identité est horizon, puisque jamais figée, mouvant au gré du déplacement et du positionnement de l’œil qui la jauge. Fuyante, ses frontières n’existent que dans notre regard. La deuxième caractéristique de l’identité, qui découle logiquement de ce qui précède, est que celle-ci est ouverture. M’appliquerais-je à expliciter le sens de ce terme que je me rendrais coupable de lèse-majesté. Et comment? Mes deux interlocuteurs prioritaires ne sont autres que le théoricien en chef de l’ouverture et le premier bénéficiaire de son programme théorique. Qu’on me permette donc de juste ajouter que, parce qu’ouverture, l’identité est donc cheminement vers l’autre. Elle n’est pas bras croisés mais plutôt main tendue. Sa vocation, c’est donc la rencontre. Rencontre de l’autre, souvent l’inconnu, qu’on cueille en passant; l’autre auquel on emprunte pour s’alimenter et prospérer. C’est dire qu’au contraire du Dieu de Moïse, de Jésus et de Mahomet, l’identité ne se prévaut et ne pourra jamais se prévaloir d’une autosuffisance. Il y a péril en la demeure M. Besson!

AUX NEGRES DE FRANCE . . . 20 Au contraire de ce Dieu, elle ne répugne pas l’association. Les mots, les mets, les costumes… des bicots, des bougnoules, des Nègres, ou des chinetoques ne lui sont pas une menace lorsqu’ils s’avèrent externes. Ces apports, l’identité s’en repaît, les digère, et en élimine. Ce sont des apports dont elle se transforme et qui lui sont nécessité, compléments vitaux. Gardez-vous donc Messieurs le théoricien et le bénéficiaire de l’ouverture de ligoter l’identité nationale au pieu de « l’âme française » dont la majorité des Français lucides peinent à trouver les contours et le contenu. Rappelez-vous, Messieurs! : «Il y a péril en la demeure». Même mon premier peuple d’appartenance, dont vous ne vous risquerez certainement pas à rechercher les apports à l’identité française, a idée de la force de cette belle expression. On y dit, là-bas, quelque chose d’approximativement équivalent : «la chèvre ne broute qu’autour du piquet où elle est attachée». Et comme on y est avare de mots, et très respectueux de l’intelligence de l’interlocuteur, on laisse à celui-ci le soin d’en déduire que le péril guette la chèvre qui n’aura pas été détachée du piquet. Il est, honorables défenseurs de la France éternelle, une troisième caractéristique de l’identité par laquelle j’aurais peut-être dû commencer : comme la conscience, dans l’idée de Sartre, l’identité nationale se fait ; elle n’est pas donnée. Elle résulte du déploiement des énergies humaines. À la fois dans leur convergence et leur divergence. Elle procède d’utopies, d’idéaux, de vœux, de privations et de générosités, de folies scatologiques comme d’«intelligences scintillantes», pour reprendre cette admirable composition de Jean-Michel Djian.

21 Elle est, sous cet angle, une figure du multiple, donc qui se compose et se recompose au gré de la quantité, de la qualité et de la direction des énergies auxquelles elle ressortit. L’identité nationale n’a donc rien d’une unité transcendante, n’en déplaise aux vigies de l’«âme française» qui cherchent à nous embrouiller. S’accrocher à l’idée contraire, c’est, en définitive, empêcher l’homme d’assumer son humanité, c’est-à-dire simplement de penser et d’agir en ayant pour ultime finalité l’homme. C’est, en outre, contraindre la nation à abdiquer le fondement même de sa survivance, à savoir sa conception comme projet collectif en permanent renouvellement. Quitte à passer ou pour docte, au mieux, ou pour verbeux, au pire, je m’offre ici la liberté de préciser que renouvellement n’est pas reconduction. On ne renouvelle pas en rappelant les mêmes. Nul ne rendrait service à la nation en y imposant à chaque génération les mêmes valeurs, les mêmes principes, les mêmes règles et enfin le même profil de citoyens pour veiller à sa destinée, au prétexte de conserver l’identité nationale. Mutatis mutandis, nul ne travaillerait à la fortune de l’identité nationale en la figeant dans la répétition de valeurs, de principes, de modèles fourbis à une période spécifique de l’histoire. Lorsque j’entends le barreur en chef de la nation, lorsque j’entends ses soutiers préposés à la contention des métèques pour les besoins de la préservation de la pureté de l’identité nationale évoquer à tour de bras le 18ème siècle, le 19ème siècle, et l’aube du 20ème Il y a péril en la demeure M. Besson!

AUX NEGRES DE FRANCE . . . 22 siècle, lorsque je les entends convoquer la fraternité et la solidarité, je me dépêche de chausser mes pompes et d’aller vérifier du côté de la plaine Saint-Denis, qu’au stade de France, nos Bleus mènent toujours au score. Car, moi, la fraternité et la solidarité dont on me rebat les oreilles comme principes fondateurs de notre identité nationale, je n’en ai jamais été enveloppé à la sortie des classes, après un cours terne sur Les lumières et la Révolution. Moi, la solidarité et la fraternité, c’est devant un écran géant sur les Champs-Élysées, ou aux abords du stade de France, ou dans un café du 11ème arrondissement, après chaque match victorieux des Bleus en 1998, que j’ai eu la chance d’en être irradié. Ce sont à ces occasions que des inconnus m’ont tendu leur propre bouteille entamée afin que je puisse étancher ma soif d’avoir trop vibré à l’art footballistique des Bleus. Ce sont à ces occasions que des hommes et femmes jamais croisés auparavant m’ont enveloppé de leurs bras et embrassé tendrement pour me signifier que j’ai aussi droit de cité sur le navire national. Ce sont à ces occasions que des compatriotes un peu plus dotés et dont j’ignorais jusqu’au nom m’ont épargné les affres de la marche à pied, ou les aléas du Noctambus en offrant de me déposer en voiture. Je souhaiterais pour cette raison que, au lieu de me servir la Révolution française, les philosophes du 18ème siècle et je ne sais quelles momies au Panthéon, les apôtres de l’ouverture – si tant est, d’ailleurs, qu’ils se veuillent en phase avec leur propre théorie – m’illustrent la fraternité et la solidarité par le geste presqu’amoureux de Laurent Blanc qui pose tendrement ses lèvres sur le crâne chauve de Barthez à chaque fois que celuici pare un tir dangereux. Je préférerais plutôt qu’ils

23 me rappellent la prière presqu’enfantine de Zidane à ‘‘Mémé’’ Jacquet qu’il implore d’intégrer aussi son copain Dugarry dans la sélection nationale, ou encore la mâle tendresse dont les dix Bleus couvent Lilian Thuram après son but libérateur contre les Croates. Ces gestes, ce sont des morceaux anthologiques de solidarité et de fraternité pour moi-même et sans doute toute ma génération. Je ne crache pas sur les belles phrases et les beaux principes des révolutionnaires à qui la patrie est reconnaissante. Mais je ne suis pas contemporain de ces révolutionnaires, même pas de l’âge de leurs petits-enfants. Je suis un frère et un contemporain de Thuram, Blanc et Zizou. Et puis pour vous dire la vérité, je préfère la solidarité et la fraternité déclinées en actes, même mineurs, à celles qui se figent en principes, se réduisent en incantation. Alors, de grâce, passez-nous plutôt les images de communion qui échappèrent de ces beaux jours de notre belle équipe nationale! Je souhaiterais aussi souligner que, s’il ne reste plus que la fraternité, la solidarité, et tant d’autres principes corrélatifs à brandir comme marques distinctives de notre pays, je suis dans le regret d’informer les maîtres d’œuvre de l’identité nationale que la France n’a alors plus rien à se mettre de spécial pour briller au concert des nations. Car l’honnêteté exige de reconnaître que ces principes ont toujours été ou sont devenus l’horizon de bien des nations modernes, aussi bien celles que la France regarde de haut que celle qu’elle tend à singer: au Sénégal, cet engagement ne pouvait être on ne peut plus subtilement exprimé qu’à travers la devise nationale, « un peuple, un but, une foi »; et aux États23 Il y a péril en la demeure M. Besson!

AUX NEGRES DE FRANCE . . . 24 Unis, pays qui accomplit sa révolution bien des années avant le nôtre, le même idéal fut traduit dans la devise nationale, «E Pluribus Unum». D’entendre donc nos politiques invoquer la fraternité et la solidarité pour dire ce qu’est l’identité française, c’est, en restant dans le registre footballistique, comme d’entendre s’arroger l’identité de nation du football par ces Anglais qui ne sont mêmes pas fichus de battre les États-Unis au Mondial 2010. Les Allemands s’en taperaient le cul par terre de rires, et ne parlons même pas des Brésiliens qui ont raflé le trophée mondial de football cinq fois. Le débat sur l’identité nationale fait actuellement prospérer une erreur plus préoccupante que celle précédemment relevée : il s’agit de la mise en opposition délibérée de l’immigration et de la nation. Ainsi, le débat devient-il un référendum sur la légitimité de l’appartenance des immigrés à la nation. Et bien sûr, la réponse ne dépendant que de la façon dont la question est posée, tout observateur voit s’afficher comme nez au visage le résultat du référendum. Car les meneurs du débat n’ont pas pris le risque de la défaite. Ils se sont bien débrouillés pour faire correspondre leur initiative, sans doute classée dans le rayon de la démocratie participative, avec une surenchère sans commune mesure sur les voies législatives d’interdiction du port du niqab. Fin attelage! À croire que la majorité des immigrés de fait ou assimilés s’habillent chez Ossama Ben Laden. Mais n’ayons crainte! Le Président l’a réitéré encore au début de l’année 2010, il mettra jusqu’à sa crédibilité dans la balance pour que notre pays soit honoré d’un « débat noble ».

25 Et la noblesse du débat, le barreur en chef du navire national en a établi la condition de matérialisation à travers la formulation de son programme identitaire. Ainsi, s’engage-t-il : ‘‘Je veux qu’on réfléchisse à ce que doit faire celui qui est accueilli et à ce que la France doit faire vis-à-vis de celui qui est accueilli’’. Beau contrat social digne de la France généreuse dirait Lou Ravi Gaudin, l’administrateur en chef de la ville de Marseille. Las! Le contrat est biaisé. Il dissimule, comme ventre le fœtus, une césure de la France en une catégorie d’ayants droit perpétuels, invariablement de souche et légitimement représentative de la nation, d’une part, et une minorité éternellement d’ailleurs, toujours représentée la valise à la main, d’autre part. Une minorité transformée en dépit d’elle en intermittente de la nation, contrainte de jouir d’un contrat de citoyenneté à durée déterminée; une minorité qui est française et louangée quand elle est silencieuse et gagne, mais se retrouve déchue de sa francité lorsqu’elle perd et déconne un peu, comme les Nègres perdants de la sélection nationale de football en ont fait l’expérience à l’occasion de la Coupe du Monde 2010, comme Yannick Noah en avait fait l’expérience avant eux à chaque fois qu’une défaite sur un court le réduisait à ses origines camerounaises dans le discours des commentateurs. ‘‘Je veux qu’on réfléchisse à ce que doit faire celui qui est accueilli et à ce que la France doit faire vis-à-vis de celui qui est accueilli’’, disait donc le Président. C’est simplement la France et l’immigration respectivement qui sont ici nommées dans une langue moins hermétique. Ainsi celle qui accueille et celle qui est accueillie. Il y a péril en la demeure M. Besson!

AUX NEGRES DE FRANCE . . . 26 Descendons,jevousprie,d’unpalierdansl’analysede l’engagement du rédempteur de la France pour mieux estimer la subtilité de la césure qu’il opère. Il y a le nondit péremptoire que celui ou celle qui met à mal l’identité nationale est définitivement d’ailleurs. C’est l’invité qui abuse de la générosité de la France comme dirait M. Gaudin. Il est pourtant un fait d’une clarté déconcertante : c’est que dans l’affaire de la burqa que l’on n’a que trop attelée au débat sur l’identité nationale, il n’est encore établi aucune preuve que ses adeptes sont toutes, ou même majoritairement des immigrées. Dans les quelques témoignages fort partiels, il faut en convenir, qui suintent des articles de presse, il est au contraire entendu que le port de la burqa est plutôt le choix de filles de la République. C’est-à-dire de citoyennes nées dans l’Hexagone et gavées de baguette et camembert, étrillées, selon les unes, par une société ayant réduit le corps féminin au statut de marchandise, décontenancées, d’après les autres, par les échecs répétitifs qu’elles ont connus dans leur vie et le risque de déréliction y afférent. On se demande, sous ce rapport, comment celle qui accueille a pu être différenciée de celle qui est accueillie. Et la réponse… l’unique qui résiste pour l’instant à l’épreuve des faits est que le leader de notre nation est aussi un chirurgien qui a tardé de nous édifier sur son expertise médicale. C’est chose faite dorénavant. D’un coup de scalpel, il a excisé la nation en en détachant à jamais cette part sombre et ambiguë d’elle-même que l’on nomme pour mieux la tenir à distance ‘‘les originaires de’’ ou ‘‘les issus de’’. Une part, de fait, constitutive de la nation, mais mise hors la nation par le pouvoir du Verbe.

27 Ce pouvoir du Verbe, au reste, Lou Ravi Gaudin, nous en a fait la démonstration récemment. Ne l’avons-nous pas entendu commenter, avec la finesse d’un orfèvre de l’identité nationale, et au plus fort d’un raout marseillais sur les frontières de cette identité, l’explosion de joie qui avait suivi, sur la Canebière, la victoire de l’Algérie face à l’Egypte aux éliminatoires de la Coupe du monde ? Il observe, note et se désole, le Grand Timonier de Marseille, pays de Zidane, que : ‘‘15 à 20. 000 musulmans ont déferlé dans les rues de Marseille’’ faisant claquer au vent une ‘‘multitude de drapeaux algériens sans qu’il y ait eu aussi quelques drapeaux français’’, et pourtant ‘‘la France est généreuse’’. En clair, il n’y avait pas de Français ce soir là sur la Canebière. 15 à 20. 000 gugusses exaltés, mais pas un seul Français sur ce morceau de France, pas un natif de la Castellane, pas un seul titulaire de la carte d’identité française. 15 à 20000 bougnoules ‘‘ambianceurs’’ exhibant tous un passeport délivré par la République Populaire de la Umma. C’est le comble ! Des musulmans. Donc corps polluants, étrangers à la France. Il n’a pas indiqué, M. Gaudin, si tous ces musulmans étaient cachés sous une burqa, mais le rapport tant attendu de sa police ne devrait pas tarder à nous édifier dessus. Musulmans et ingrats avec ça nos supporters de l’équipe algérienne ! Même pas une pensée pour la France généreuse qui leur a fait don de son hospitalité. Cette France qui, à travers sa ville méditerranéenne, ajoute M. Gaudin, a toujours su faire place à l’étranger avec ‘‘un E majuscule’’ insiste, d’ailleurs, le premier magistrat de Marseille. Que leur eût-il coûté de faire Il y a péril en la demeure M. Besson!

AUX NEGRES DE FRANCE . . . 28 place, à leur tour, à deux ou trois drapeaux français aux côtés des algériens, ne serait-ce que pour montrer que l’Algérie qui gagne, c’est rien d’autre que la France qui met un but? Cette ingratitude n’est-elle pas la preuve, s’il en fallait une de plus, qu’ils ne pourront jamais être français, ces musulmans de France ?

29 «Je t’écris dans la solitude de ma résidence surveillée – et chère – de ma peau noire » Léopold Sédar Senghor Vous n’êtes pas sage M. Finkielkraut ! Le droit à la vérité et la résistance à la pensée unique ou la ‘‘bien-pensance’’, comme disent ironiquement certains de nos contemporains, ont bon dos. Ce sont des principes indéniablement louables dans des sociétés ‘‘démocratiques’’ où repousser les frontières de la connaissance et questionner les idées canonisées sont hautement valorisés. Le drame des sociétés démocratiques, au stade actuel de leur maturité, réside, cependant, en ceci que ces principes tant loués servent de plus en plus à battre la campagne pour tous les extrémismes, ouverts ou larvés qu’alimentent les choix politiques et économiques catastrophiques dont nous payons tous le prix aujourd’hui. Nous étions habitués à entendre Jean-Marie Le Pen et quelques membres de sa cour se prévaloir de ces principes pour, disent-il, tirer le véritable bilan du génocide juif par les nazis. À peine quelques années passées, le comique Dieudonné, qui, au demeurant, a cessé de faire rire bon nombre d’entre nous, brandissait les En

AUX NEGRES DE FRANCE . . . 30 sait les mêmes principes pour identifier les causes objectives de la privation matérielle et morale des Nègres du globe, et ceux de France en particulier : ainsi accusait-il vilement la communauté juive de s’être approprié le ‘‘monopole’’ de la souffrance collective après s’être enflée des dividendes du commerce transatlantique. Le dernier inscrit en date à cette fraternité tristement fameuse de défenseurs du droit à la vérité et de résistants à la ‘‘bien-pensance’’ est notre Alain Finkielkraut national. Dans une interview datée du 18 novembre 2005 au quotidien Haaretz – reprise en partie par Le Monde – dont je suis un occasionnel lecteur, pour son traitement sans commune mesure sur tout le ProcheOrient de l’actualité jamais obsolète dans cette partie du monde, quelle ne fut pas ma surprise de lire M. Finkielkraut asséner avec les dernières forces qui lui restent de persécuté, de proscrit, de censuré de la sphère cathodique et du milieu de l’édition que ‘‘les choses qu’il va nous dire au cours de l’entretien ne sont plus des choses qu’il peut dire en France’’. Et ces ‘‘choses’’ que confie Finkielkraut, au plus haut de sa détermination christique ’’de maintenir le langage de la vérité’’, sont déclinées dans l’ordre suivant : a) les émeutes qui ont secoué nos banlieues en 2005 attestent d’une ‘‘dimension sociale’’ bien moindre que d’un caractère ethnico-religieux. En clair, ce n’est point la discrimination vécue par les jeunes Nègres et Arabes dans le domaine de l’emploi et dans d’autres secteurs qui a mis le feu à des propriétés collectives et privées, des biens mobiliers et immobiliers dans quelques villes de l’Hexagone, mais tout simplement la haine nourrie par Noirs et Arabes obnubilés par leur identité islamique – que Finkielkraut caractériserait certainement d’impé

31 rialiste, d’hégémonique – contre une France qui leur accorde tant qu’ils ne songent même pas à la quitter pour un autre pays, et encore moins pour ‘‘les pays d’où ils viennent’’ ; b) la ‘‘culture islamique’’ qui définit ces Nègres et Arabes s’abstient de traiter les problèmes qui lui sont consubstantiels et préfère ‘‘rechercher un responsable extérieur un bouc-émissaire en clair à ceux-ci’’ comme ‘‘il est beaucoup plus simple de trouver un responsable extérieur, plus tentant de se dire que nous sommes négligés en France, et de dire ‘’Donnez-moi, donnezmoi’’ ; c) En France, ‘‘on est en train de changer l’enseignement de l’histoire coloniale et de l’histoire de l’esclavage dans les écoles. Maintenant on enseigne que l’histoire coloniale est exclusivement une histoire négative. On n’enseigne plus que le projet colonial entendait aussi éduquer, apporter la civilisation aux sauvages’’ ; d) ‘‘Ce que ce pays a fait à mes parents est beaucoup plus violent que ce qu’il a fait aux Africains. Qu’a-t-il fait aux Africains ? Il n’a fait que du bien aux Africains. Il a mis mon père en enfer pendant cinq ans. Et je n’ai jamais été élevé dans la haine. Et, aujourd’hui, cette haine que les Noirs portent en eux est même plus grande que celle des Arabes. ’’ J’avais songé, après lecture de cette logorrhée confessionnelle de M. Finkielkraut, à me contenter d’écraser un sourire de dépit et de fermer la page du Haaretz. J’ai finalement fait le choix d’écrire. Choix coûteux qui se justifie par l’identité du personnage. Vous n’êtes pas sage M. FINKIELKRAUT !

AUX NEGRES DE FRANCE . . . 32 En effet, Finkielkraut n’est pas Le Pen contraint de tenir un commerce de la haine et de la stigmatisation du faible et du différent pour assurer sa longévité politique dans un pays où l’apologie de la pureté est devenue un véritable mât de cocagne pour les formations politiques nationalistes au nombre régulièrement en hausse. Finkielkraut n’est pas non plus Dieudonné, marchand de rires, certes talentueux, promu par quelques personnalités du monde du show-business, dont certaines identifiées comme étant des Juifs auxquels il fait porter la responsabilité de tous les maux d’Israël qui frappent la race nègre. Finkielkraut est professeur de philosophie et produit d’une élite scolaire qu’il contribue à générer par sa propre activité professionnelle. Bien qu’il feigne une persécution médiatique, il est un habitué des plateaux de télévision et de radio, des colonnes de nos grands quotidiens nationaux, ainsi que de quelques salons dorés de la République où il délivre une parole soi-disant d’expert. Et donc, en tant que tels, un citoyen dont le discours investi d’une certaine autorité est fort susceptible d’être entendu d’une bonne partie de la population française. D’où la nécessité civique, en dépit de quelques années de décalage, de lui porter la contradiction, de lui signifier en passant qu’il n’a ni le monopole du civisme ni celui de l’amour de la République. M. Finkielkraut, il est, pour commencer, regrettable d’entendre un esprit éclairé comme le vôtre, compté dans un passé encore très récent parmi les espoirs de la philosophie française post-soixante-huitarde, ramener les causes de la violence de l’automne 2005 dans les banlieues françaises à l’identité ethnico-religieuse de leurs acteurs, et balayer ainsi du revers de la main les facteurs sociaux qui la fondent et l’alimentent. Est-il

33 besoin de rappeler à un philosophe de formation et de profession comme vous, lecteur assidu du Sartre de Réflexion sur la question juive que l’identité ethnicoreligieuse est une construction sociale et non pas une donnée biologique, et que la condition économique de l’individu contribue à l’informer? Surligner une dimension ethnico-religieuse, au détriment de la dimension sociale, dans votre effort de compréhension des actes de violence des jeunes de nos ‘‘banlieues’’ est une démarche méthodologique stérile inattendue d’un grand connaisseur de Sartre et de Marx. L’investissement d’une identité ethnico-religieuse par les jeunes des ‘‘cités’’ - si d’ailleurs investissement il y a - ne serait que le résultat de leurs interactions quotidiennes dans les sphères économiques, politiques et ludiques où par le regard, les attitudes et la rhétorique des inventeurs et ayant droit autoproclamés du label ‘‘Français de souche’’, ils se trouvent confinés dans une altérité irréductible : ainsi ne sont-ils jamais Français tout court, mais au mieux Français issus de l’immigration, Français d’origine étrangère… ou plus souvent qu’on n’y prend garde, deuxième, voire troisième génération d’immigrés, comme si la nation française avait cessé d’être civique pour s’enivrer à nouveau des effluves de l’ethnicité. Voudriez-vous, M. Finkielkraut, une illustration tangible de cette thèse en rien originale dans le milieu professionnel qui est le mien, à savoir la sociologie, que je refuserais de vous citer le cas très connu du distingué professeur Raymond Aron, redécouvrant sa judéité, dont il n’a jamais fait ostentation, au reste, à l’occasion de la sortie malheureuse du Général de Gaulle - que vous chérissez tant aujourd’hui après avoir contribué à Vous n’êtes pas sage M. FINKIELKRAUT !

34 le clouer au pilori en mai 1968 - sur le ‘‘peuple juif dominateur et sûr de lui’’. D’ailleurs qu’aurais-je à invoquer le regrettéAron,alorsquevotreparcoursillustreàmerveille le processus de production de l’identité ethnico-religieuse par l’environnement social. Jadis jeune révolutionnaire et brillant penseur, n’assumant une identité que professionnelle, vous avez, ces dernières années, sous l’effet de la résurgence en France de l’antisémitisme dans la lutte contre lequel je vous accompagne avec les maigres ressources dont je dispose, découvert votre judéité, au point de passer dans nombre de milieux pour le ‘‘héraut de la communauté juive’’ et le défenseur attitré de l’État d’Israël. Il n’est pas dans mes intentions de faire abstraction de l’identité ethnico-religieuse des émeutiers, quoique j’estime utile de préciser, pour votre gouverne, qu’à la différence de la minorité arabe largement musulmane par filiation, la minorité nègre de France est majoritairement chrétienne. Sont légion les recherches sociologiques et démographiques que vous ne vous abaisserez certainement jamais à lire qui l’attestent. Mais cette identité n’explique pas grand-chose. La surexposer, ainsi que vous le faites, comme facteur explicatif sine qua non équivaudrait à ramener la mise à sac du bureau de Dominique Voynet par les membres de la FNSEA, sous le gouvernement Jospin ou, mieux, les interruptions récurrentes du trafic routier par les agriculteurs de la Bretagne à l’action d’une tribu celtique réfractaire à l’intégration dans la France et la dynamique capitaliste moderne, d’une tribu congénitalement en haine d’une République qui a assimilé par ruse et force ses ancêtres. Les Noirs et Arabes de France que vous semblez vouloir envelopper définitivement dans le carcan de leur idenAUX NEGRES DE FRANCE . . .

35 tité ethnico-religieuse, qui serait devenue unique réceptacle et vecteur de sens pour eux, sont aussi des agents rationnels soucieux de gagner des droits et de défendre leurs intérêts de classe, laquelle, dans leur cas, a une teinte spécifique laissée par des siècles de stigmatisation de la couleur sombre en terre française. Mais j’avais oublié que certainement pour vous, Monsieur Finkielkraut, ces gens-là, comme vous aimez à les désigner, par leur carte génétique même, ne peuvent aucunement se soucier de produire une conscience collective, et encore moins une conscience de classe. Il est surprenant, au demeurant, M. Finkielkraut, qu’un esprit analytique aussi ‘‘moderne’’ et informé que le vôtre soit surpris que ces gueux de Nègres et d’Arabes, qui n’ont jamais rien appris d’autre que tendre la main, détruisent aussi les écoles et gymnases de leurs quartiers, en fait les rares ressources dont ils sont les premiers à jouir. Pour vous aider à vous départir de votre surprise, je vous inviterai simplement à vous demander pourquoi les agriculteurs en colère brûlent et saccagent d’abord leurs récoltes dont ils jonchent les autoroutes de France. Pourquoi, dans une dispute conjugale, ce sont toujours la vaisselle et les objets de décoration acquis par le couple au prix de dizaines d’heures de labeur, et parfois de sacrifices, qui volent d’abord en éclats? Enfin pourquoi les ouvriers en grève brisent d’abord leurs propres outils de travail? Bon lecteur de Marx, vous parviendrez certainement à trouver par vous-même la réponse à ces questions. Fidèle fonctionnaire du savoir soucieux de l’image de la République dont vous louez tant la sagesse et l’exigence, vous penserez, j’espère, à réfréner vos pensées à l’avenir, car vous ne voudriez point, j’imagine, que l’on Vous n’êtes pas sage M. FINKIELKRAUT !

AUX NEGRES DE FRANCE . . . 36 fasse grief à l’État de rémunérer un philosophe dont la parole publique ne s’élève pas au-dessus du niveau du café du Commerce : la femme de César se doit d’être vertueuse, M. Finkielkraut. Nouvel héraut auto-proclamé de la République, vous n’hésitez pas, M. Finkielkraut, à blanchir la France de ses actes passés en la créditant de mille et une choses entièrement positives durant sa fièvre expansionniste. Ainsi, pour vous, M. Finkielkraut, les Nègres et les Arabes ne devraient que savoir infiniment gré à la France de les avoir extraits de la nuit noire de leur désolation matérielle et intellectuelle. Pour vous, M. Finkielkraut, le programme d’enseignement scolaire ne mérite aucun toilettage quant à son chapitre sur la période coloniale, puisque la France, au travers de son projet colonial, n’a fait que du bien pour avoir éduqué et apporté la civilisation aux ‘‘sauvages’’. Il est pathétique de voir un universitaire formé dans la discipline la plus totalisante qui soit, à savoir la philosophie, vivre dans une telle ignorance de l’histoire. Les bibliothèques françaises, M. Finkielkraut, ploient sous la charge de milliers de volumes sur l’histoire coloniale française qui montrent, avec une rigueur professionnelle exemplaire, que les réalisations humanistes et grandioses de notre chère patrie commune en Afrique noire, dans le Maghreb et en Indochine ont été entachées des pires atrocités humaines et culturelles. Qu’était-il besoin d’instaurer le code de l’indigénat pour une République aussi égalitaire et généreuse que la nôtre ? Qu’était-il besoin de brûler des récoltes, piller et torturer hommes et femmes, comme le fit l’armée Faidherbienne au Sénégal, si et ‘‘seulement’’ si le ’’bien’’ des indigènes motivait la présence coloniale française. Vous me rétor

37 querez, peut-être, que vous n’avez plus le temps de lire vos collègues, M. Finkielkraut, submergé que vous êtes par vos diverses chroniques dans les médias. Mais alors, branchez-vous donc de temps en temps à nos chaînes de télévision publiques. Vous y surprendriez parfois des reportages inédits, tels celui d’Yves Boisset, qui vous édifieront sur les basses œuvres des missionnaires de la très humaniste colonisation française. Vous y apprendriez alors de la bouche d’un colonel Argoud, par exemple, qu’il n’a fait torturer que 15000 Arabes, en insistant, cependant, bien auprès des exécuteurs qu’il leur fallait respecter l’intégrité physique et morale des suppliciés. Quelle grandeur d’âme ! Vous y apprendriez, de la bouche, d’un autre gradé, quel usage faire du ciment en territoire colonisé : versez dans une bassine, ajoutez de l’eau, touillez et plantez-y profondément les pieds d’un Fellagha auquel vous offrirez un saut en hélicoptère, la tête dans le vide. Elle était bien propre notre très humaniste mission coloniale, M. Finkielkraut ! M. Finkielkraut, vous interprétez mal la demande de reconnaissance qu’expriment nos compatriotes nègres et arabes en la réduisant à une haine congénitale de ceux-ci contre la France. Méditez seulement les vers de prière du grand-poète nègre, Léopold Sédar Senghor, fidèle serviteur de la France auquel la patrie a hélas oublié d’exprimer sa reconnaissance en ne jugeant ses obsèques dignes ni de la présence du Président Chirac, ni de celle du Premier ministre Jospin. En méditant les vers qui suivent, toute l’ambivalence de l’attitude des jeunes nègres et arabes d’aujourd’hui vous deviendra pénétrable, comme elle est à l’image de l’ambivalence Vous n’êtes pas sage M. FINKIELKRAUT !

AUX NEGRES DE FRANCE . . . 38 persistante de l’attitude française elle-même vis-à-vis de ses fils et filles nègres et arabes : Ah!Seigneur. ÉloignedemamémoirelaFrance qui n’est pas la France, ce masque de petitesse et de haine sur le visage de la France. Ce masque de petitesse et de haine pour qui je n’ai que haine – mais je peux bien haïr le Mal. Car j’ai une grande faiblesse pour la France. Bénis ce peuple garrotté qui par deux fois sut libérer ses noirs et osa proclamer l’avènement des pauvres à la royauté. Qui fit des esclaves du jour des hommes libres, égaux et fraternels. Bénis ce peuple qui m’a apporté Ta Bonne Nouvelle et ouvert mes paupières lourdes à la lumière de la foi. Vous vous prévalez d’aimer la France, M. Finkielkraut. Si vous êtes sincère, pensez à la sermonner de temps en temps, comme le font la majorité des Nègres et Arabes de France sans recours aucun à la violence. Notre peuple vous fera ainsi une place éternelle dans son cœur comme il le fit pour Zola, comme il le fit pour Sartre. Il est triste, M. Finkielkraut, de voir un brillant esprit comme le vôtre affectionner des quolibets aussi dangereux qu’injurieux, tels ‘‘sauvages’’, qui fleurent bon la raciologie des XVIIIème et XIXème siècles. Vous auriez pourtant pu apprendre de Lucien Lévy-Bruhl, qui s’était finalement repenti de ses erreurs de jugement

39 de jeunesse pour avoir qualifié les peuples africains de ‘‘sauvages’’ et de ‘‘demi-civilisés’’ à la ‘‘mentalité prélogique’’. Auriez-vous un tant soit peu été assidu à vos cours d’anthropologie que vous auriez appris que ces populations ‘‘sauvages’’, les Bambara plus particulièrement, savaient au moins que la pondération et la maîtrise de l’art de parler sont au commencement de la sagesse, au point d’en faire des critères de promotion générationnelle et d’accès au statut de ‘‘vieux’’. Vous êtes certes d’une discipline qui cultive l’amour de la sagesse (philo-sophia), mais, décidément, vous n’êtes pas sage M. Finkielkraut. Sinon, que serait-il besoin à moi, qui n’était même pas conçu lorsque de derrière les barricades vous cassiez du flic en mai 1968, de vous rappeler à l’ordre. M. Finkielkraut, durant mes années Belleville, dans le 20ème arrondissement de Paris que vous ne vous abaisserez certainement jamais à visiter tellement il pullule de Nègres et d’Arabes, vivant cependant en bonne intelligence avec des Blancs de toutes origines ethniques et affiliations religieuses, il y avait un moment précis de ma journée que j’avais toujours hâte de vivre. C’était sortir de mon immeuble pour aller prendre le métro à la station Belleville et faire le chemin inverse. Car je devais toujours passer devant un grand tableau mystérieux signé Ben, qui avertissait ainsi, sans prétention : ‘‘Il faut se méfier des mots’’. A défaut de vous convaincre de faire une brève excursion en pays bambara, je vous suggérerais simplement, M. Finkielkraut, d’occasionnellement faire un pèlerinage dans ce petit morceau de Paris pour vous imprégner des précautions à prendre avant la prise de parole. Vous n’êtes pas sage M. FINKIELKRAUT !

40 M. Finkielkraut, dans son texte intitulé ‘‘Pourquoi des poètes ?’’, où il analyse l’élégie d’Hölderlin, Heidegger, dont vous êtes très certainement un grand lecteur, osait affirmer, sans sourciller, que le besoin de poètes est d’autant urgent que le cours de notre monde ‘‘décline vers sa nuit’’, que ‘‘la nuit du monde étend ses ténèbres’’, que ‘‘désormais, l’époque est déterminée par l’éloignement de Dieu’’. Je substituerais au terme ‘‘poètes’’ celui de ‘‘philosophes’’ pour dire simplement qu’en cette période de déréliction où tous les repères semblent brouillés, où la vogue déréistique s’est emparée des quatre coins du monde, nous avons plus que jamais besoin de cette espèce dont vous êtes encore membre – j’espère, du moins – pour nous guider. De grâce! M. Finkielkraut, pour notre amour sacré de la patrie, ne pavez pas le chemin des démons ; n’épaississez pas davantage les ténèbres de ce monde en attisant le feu de l’intolérance ; ne surfez pas sur la vague de la haine, de la stigmatisation et du négationnisme qui ont emporté, à notre grand dam, certains de nos plus brillants guides, mais insuffisamment lucides tels Heidegger et Garaudy. AUX NEGRES DE FRANCE . . .

61 ‘‘Seigneur, vous m’avez fait Maître-de-langue Moi le fils du traitant qui suis né gris et si chétif Et ma mère m’a nommé l’Impudent, tant j’offensais la beauté du jour. Vous m’avez accordé puissance de parole en votre justice inégale Seigneur, entendez bien ma voix. PLEUVE! Il pleut’’ Léopold Sédar Senghor ‘‘Ma vie sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir’’ Aimé Césaire Des intellectuels nègres muets Qui est bien informé de l’histoire de l’intelligentsia nègre en France est vite frappé par le déficit de verve que connaît celle-ci aujourd’hui comparativement à l’après-guerre! Sous la colonisation s’était, en effet, déployée une pensée nègre d’une fécondité et d’un radicalisme insoupçonnés dans une contrée où l’image du Noir enfant à protéger contre sa propre insouciance était dominante. L’historiographie porte les traces d’un mouvement intellectuel nègre décidé à en finir avec la mise sous tutelle des Noirs, fût-elle entre les mains d’une poignée d’humanistes blancs prétendument attentifs aux besoins des races dominées. Des livres d’histoire exsude encore l’indignation de jeunes sujets coloniaux tant insultés à travers les affiches de Nègres rieurs et

62 affables qu’ils promettaient de déchirer ‘‘tous ces rires banania sur les murs de France’’. Césaire se démarque, par sa virulence et son engagement, au sein de sa génération. Voix ‘‘des sans voix’’, plume tranchante rétive à la compromission, il pavera la voie à une jeune génération d’étudiants radicaux, lesquels communiaient autour des valeurs et principes de la Fédération des Étudiants d’Afrique Noire en France (FEANF). Par la voix de la FEANF et de ses aînés concepteurs de la négritude, l’intelligentsia nègre gagnait voix au chapitre. De cette voix, elle usa pour ébranler l’ordre politique établi. De cette voix, elle usa surtout pour saper le confort idéologique d’une nation se prévalant d’une œuvre d’émancipation et d’assimilation de barbares cooptés dans la grande famille française. L’intelligentsia nègre ne ménagea point la République dont elle s’amusait à relever les contradictions et les pratiques racistes et discriminatoires. Une France des Lumières dont elle pensait que la devise Liberté Égalité Fraternité exhale comme un putois en putréfaction. Car cette France ne sait même pas être aveugle à la naissance et à la couleur de peau de ses sujets. Dans un éditorial incisif et sans concession de L’Étudiant d’Afrique noire dont il était rédacteur, Albert Tévoedjré écorchait la mère-patrie. Il y moquait son grand leurre sur l’égalité et la fraternité. La mère-patrie qui était heureuse d’annoncer, par voie législative, l’attribution d’une bourse d’étude d’une durée de 2 à 5 ans, selon le pays d’éducation, aux enfants français dont le père décédait en Afrique lors de son service ne faisait aucune mention, dans son élan généreux, de ses AUX NEGRES DE FRANCE . . .

63 bâtards d’Afrique dont le père clamsait en servant la France. Alors M. Tévoedjré de railler ferme : Le gouvernement français de la ‘Métropole’ accepterait-il par exemple de CONTRIBUER ipso facto aux frais d’études des enfants d’un fonctionnaire africain décédé alors qu’il était en service en France… même depuis vingt-cinq ans? Ah! Si j’avais la peau blanche, je me dépêcherais d’aller faire carrière au pays des Nègres… … en attendant que le terrorisme y éclate. Par la voix de radicaux nègres tels Tévoedjré, l’intelligentsia nègre pouvait fustiger le viol des consciences noires perpétré avec la complicité des ministres bénioui-oui de la coloniale et des futurs roitelets nègres imposés à la tête d’administrations territoriales de faïence en Afrique. Et les jambes de géant de la France coloniale de flageoler sous l’effet de la charge corrosive de cette élite. La République de se dépêcher alors de réduire les dégâts. Les archives de la police française gardent encore quelques traces de ses exactions. Combien de rapports et de correspondances échangées entre départements ministériels! A seule fin d’affûter les moyens et stratégies de bâillonner des étudiants nègres aux propos par trop hérétiques et nuisibles à l’avenir politique de la grande nation française construite à coups de fusils, de chicotte et d’imparfait du subjonctif empreints sur les corps et esprits de jeunes Moris, Kanaks, Kabyles et Tonkinois. La République égalitariste et généreuse de procéder, à tour de bras, à des coupes claires dans la liste des Des intellectuels nègres muets

Depuis bientôt une décennie, un tabou est publiquement adressé, la place du Noir en France. Le pourrissement de l’intérieur de notre société serait le fait de ces sujets ingrats et capricieux. Les politiciens, soutenus par les propos d’intellectuels de gauche comme de droite, le répètent inlassablement, il faut sauver la République et ne surtout pas succomber à l’importation de pratiques américaines. En français, la discrimination positive. Le présent essai revient sur cinq années d’une histoire française marquée par l’avènement d’une crise sociétale survenue fin 2005 selon la méthode classique du pamphlet, incisif et bref, qui s’attache à l’actualité. Il dévoile les ambiguïtés et contradictions d’une idéologie qui se pare des atours de la République afin de conserver le statu quo. Revenant notamment sur la théorie de l’ouverture de l’actuel gouvernement, la perfidie de la loi du 23 février 2005, ou les propos du philosophe Alain Finkielkraut et « l’antisémitisme » de Dieudonné M’Bala M’Bala. Surtout, l’auteur pointe la responsabilité de chacun dans ce débat en s’étonnant du silence de « L’intelligentsia nègre » actuelle. Diplômé de Paris V et de l’EHESS, Abdoulaye Gueye est professeur de sociologie à l’Université d’Ottawa au Canada. Il a été chercheur invité puis boursier résident à Harvard University. Il est l’auteur et le co-auteur de plusieurs ouvrages dont Les intellectuels africains en France. . . . Ses travaux sociologiques sur les Noirs de France ont paru dans de nombreuses revues américaines. AbdoulayeGueyeAUXNEGRESDEFRANCELAPATRIENONRECONNAISSANTE Sociétés Illustrations de couverture: Monnerville et Dumas Dessins de Joëlle ESSO / Maquette: Dagan Graphics 13€ www. editionsdagan. com

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_____Dieu est Nègre.. Un nègre est un blanc plongé dans un baril de goudron pour faire peur aux enfants blancs", débitait sans hésiter l’une d’elle.

Dieu est Nègre

Classée dans la race des négresses rimées dans ses propres récitations avec caresse, bougresse, allégresse, tendresse... tresse, ignorant le mot racisme, cette hostilité systématique contre un groupe social, une nouvelle question chauffait à blanc la tête de Damida. Elle s’interrogeait sans grand succès sur l’origine d’une devinette de ses camarades de jeux, dont pourtant un grand pourcentage portait son teint de sapotille, le fruit qu’il ne fallait pas manger lorsqu’on avait chaud : " Qu’est-ce qu’un nègre ? "


  • Un nègre est un blanc plongé dans un baril de goudron pour faire peur aux enfants blancs", débitait sans hésiter l’une d’elle.

Cette devinette faisait fureur, bien avant que John Fitzgerald « Jack » Kennedy le plus jeune et premier président catholique des États Unis, afin d’instaurer la démocratie qui repose soi-disant sur le pouvoir au peuple, avait rallié de son côté le précieux dirigeant noir qui avait un rêve : le pasteur Martin Luther King. Dans ces temps-là, un nègre votant était impensable. Selon le premier parleur de créole à la radio M. Julien Chemin qui cette fois s’était articulé en français sans coup de roche, paraît-il que pour John Kennedy, s’allier au grand homme noir qui prêchait la paix malgré tout et voulait emmener les siens à voter, en vue d’augmenter le quota indispensable à sa prise du pouvoir, était une initiative risquée, mais un choix qui mènerait à la victoire... incontestable. Wè ! Il avait appuyé sur incontestable.

– C’est ainsi que Robert Francis Kennedy dit Bob, le frère du président américain, bien auréolé de mystère, afin de convaincre tous les collaborateurs démocrates que les voix des noirs valaient son pesant d’or multiplié à tire-larigot rassembla tous les conseillers blancs de son frère autour d’une table ovale et leur proposa sur un ton solennel à suspens : " Essayez un instant d’imaginer votre confusion si, dans le royaume des cieux, vous découvriez que Dieu est un nègre. " Puis M. Chemin s´était tut après avoir demandé une minute de silence mais un “ Bic, Bic, Bic youpi ! ” s´échappa du filtre de la radio.

Pas que Damida savait grand-chose des États-Unis, sa manman appartenait tout simplement à ceux qui avaient le luxe de posséder une radio, mais visionner Dieu noir la pétrifia. Dieu... l’Éternel que sa grand-mère adventiste du septième jour prêchait Tout Puissant... noir comme du cirage. Ayayay ! Quelles affaires et ça ! Était-ce un blasphème ? Encore une fois, elle calculait.

M. Salomon Himmelstein le vieux monsieur tombé du ciel sur l’île avec une valise pleine d’or après la guerre et qui avait vieilli avant son heure dans une autre aventure, avait assuré que Jésus le fils de Dieu et toute sa génération étaient issus de la Maison de David, le berger qui avait gagné une guerre avec un banza (lance-pierres). Quoique Damida elle-même était de couleur cannelle, son Père intangible, bon et protecteur près de la ravine, était blanc comme du coton.

Et voilà que Bob Kennedy, un blanc, imaginait que le papa de Jésus était noir. Il était peut-être mélangé. À Guadakéra on savait toujours qui était sa mère mais pas souvent qui était son père mais selon son catéchisme, il n’y avait jamais eu un pape noir, a fortiori un Dieu noir. Elle avait lu une expression populaire qui décrivait la couleur noire comme celle du péché. Dieu noir ? DIEU NÈGRE ? Et si Dieu est nègre, quelle était la couleur du diable ? Ils peuvent pas être de la même couleur quand même ! Voilà débat en barbe à caca (expression créole) !

Il n’y eut pas du tout de débat à Guadakéra sur cette fraternelle proposition de la noirceur de Dieu. Même pas deux-mots-quatre- paroles. Dieu nègre ? Qui rime avec intègre ? Pas un Guadakérien ne sembla relever la suggestion de Robert Francis Kennedy dit Bob.

Écouter est une action de l’intelligence du cœur. La petite fille avait parfois l’impression que la finesse de son ouïe percevait ce que son entourage n’entendait pas et ce, même si on le leur hélerait dans leur trou d´oreille.

Tout argument a sa riposte, donc comme d´habitude, un locuteur français fût dépêché spécialement de Paris la capitale de Guadakéra, à Radio-Gwadaké afin d’anéantir cette influence de Dieu nègre. Il avait balayé la proposition divine par "Fadaise et baliverne ! Guadakériens, Guadakériennes ! Ne soutenez pas cet hérésie. C’est du cynisme pur. Ces yankees, ces cow-boys, ces conquérants par la violence du territoire indien disent n’importe quoi pour se gonfler les poches de dollars. Dieu nègre ? Et puis quoi encore ? N’importe quoi ! Il n’y a qu’en Amérique qu’on entend des idioties pareilles. Ah ! Ces Amerloques ! Aucun respect. Tous, nous savons que Dieu n’a pas de couleur. Nous vous prions citoyens et citoyennes de Guadakéra d’oublier ces billevesées ! Dieu n´est pas du tout nègre."



Y´a bon Banania ! s´écria la voix d´un blanc qui imitait quelqu´un.

Jo-tanbou le tanbouyé (joueur de tambour) rigolait à gorge déployée : – Kra, kra, kra ! Dépi ki tan fwansé pa enmé amériken ? Dépi ki tan ? Pa ni lontan an 1945, yo té ka chanté "Viv amériken !" Engra. Lanmérik tou pwé-la la menm. Nou sé moun toupatou. (Depuis quand est-ce que les Français n’aiment pas les Américains ? Depuis quand ? Il n’y a pas si longtemps en 1945 qu’ils chantaient "Vive les Américains !" Ingrats ! Et nous devons nous les Créoles Guadakériens, nous rappeler que nous sommes de partout. L’Amérique est tout près d’ici.)

Damida fit donc semblant de classer l’incitation de Robert Kennedy et alla jusqu’à omettre la nouvelle précédente, soit l’histoire des Américains noirs interdits de s’asseoir sur les banquettes de devant des cars. Anecdote racontée par M. Chemin en bon français s’il vous plaît. Rosa Louise Mc Cauley Parks, une dame rouge de race noire trop fatiguée ce jour-là de travailler pour les blancs et qui commençait peut-être à croire que Dieu est noir, refusa catégoriquement d’aller jusqu’à la banquette de derrière et se fît tarabuster par les méchants blancs dans le car.

Et voilà l’histoire.

– Aux États-Unis, l’avant de l’autobus était le domaine des blancs. Les noirs n’avaient même pas le droit d’être debout devant. C’est pour vous dire. Ainsi l’arrière appartenait aux noirs comme les derniers bancs sont réservés aux cancres : les derniers de la classe... sociale. Il y avait aussi une aile au milieu où les blancs et les noirs pouvaient s’asseoir, mais un noir devait se lever dès qu’un blanc faisait les gros yeux et faire le tour pour aller s´asseoir derrière le bus. Le 1er décembre 1955 à Montgomery, une ville en Alabama, Rosa, une couturière, reposait ses reins meurtris par le travail des blancs, dans la partie centrale lorsqu’un blanc est arrivé fap ! " Donne la place ! Allez ouste ! C’est ma place. Debout ! " Eh bien Rosa a pris toute sa force et son courage pour dire tout fort en anglais : " An péké ba-w ! An ja sizé, an ké rété sizé. " traduire par " Ta place est au cimetière. " Voilà chiclé en barbe (expression créole) !

Le blanc bien sûr a fait une qualité de wélélé mais... c’était ne pas connaître ces descendants d’esclaves car en réponse, sur l´ordre du pasteur Martin Luher King tous les noirs du pays des frères Kennedy braillèrent encore plus fort et protestèrent à l’unisson en faisant une grande marche nationale. Et puisqu’il paraît que leur pays était mille fois et même dix mille fois plus grand que toutes les îles Caraïbes, ce n’était pas évident de marcher des kilomètres et des kilomètres pour aller travailler pour ces mêmes blancs qui ne les toléraient pas devant-devant. Les blancs ont bombardé la maison du pasteur, mais il a dit tant pis. Ils marchèrent pour aller à l’église, à l’hôpital, faire des commissions, ...

Du coup, les cars ne servaient plus à rien. Grâce à leur véhicule immatriculé numéro onze (11), leurs deux pieds, les Américains noirs n’ont pas laissé les blancs leurs casser les pieds et leurs écales. Non ! Ils tinrent bon jusqu’à ce que tous les noirs soient autorisés à poser leurs fesses et péter où bon leur semblait quoique... Bon ! An nou arété la ! (Arrêtons-nous là !) conclua Julien Chemin tandis qu´une voix de femme blanche chantait :



Savon Palmolive à l´huile d´olive !

À Guadakéra, les blancs avaient en général voiture avec chauffeur privé s’il vous plaît. Se coincer étroitement contre les gens du pays sur les bancs de l´autocar, dont le toit était souvent chargé de marchandises comme une bourrique, n´était pas leur ambition. De toutes les façons, la banquette de devant des transports en commun était toujours réservée à la femme ou la maîtresse du chauffeur. Et mieux, les automobiles étaient aussi rares qu´un nègre aux yeux bleus.

Quand un Guadeloupéen avait une auto, il en faisait une chanson : "An ni on loto nèf, an ka fè palé di mwen" (J’ai une auto neuve, tout le monde parle de moi). (Une rengaine des années mille neuf-cent-soixante). La marche quant à elle, n’était pas un sport pour le gratin, mais définitivement une nécessité pour tous. C’est pour dire que Guadakéra n’avait pas du tout ce problème.

Pour en revenir à Dieu Nègre, ce qui était sûr est que, sous peine d’être maudits par les prêtres et excommuniés ou expatriés par le préfet, les Guadakériens même s’ils avaient entendu la suggestion, n’allaient surtout pas réveiller la question de la noirceur de Dieu. Il était déjà de notoriété publique incontestable que le diable était noir habillé de rouge. Le même diable qui demandait une petite marmaille à manger. Wè ! Il était noir. Les organisateurs du Carnaval aurait mis leur Vaval au feu pour vous l’assurer, mais Dieu nègre ? Apa oswa la (pas ce soir) : un autre refrain qui remplaçait le mal de tête des dames qui ne voulaient pas faire malélevé (l’amour) avec leur mari.

L’avantage de cette exhortation est que personne ne se rappelait de la devinette du blanc plongé dans un baril de goudron. Quelque temps plus tard, quelle ne fût la stupeur et tremblement de la petite fille quand le poste radio annonça... pas aux avis d’obsèques, mais aux nouvelles internationales qu’on entendait dans un enregistrement parasité, l’assassinat d’un frère Kennedy... puis des deux. Ce n´était pas de la blague ! Il y avait manifestement eu des mécontents à s’imaginer Dieu noir gros sirop. Damida effaça sa vision. Pendant longtemps dans son chagrin pour la famille Kennedy, elle ne pouvait s´empêcher de se demander si le président John Kennedy et son frère avaient rencontré Dieu au ciel... et ÉTAIT-CE UN NÈGRE ?

Dieu est Créole

Le père Vallé répondait à sa question et farcis d’un imperturbable aplomb, les deux exilés de la cour Lérizé, l´ Haïtien Jean-Daniel Alexis et le Guadeloupéen Démosthène Démissien assuraient-pas-peut-être que oui. En chœur, ils attestaient que Le Tout-Puissant est un Grand Nègre. Woy ! Voilà débat ! Manman !

– J´ai toujours pensé que si Dieu existe et a une couleur, qu´il est certainement noir, Haïtien, créole et exilé, disait l’homme de Gonaïves en clignant de l’œil à son complice. Et même bleu.

– Tu sais que j´étais athée mais savoir que Dieu est noir me convertit et me divertit. Il nous a justement créé de différentes couleurs pour s’égayer la vue, appuyait son compère en se glissant les lunettes sur le bout du nez, le sourire espiègle.

– Selon le grand livre de Loa, la Bible, nous sommes tous faits à l’image de Dieu alors pourquoi ne serait-il pas nègre ? Si on doit s´identifier à Dieu, autant s´identifier à Dieu Noir. Qu´il soit nègre pour nous est la logique même, reprenait M. Alexis.

– Entièrement d’accord mon cher.”

Mademoiselle Véna, " la porte-à-porteuse " de bonnes paroles des "Missionnaires Bibliques " qui passait par là ne manqua pas de les sommer à plate couture. Outrée qu’elle était qu’on colore son Dieu qui ne parlait que français car jamais disait-elle, on avait prononcé un mot créole dans son temple. Elle qui avait consacré toute sa vie à essayer de convertir son île à appartenir à sa communauté, la seule qui serait sauvée de l’enfer auquel le monde était voué par toutes ces fausses croyances et cette décadence, et voilà que sa nation créole se pervertissait en noircissant l’Éternel.

– Parce que vous êtes deux vieux-nègres marrons et des feignants qui n’avez rien à perdre, vous vous prenez maintenant non seulement pour des spécialistes de la Nègrerie, mais aussi pour Dieu. Quelles affaires et ça ? Il ne manquerait plus que cela que Dieu est un vieux-nègre qui parle créole. Vous êtes des matamores, des gaulois, des couillons de première catégorie messieurs ! ÒÒ ! Au nom de Dieu réveillez vous !

La manman du bon Dieu est noire charbon

– Et moi, à l’heure qu’il est, j’ajoute que la Mère de Dieu est bien NOIRE. Tellement qu´elle est noire, elle est bleue (expression créole). Notre Dame de Bonne Délivrance est noire mesdames et messieurs ! À tous ceux qui veulent voir pour croire, allez à la Martinique à l´église de la Résurrection à Schoelcher ! Vous verrez la protectrice de la Martinique. Allez mon voisin, allez, allez ! Allez voir de vos deux cocos d´yeux ! Allez voir la Vierge noire de Czestochowa à Jasna Góra en Pologne. Il y a plus de 450 à 500 Vierges Noires recensées en France . Toutes, elles inspirent des pèlerinages importants. "Toutes les Vierges Noires étaient à l´origine adorées dans le secret d´une grotte...

Guadakéra décidément n’était pas du tout une île comme les autres. À partir du moment où notre homme de Gonaïves lui avait entre autres précisé dans un discours sur la religion, que la mère de Dieu s’appelait aussi Erzulie, Déesse noire, Esprit féminin de l’amour dans le rituel Vodou, Clément-chabon que vous connaîtrez, était en transe, il s’enflammait et affirmait que la femme noire est une divinité, avec laquelle tous devaient physiquement et spirituellement s’identifier. Damida priait que Mademoiselle Véna ne passe pas ce jour là.

“ La nègre “, tel était le nom de la Vierge Noire de Montpellier que l´on vénérait également sous le nom de Notre Dame des Tables. ... La “ Négrette “ vient de la chapelle du château de Calmont. ... En 1861 la Négrette devient la Vierge miraculeuse et en 1895, elle était couronnée triomphalement. Le culte de la Vierge Noire d´ Espalion était ainsi définitivement lancé et authentifié.” “ symboles initiatiques... Ils se rattachent à la tradition des Vierges noires, que le clergé officiel ne tolérait qu’avec réticence. Chacun savait qu’elles contenaient une force magique, celle d’Isis, la divinité " noire et rose ". Les initiées quant à elles, voyaient la Vierge Noire comme le symbole de la Sagesse dans son principe caché. "

C’est écrit. Je n’invente rien, prêchait Clément-chabon que vous connaîtrez dans son chapitre. Devant le nouveau magasin appelé Prisunic, il brandissait deux livres : un livre d´un rose tendre tirant légèrement sur l’orangé intitulé “ Vierges Noires ” et l´autre à la peau jaune écrit en noir : " une loge révèle : L’initiation féminine ". Clément pointait à tous une photo de la Vierge Marie avec Jésus sur son bras, tous les deux noirs charbon comme lui-même. Aïe ! Quelle histoire ! Manman manman manman ! MANMAN !

http://www.montraykreyol.org/spip.php?article1642

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_____D’une stratégie européenne pour l’Afrique à une stratégie UE-UA…

Emmanuel DUPUY, Président de l’Institut Prospective et Sécurité de l’Europe, publié le 06/12/2007 Le Sommet de Lisbonne des 18 et 19 décembre prochains, vient clore une Présidence portugaise de l’Union européenne qui avait placé l’agenda africain au cœur de ses priorités.

Rien étonnant à cela, quand on sait combien le « pragmatisme portugais » vis-à-vis des relations avec ses anciennes colonies africaines (Mozambique, Guinée-Bissau, Angola, Cap vert, Sao-Tomé Principe), malgré des guerres d’indépendances douloureuses est une réussite.

Cela se caractérise notamment par, la dimension linguistique, puissant facteur de cohésion et véritable outil de sa diplomatique africaine, au sein de la Communauté des Pays de Langue Portugaise (CPLP). Il est ainsi éloquent de souligner que le Portugal qui a eu à faire face aux mêmes difficultés que la France vis-à-vis du continent africain (décolonisations douloureuses, processus de réconciliations nationales, phénomènes migratoires, etc.) ait pourtant pu apparaître comme le partenaire le plus crédible pour relancer cette dynamique du partenariat eurafricain tant attendue.

Ces rendez-vous eurafricains, qui ont vocation à devenir incontournables, comme le furent les sommets France-Afrique et tendent à le devenir les Sommets Afrique-Chine, ont vocation à réunir désormais, pour la première fois depuis le Sommet du Caire en 2000, les Chefs d’Etat et de Gouvernement des 27 Etats de l’UE et ceux du continent africain.

Ce Sommet de Lisbonne sera ainsi l’occasion de confirmer la nécessité de développer le partenariat UE-UA. Ce dialogue approfondi entre ces deux organisations devra ainsi se faire au profit de nouveaux pôles sous-régionaux, dans le cadre, par exemple, de la mise en œuvre des Accords de Partenariat Economique (APE) avec les régions ACP, dont la conclusion devrait intervenir avant la fin de l’année.

La transformation de la Stratégie de l’UE pour l’Afrique datant de décembre 2005 en une véritable Stratégie commune Union Européenne (UE) - Union Africaine (UA) en témoigne. Les six chapitres qui la composent - que sont la paix et la sécurité, les droits de l’Homme, l’aide au développement, la croissance économique et le commerce, le développement humain -, devront ainsi être pris dans une logique de co-partenariat, tant dans l’élaboration que le de suivi. La déclaration commune signée en mai 2006, portant sur la coopération entre les Nations unies et l’Union européenne dans la gestion des crises, tend à le confirmer, en Afrique plus qu’ailleurs. Dans ce sens, le renforcement des capacités africaines de maintien de la paix à travers la sixième génération du programme d’équipement, formation et entraînement RECAMP (2007-2009), pourraient être conduits avec l’Union Africaine au nom de l’Union Européenne.

En parallèle, les deux conditions ayant amené la création de l’Union Africaine, à l’occasion du Sommet de Durban en 2002, prouvent la volonté de légitimer le rôle de « l’ONU africaine », notamment dans le cadre de la prévention et de la résolution des conflits ainsi qu’en matière de gouvernance démocratique, économique, écologique pour l’ensemble des pays du continent africain.

L’UA espère ainsi poursuivre le renforcement de « l’architecture de paix et de sécurité » africaine au cours des prochaines années, comme est venu le confirmer le Sommet d’Accra en juillet dernier. Dès lors, les liens consubstantiels existant entre développement et sécurité confirment également que le développement durable ne se réalise pas sans l’absence de stabilité et de sécurité.

Ses bonnes intentions manifestement partagées de part et d’autre de la Méditerranée, ne doivent néanmoins éluder certaines questions qui conditionnent la réussite d’un partenariat eurafricain qui pour porter ses fruits, devra être réellement équilibré :

-comment concrètement tendre vers le co-développement, le développement durable, la stabilité régionale, l’indépendance en matière de sécurité, tant intérieure qu’au niveau des Relations internationales ?

-Sur quels acteurs politiques, notamment issus d’une société civile réellement indépendante, en pleine maturation à travers de nombreux pays africains s’appuyer pour ce faire ?

-En quoi la réussite des missions sous drapeau européen en Afrique (Eufor RDC et la nouvelle Eufor Tchad RCA décidée le 15 octobre dernier) configure-t-elle l’avenir même du concept de PESD et la légitimité de l’UE comme acteur global ?

-Comment l’Europe pourra ancrer son Sud dans un espace vital à son extension et à sa lisibilité dans le cadre de la mondialisation ?

-Comment articuler les ambitieux projets de relance de la Francophonie sur une base plus volontariste (à l’instar de la CPLP) et celui tendant à la création d’une Union de la Méditerranée, dont le périmètre géographique pourrait sembler, à première vue, réduire la relation entre les deux continents ?

C’est, très modestement à quelques unes de ces questions fondamentales, parmi tant d’autres, laissées en jachère depuis le dernier et premier sommet UE-Afrique, que l’IPSE (Institut Prospective et Sécurité de l’Europe), le CEREM (Centre d’Etudes et de Recherches de l’Ecole Militaire), Convergence Républicaine et l’OPSA (Observatoire Politique et Stratégique de l’Afrique) tentent de répondre à travers la tenue d’un séminaire multidisciplinaire, baptisé « Afrique-Europe : regards croisés, liens tissés, perspectives communes » dont la première séance était consacrée à la résolution des crises et le maintien de la paix et la deuxième , placée sous le signe de la jeunesse et de la société civile - acteurs devenus incontournables dans le dialogue Nord-Sud, comme en témoigne les grandes attentes liées à la tenue du Sommet « informel » de la jeunesse qui se tiendra également à Lisbonne.

Ce sont là, quelques unes des conditions et priorités fortes qui devrait conditionner la réussite de la Présidence française de l’Union à partir du 1er juillet 2008, après la présidence slovène qui l’aura précédée.

Emmanuel DUPUY Président Institut Prospective et Sécurité de l’Europe (IPSE) www.ipse-eu.org]

http://www.linternationalmagazine.com/article466.html

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_____Hélas pour ces moutons africains et leurs suiveurs.. Les moutons se promènent ensemble... Pas de Noirs dans les bars de Pékin : attention aux rumeurs…

La période olympique qui s'ouvre en Chine va être propice aux rumeurs de toutes sortes. Ainsi, de nombreux internautes ont été choqués d'entendre que les bars de Pékin avaient reçu pour instruction de la police de ne pas servir les Noirs (et les Mongols, mais ça a moins fait réagir…) pendant la période des JO.

Choquant, en effet… si c'est vrai. L'information a initialement été publiée par le South China Morning Post (SCMP), le grand quotidien anglophone de Hong Kong, prudemment critique vis-à-vis du régime de Pékin, et appartenant à un magnat chinois de Malaisie. Elle a été reprise par les agences de presse, et aussitôt fait le tour du monde, suscitant des réactions indignées.

Vérification faite, et aucun patron de bar pékinois n'ayant confirmé avoir reçu un tel ordre de la police, il pourrait y avoir erreur de caractères. L'ordre de la police serait de ne pas servir « d'éléments noirs », ce qui signifierait de « mauvais éléments », trafiquants de drogue, triades, prostituées, etc. En Mandarin, le crime organisé se traduit en effet par « la société noire »…

Une information non vérifiée

L'explication vaut ce qu'elle vaut, et semble plus plausible qu'un racisme éhonté en période olympique, malgré les tensions régulières entre Chinois et Noirs, notamment dans les bars de Pékin où les Africains sont précisément accusés de se livrer au trafic de stupéfiants ! Le blogueur étranger basé à Pékin, Beijing Boyce, spécialisé dans les nuits pékinoises, a payé de sa personne pour enquêter, en particulier dans le district de Sanlitun, bien connu des expatriés. Samedi soir, il a fait une dizaine de bars et dans huit d'entre eux il a constaté la présence de consommateurs noirs, et aucun patron de bar ne lui a confirmé l'instruction controversée de la police. En revanche, il n'a vu aucune prostituée là où elles sont d'ordinaire légion, ce qui montre que les mesures de contrôle commencent déjà à prendre effet.

Le problème de cette information du SCMP est qu'elle est anonyme et qu'aucun journaliste présent à Pékin n'a été capable de trouver un seul patron de bar acceptant de la confirmer. De fait, cela ne sera pas compliqué à vérifier dès le début des JO, lorsque le premier consommateur noir assoiffé se présentera dans un bar de Sanlitun. On verra alors si, en chinois, un « Noir » et un « élement noir » sont la même chose… D'ici là, prudence sur les rumeurs !

Ps: Pas de Noirs dans les bars de Pékin : une fausse rumeur !

Et c'est aussi amusant de constater que même dans la sémantique chinoise le mot "noir" est synonyme de négatif...décidément la planète entière nous en veut, lol

http://www.rue89.com/chinatown/pas-de-noirs-dans-les-bars-de-pekin-attention-aux-rumeurs

ARTICLE:

... mais ils n'ont pas le même prix. Méditons cette vérité zouglou au moment où Laurent Gbagbo révèle que la loi-convention liant son pays aux compagnies pétrolières ne laisse à l'Etat ivoirien que 12% de la manne de l'or noir (50 000 barils/jour). En effet, en Arabie saoudite, les choses sont sensiblement différentes. L'Etat contrôle, à travers une société progressivement nationalisée, 95% de la production du pays (9 millions barils/jour).

"Le forage débuta en avril 1935 dans la région de Dammam Dome, le long de la côte du golfe Persique, mais le premier puits ne commença à rendre qu'en mars 1938. Le premier baril embarqua en mai 1939 à Ras Tanura qui devint par la suite un des plus grands terminaux exportateurs de pétrole. En 1991 plus de 60 milliards de barils avaient été produits depuis 1938 rien que par l'Aramco, mais les réserves connues sont de 257,5 milliard de barils et susceptibles d'augmenter davantage à mesure que les gisements du Sud du Nadj seront circonscrits. Les réserves de gaz naturel non-associé dépassaient en 1991 les 6,4 milliards de mètres cubes. Les programmes d'expansion en cours prévoyaient une augmentation de la production à 10 millions de barils par jour.

En 1973, l'Arabie saoudite s'arrogea 25% des droits et des propriétés de l'Aramco. Cette réappropriation du patrimoine national conduisit le gouvernement à la prise de contrôle de l'Aramco dont elle acquit 60% en 1974, puis 100% en 1980. Officiellement renommée Saudi Arabian Oil Company ou Saoudi Aramco en 1988, l'Aramco continue de faire trembler l'industrie et de bouleverser les salles de change du monde entier en usant de son acronyme vieux de 50 ans. L'Aramco remplit aujourd'hui les fonctions d'opérateur pour la production du pays, et joue le rôle d'intermédiaire dans un certain nombre de projets de BTP ou d'ingénierie. La compagnie officiait d'ailleurs à ce titre dès 1949 en supervisant la construction de la ligne ferroviaire Dammam-Riyadh dont le gouvernement était maître d'œuvre, ou plus récemment en contrôlant le déroulement du Master Gas Plan. La puissance de l'Aramco s'est aussi manifestée par la conduite d'opérations en aval de l'extraction, par exemple l'établissement en 1988 d'une coentreprise avec Texaco destinée à raffiner, distribuer et commercialiser des produits dérivés du pétrole dans l'Est et la région du Golfe des États-Unis.

Bien que l'Aramco contrôle 95% de la production d'Arabie saoudite, deux autres compagnies opèrent dans la moitié saoudite de la Zone Divisée, l'ancienne zone neutre entre le Koweït et l'Arabie saoudite. La Getty Oil Company, à capitaux américains, détient la concession pour la zone terrestre alors que l'Arabian Oil Company (AOC), de nationalité japonaise, exploite la concession offshore. Cette bande de territoire, sujet d'un litige entre les deux pays, fut mise en commun par l'Arabie saoudite et le Koweït en 1965, puis divisée en deux parties quasi-égales en 1970. Les deux pays convinrent également de partager équitablement les réserves pétrolières de la zone et de se diviser les revenus du pétrole. Les réserves connues pour toute la zone totalisaient en 1991 5 milliards de barils, et la production était en moyenne de 359 000 barils par jour entre 1985 et 1989, la part saoudite de cette production constituant entre 2 et 4 pourcents de la production totale de l'Arabie saoudite. Seul opérateur pour la province de l'Est, l'Aramco n'a jamais eu besoin de forer et d'exploiter que le nombre optimum de puits ; après un demi siècle, plusieurs de ces puits requierent une repressurisation artificielle par un système d'injection d'eau de source saumâtre non-potable est drainée et injectée dans les réservoirs à mesure que le brut en est extrait. Seuls 850 puits sont utilisés pour couvrir une production allant jusqu'à 9 millions de barils par jour, ce qui représente une moyenne de 10 588 barils par jour chacun."

(Source Wikipedia) http://kouamouo.ivoire-blog.com/archive/2008/07/26/les-moutons-se-promenent-ensemble.html

Commentaires

il y'a une expression qui m'a plu en tout début du propos : " à travers une société PROGRESSIVEMENT nationalisé " ....et le terme "progressivement" montre qu'il y'a eu une époque, où à défaut de compétences techniques exploratrices ou extractives et surtout de capacités économiques conséquentes pour re-négocier les contrats, les Saoudiens ont dû subir le diktat des multinationales américaines y étant implantées.

En effet, selon le texte de Mr Kouamouo, on se rend compte que le pétrole est découvert dans les années 30 et c'est seulement en 1973 que l'Arabie Saoudite s'arrogea seulement 25 % de l'ARAMCO, l'aramco étant la compagnie nationale saoudienne d'hydrocarbures ; plus précisément, la Arabian AMERICAN (je dis bien AMERICAN) Oil Company pour ceux qui ont des notions en Anglais.

On se rend compte que c'est seulement après 40 ans d'exploitation que l'Arabie Saoudite s'arroge 25 % de SON pétrole ? qu'est ce qui explique cela ? que peut-on dire du niveau de la proportion due aux saoudiens avant 1973 ? pourquoi les saoudiens n'ont pas cherché à renégocier les contrats juste au lendemain de la découverte du pétrole, c'est-à-dire dans les années 30 et ont attendu jusqu'en 1980 pour en prendre le contrôle à plus de 95 %.

évidemment, ce sont des questions qu'on dit poser à Gbagbo lorsqu'il cherche des boucs-émissaires à l'opacité du pétrolières ivoiriennes.

En cherchant ainsi les réponses techniques et rationnelles à ces interrogations , je crois qu'on peut comprendre la teneur du proverbe relayé par Mr Kouamouo : "les moutons se promènent ensemble mais ils n'ont pas les mêmes prix", que je paraphrase en ces termes : " les présidents se rendent tous au sommet de l'ONU mais ils n'ont pas les mêmes mérites (voire cervelles)".

Ceci pour faire la corrélation avec le cas ivoirien afin de saisir les raisons techniques et scientifiques qui ont poussé les dirigeants du pays dans les années 90, à stimuler l'exploration pétrolière et la découverte plus tard de gisements pétroliers en 1993 ( Panthère)et 1994 (Lion).

Mais comment un pays qui n'a pas d'industries extractives de pétrole arrive à attirer des investisseurs qui feront confiance à un pays dont la production journalière est tombée a 4000 barils / jour après 1986 ??

cette question devrait être posé à Gbagbo qui fustigea les 12 % conventionnels qui ont permis à la côte d'ivoire d'avoir aujourd'hui une production qui avoisine les 80 000 barils /jour ( Source BCEAO), et vu l'exemple saoudien , la Côte d'ivoire pourra renégocier au fur à mesure les contrats pour une proportion de plus en plus croissante.

c'est en cela que je trouve qu'effectivement " les moutons se promènent ensemble mais ils n'ont pas les mêmes prix" puisque certains font du mensonge et de l'accusation gratuite l'alibi à leur incompétence tandis que les saoudiens , par exemple, réfléchissent sur le long terme et savent patiemment en tirer les fruits.

Hélas pour ces moutons africains et leurs suiveurs.

bien à vous , Théo.

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_____Cinquantenaire des indépendances africaines, que célèbre-t-on au juste? Afrique : 50 ans après Leur indépendance, quel futur pour les anciennes colonies françaises Aujourd'hui? (1960-2010... 2099..)

Cela ne vous a certainement pas échappé, l’année 2010 va être particulièrement festive en Afrique. En dehors du football mondial, qui se donne rendez-vous cet été au pays de Nelson Mandela, auront également lieu, dans 14 anciennes colonies françaises, des manifestations qui vont marquer le souvenir du départ de l’administration coloniale et le transfert de la souveraineté aux nations africaines devenues politiquement indépendantes en 1960. La France, à ce titre, compte bien faire partie de la fête.

En effet, l’histoire qui lie cette vieille nation européenne à une quinzaine de pays africains est non seulement ancienne mais volontairement ambiguë. Ici, nous n’allons pas refaire la conférence de Berlin de 1884-1885. Nous n’allons reécrire ni la première guerre, ni la seconde guerre mondiale. Nous n’essaierons pas, non plus, d’analyser les conséquences énormes que ces deux déflagrations ont eu sur le destin de la France et ses adversaires en Afrique. L’occasion ne nous y invite pas. Simplement, nous allons nous interroger sur les véritables motifs et l’intérêt qu’une ancienne nation colonisatrice aussi connue sous l’expression ”Nation des Droits de l’Homme” trouverait pour justifier de ”fêter” aux côtés des peuples anciennement soumis à sa seule volonté dominatrice et ”civilisatrice” le cinquantenaire d’une indépendance avariée.

En dehors des festivités multiples qui vont sembler légitimes en pareilles circonstances, il est urgent de ne pas oublier que cet enthousiasme manifeste des anciennes métropoles, la France n'a pas été la seule nation européenne colonisatrice en Afrique dans l’organisation ou la participation à cette célébration des cinquante années d’une indépendance tronquée en Afrique, n’est que la caractéristique même de la vision néo-coloniale que l’Europe d’aujourd’hui a de l’Afrique, malgré le nombre d’années qui séparent 2010 de 1960. En France comme en Belgique (ancienne métropole du Congo du Roi Léopold II), les responsables politiques et les grands médias se préparent. L’on va faire la fête en ” famille”. La vision raciste de l’Afrique effrontément soutenue par Nicolas Sarkozy à Dakar en juillet 2007 ne sera clairement pas à l’ordre du jour. L’objectif, certainement, sera de ”souligner et de confirmer l’évolution des relations entre la France et l’Afrique subsaharienne qui doivent rester privilégiées tout en étant renouvelées, équilibrées et transparentes”. Bref, l’anniversaire sera très beau.

Au-delà du caractère unique du cinquantenaire des indépendances africaines, s’affirme pourtant un voeu: Les populations africaines souhaitent rappeler à l’intention des heureux festoyeurs que la pauvreté frappe toujours aussi durement les ménages, depuis les villes jusque dans les villages. La souveraineté alimentaire demeure un leurre. Le phénomène de la vie chère, lié à la flambée des prix des denrées alimentaires au niveau international, a conduit à des émeutes et à des massacres dans la plupart des pays africains. Ce phénomène continue de se développer aujourd’hui face à la réponse inadaptée des autorités africaines. La production agricole qui est tournée vers l’extérieur ne favorise pas l’économie locale. Bien au contraire. Le manque d’industries de transformation est tel que les matières premières prennent tous les jours les chemins de l’Occident et de la Chine. Transformées en biens de consommation, ces matières reviennent sous forme de produits finis, chèrement vendus aux Africains. Les échanges commerciaux, de ce point de vue, se font clairement en défaveur de ces pays économiquement fragiles. Les bénéfices accumulés par les pays industrialisés reviennent sous forme de dette, ou d’aide au développement. Ces aides internationales, en espèces ou en nature, sont devenues incontournables au point où dans l’élaboration des budgets nationaux, il faut compter désormais sur l’apport de “pays amis”. Et lorsque ces derniers sont frappés par une crise, comme ce fut le cas en septembre 2008, le désarroi s’empare des gouvernements africains qui craignent de ne plus bénéficier de la manne financière étrangère.

Il faut donc se rendre compte que les 50 ans d’indépendance de l’Afrique, jusqu’ici, ont surtout été synonymes de pauvreté chez les jeunes hommes et femmes qui tentent de rejoindre l’Europe au péril de leurs vies, en bravant des zones de conflits, la mer et des lois inhumaines, à la recherche du mieux vivre. 50 ans d’indépendance, c’est aussi un taux de scolarisation faible, un programme scolaire dont les grandes lignes sont tracées depuis l’extérieur. 50 ans d’indépendance, c’est surtout l’histoire d’une monnaie créée pendant l’époque coloniale (Franc CFA). Une monnaie utilisée dans 14 Etats africains et qui est gérée par le trésor français et est rattachée à un taux fixe (!) à l’€uro. 50 ans d’indépendance, ce sont enfin des dirigeants politiques – dont on se demande s’ils sont là pour appliquer des programmes de développement ou de sous développement – qui jouent avec les règles de la politique. Ces politiciens travestissent la loi fondamentale pour mourir au pouvoir ou – comme c’est la tendance en ce moment – le transmettent à leurs héritiers.




50 ans, c’est pourtant l’âge adulte, c’est même la porte du troisième âge. Mais, lorsque l’on porte un regard attentif sur tout ce vaste continent, le constat est clair: Il est évident que dans la course vers le sommet, l’Afrique qui célèbre cette année son cinquantième anniversaire d’indépendance n’a pas encore décollé des starting-blocks. C’est la raison pour laquelle, il faut s’interroger sur l’héritage que la France, si prompte à inviter ses anciennes colonies fêter avec elle le 14 juillet 2010 sur les Champs Elysées, a véritablement laissé ? Mieux, qu’est-ce que les Africains, eux-mêmes, ont fait de ces indépendances politiques ? La commémoration commune prévue le 14 juillet 2010 aurait pu avoir tout son sens si les milliards de dollars injectés chaque année sous forme d’aide publique au développement (APD) par la France avaient suffi à faire effectuer un grand pas en avant aux Etats africains concernés.

Vous l’aurez compris, la France n’invite ses satellites africains que pour renforcer sa domination et ainsi la proclamer à la face du monde le jour où elle célèbre la prise de la bastille, la reconquête de la souveraineté du peuple Français. Il faut donc voir dans les intentions de la France la volonté de marquer un territoire qui lui appartenait et qui lui appartient toujours dans son imaginaire. Enfin, l’invitation formulée par N. Sarkozy à ses ”protégés” africains et délivrée par J. Toubon est surtout dictée par la présence de plus en plus menaçante et conquérante de la Chine sous les tropiques.

Comme à son habitude, au lieu de réfléchir du point de vue de ses intérêts propres, au lieu de privilégier sa dignité et son standing en construction, au lieu d’actionner les léviers à sa disposition et de gagner ainsi en poids comme partenaire et non plus comme ”pré-carré”, une fois de plus, l’Afrique se laisse dicter les termes du cinquantenaire d’une indépendance dont on finit par légitimement se demander pourquoi il y a lieu d’en faire une fête. Si la présence des militaires africains dans le défilé du 14 Juillet 2010, sur invitation de la France, afin de marquer le cinquantenaire des indépendances africaines n’est pas la preuve d’un manque total de personnalité, c’est que ça y ressemble beaucoup. Cette génération de dirigeants africains a clairement peu d’estime pour l’Afrique. Il ne reste plus qu’à espérer et militer pour que la tendance soit complètement différente pendant les cinquante prochaines années. L’Afrique mérite mieux.

Avant de nous quitter, sous la forme d’une vidéo, voici le rappel historique qui retrace la relation entre la France et l’Afrique.

Afrique : 50 ans après Leur indépendance, quel futur pour les anciennes colonies françaises ?

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_____Portail Histoire de l'Afrique: désigne l'ensemble des faits passés concernant l'Afrique, de la Préhistoire à aujourd'hui.. L'Afrique de l'Est est probablement le lieu où l'espèce humaine est apparue, il y a environ 190 000 ans.

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Histoire de l'Afrique

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L'histoire de l'Afrique désigne l'ensemble des faits passés concernant l'Afrique, de la Préhistoire à aujourd'hui.

L'Afrique de l'Est est probablement le lieu où l'espèce humaine est apparue, il y a environ 190 000 ans. Par la suite, des peuples se formèrent, se développèrent, et se répartirent sur le territoire africain. Vers la fin de la Préhistoire, le Sahara, qui était alors formé de grands lacs, devint aride et « coupa » l'Afrique en deux. L'histoire de l'Afrique du Nord fut alors mêlée à celle de la mer Méditerranée, et l'Afrique subsaharienne se développa de son côté.

L'Afrique du Nord fut tour à tour sous l'emprise des Phéniciens (notamment avec le comptoir de Carthage au Nord-Est de l'actuelle Tunisie) au Ier millénaire av. J.-C., des Romains, et des Arabes. Aujourd'hui, l'Afrique du Nord est majoritairement musulmane. Mais l'Afrique du Nord a aussi été l'objet de la colonisation.

En Afrique sub-saharienne, se sont développés des empires et des royaumes médiévaux, avant qu'ils soient eux aussi l'objet de l'islamisation au VIIe siècle. Pour finir, l'Afrique fut l'objet de colonisation au XIXe siècle et se décolonisa progressivement de 1910 à 1975.

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  • 1 Préhistoire
  • 1.1 Paléolithique
  • 1.2 Civilisations néolithiques
  • 1.3 Développement de l’agriculture et métallurgie
  • 2 Antiquité
  • 2.1 Afrique du Nord
  • 2.2 Introduction du christianisme
  • 3 Moyen Âge
  • 3.1 Islamisation
  • 3.2 Afrique de l’Ouest
  • 4 Les siècles de la traite
  • 5 La colonisation
  • 6 La quête de l'autonomie politique et les indépendances
  • 7 Afrique moderne
  • 8 Notes et références
  • 9 Voir aussi
  • 9.1 Articles connexes
  • 9.2 Bibliographie
  • 9.2.1 Aspects méthodologiques et idéologiques
  • 9.2.2 Ouvrages anciens
  • 9.2.3 Ouvrages généraux contemporains
  • 9.3 Ressources audiovisuelles
  • 9.4 Liens externes



Préhistoire

  • Paléolithique


Schéma structural simplifié du grand rift est-africain.L'histoire du continent africain est d'abord le fruit de sa géographie.

La vallée du Rift a livré un nombre important de vestiges archéologiques et de fossiles liés à la présence des premiers hominidés préhistoriques. Cette concentration ne traduit pas nécessairement une occupation privilégiée de cette région mais plutôt un ensemble de facteurs favorisant la préservation puis la redécouverte et l'étude de ces témoignages anciens :

le fossé d'effondrement formé par le rift est africain s'est accompagné de changements climatiques importants qui se sont traduits par le développement d'une savane arborée. Selon la théorie de l’East Side Story popularisée par Yves Coppens, cet environnement particulier a pu jouer un rôle important dans l'évolution humaine. l'enfoncement du cœur du rift s'est également traduit par la multiplication d'une part des lacs et d'autre part des phénomènes sismiques et de l'activité volcanique. Les lacs s'accompagnent d'une sédimentation rapide et importante, qui favorise l'enfouissement et la fossilisation des restes osseux et des vestiges archéologiques. Les volcans contribuent à la formation de niveaux de cendres volcaniques, aisément datables par des méthodes de datation absolue telles que la datation au potassium-argon. L'activité sismique produit également des basculements importants ramenant vers la surface des terrains anciens.



Lucy, un squelette relativement complet d’Australopithecus afarensisLe grand rift d'Afrique de l'Est est donc une région dans laquelle des terrains très anciens, marqués par une sédimentation lacustre rapide et quasiment continue, sont accessibles et susceptibles d'être datés. Le caractère limité de la végétation de savane facilite également les prospections.

Les principales découvertes concernant les débuts de l’aventure humaine ont pour cadre le continent africain, et tout particulièrement l’Afrique orientale et australe. C’est de ces régions que proviennent les plus anciens fossiles attribués à la famille des Hominidés : parmi ces ancêtres - ou proches parents - de l’Homme on trouve les Australopithèques (dont Australopithecus afarensis et la fameuse Lucy, puis Australopithecus africanus et Paranthropus robustus) et les premiers représentants du genre humain proprement dit (Homo rudolfensis puis Homo habilis, le premier à avoir une capacité crânienne de plus de 600 cm³).

C’est de là également que proviennent les plus anciens outils de pierre taillée connus à ce jour : ils ont été découverts en Éthiopie, à Kada Gona, dans des terrains datés d’environ 2,6 Ma BP. Si ces premiers outils sont généralement peu élaborés, des découvertes récentes effectuées dans le site de Lokalalei au Kenya (Ouest du lac Turkana), ont montré que la taille de la pierre pouvait être assez organisée et révélait une certaine habileté technique dès 2,3 Ma BP.

Après une période durant laquelle ils sont rares, les sites à outils lithiques se multiplient à partir de 1,9 Ma BP. Les sites d’Olduvai en Tanzanie ou de Koobi Fora au Kenya ont livré de nombreux vestiges de cette industrie appelée Oldowayen. Les instruments de cette époque restent très simples et comportent essentiellement des éclats et des galets taillés.

À partir de 1,6 Ma BP, toujours en Afrique, on assiste à l’apparition de nouvelles espèces d’Hominidés fossiles et d’une nouvelle industrie lithique :

en effet, on trouve à cette époque, aux côtés des Paranthropus robustus, les Homo ergaster puis les Homo erectus. d’autre part, on voit apparaître de nouveaux outils, plus grands et plus élaborés, tels que les bifaces, les hachereaux ou les bolas, qui caractérisent l’Acheuléen. Les sites de cette époque sont extrêmement nombreux mais on peut retenir les noms d’Olduvai (Tanzanie), Olorgesailie, Kilombe, Isenya (Kenya), Melka Kunture, Gadeb (Éthiopie). L'homme moderne (Homo sapiens) est probablement apparu en Afrique il y a environ 150 000 ans.



Civilisations néolithiques



L'archéologue britannique John Desmond Clark examinant des gravures rupestres dans le désert du Sahara (Mauritanie, 1967)Les pétroglyphes et les mégalithes retrouvés dans le Sahara, sur le territoire de l’actuelle Libye, témoignent d’une culture de chasseurs-cueilleurs dans les prairies sèches d’Afrique du nord pendant l’ère glaciaire. Après la désertification de la région, les populations nord-africaines se sédentarisèrent le long de la vallée du Nil, où elles allaient donner naissance aux premières civilisations égyptiennes.

La linguistique suggère que des peuples bantous émigrèrent vers le sud-ouest du Cameroun et vers le sud-est du Nigeria et repoussèrent les civilisation Khoisan durant 4000 ans. La culture du yam et du manioc leur permettait de supporter une population plus dense que les tribus de chasseurs-cueilleurs. Les bantous seraient originaires de la région du Bénoué au sud-est du Nigeria, d’où ils se seraient dispersés dans une grande partie de l’Afrique subsaharienne, jusqu’en Zambie. Les migrations bantoues vers les forêts tropicales d’Afrique centrale auraient commencé au cours du deuxième millénaire avant J.-C., subissant la pression démographique des populations du Sahara qui fuyaient l’avancée du désert. La seconde phase de migration, environ mille ans plus tard, les amena jusqu’en Afrique australe et orientale.

L’Éthiopie se distingue nettement de ses voisines et entretient des contacts intermittents avec l’Eurasie après l’expansion de l’espèce humaine hors d’Afrique. La culture, la langue ainsi que les espèces cultivées en Éthiopie (café, sorgho, teff) sont particuliers à cette région.



Développement de l’agriculture et métallurgie

À la fin de la dernière glaciation, il y a environ 10 500 ans, le Sahara était une région fertile et peuplée. Cependant, il s’assécha petit à petit sous l’effet du réchauffement 5 000 ans plus tard. Ses habitants commencèrent alors à remonter la vallée du Nil en quête de terres plus accueillantes, au-delà de la deuxième cataracte.

En Afrique, la domestication du bétail précède l’agriculture et semble avoir existé en même temps que les tribus de chasseurs-cueilleurs. L’élevage aurait été pratiqué en Afrique du nord dès 6 000 avant J.-C.

Les premières traces de culture du riz et du sorgho remontent à 5000 avant J.-C. dans la région du Sahel.

À partir de 4 000 avant J.-C., l’avancée du désert au Sahara s’intensifia rapidement, asséchant lacs et rivières, ce qui provoqua des migrations vers l’Afrique de l’Ouest, plus humide.

Vers - 3 000, l’agriculture se développa à peu près simultanément en Afrique de l’Ouest, avec la culture du yam et du palmier à huile, et en Éthiopie, avec le café et le teff.

Le travail du fer fut introduit en Afrique du nord au cours du premier millénaire avant J.-C. et se répandit rapidement vers le sud à travers le Sahara. Vers 500 avant J.-C., la métallurgie était bien implantée en Afrique de l’ouest, peut-être apportée par les Carthaginois. Des objets en cuivre provenant d’Égypte, d’Afrique du nord, de Nubie et d’Éthiopie retrouvés en Afrique de l’ouest sont datés d'environ - 500 avant J.-C., ce qui tend à penser que des routes commerciales existaient déjà.

Antiquité

  • Afrique du Nord

Les premières traces d'histoire écrite en Afrique datent de l'Égypte antique, dont le calendrier est toujours employé pour dater les cultures de l'âge du bronze et de l'âge du fer de la région. Le royaume d'Égypte atteint son apogée sous le Nouvel Empire, entre -1567 et -1080.

Les régions bordant la Méditerranée furent colonisées par les Phéniciens avant -1000. Ces derniers fondèrent Carthage en -814 et régnèrent sur toute l'Afrique du Nord habitée à l'ouest du golfe de Syrte.

À l'est, les Grecs fondèrent la ville de Cyrène vers -631. La Cyrénaïque devint une colonie florissante, bien qu'isolée par les déserts qui l'entouraient. Les Grecs exercèrent également une puissante influence en Égypte. La fondation d'Alexandrie est ainsi attribuée à Alexandre le Grand et la dynastie des Ptolémées tenta d'étendre son territoire vers le sud, léguant au passage des documents sur l'Éthiopie.

Les Romains vinrent cependant à bout des trois pouvoirs partagés de la Cyrénaïque, de l'Égypte et de Carthage. Cette dernière tomba en -146 après plusieurs siècles de rivalité, suivie en moins d'un siècle par les deux autres. Ils parvinrent jusqu'en Nubie et en Éthiopie, mais une expédition ordonnée par l'empereur Néron pour découvrir les sources du Nil fut un échec. Les écrits de Ptolémée, qui permettent de déduire l'étendue du monde connu (directement ou par des témoignages) des Romains, mentionnent les Grands Lacs réservoirs du Nil, des comptoirs commerciaux le long des côtes de l'océan Indien jusqu'à Rhapta en Tanzanie actuelle ainsi que le fleuve Niger.

L'invasion des Vandales au Ve siècle mit fin à la présence des civilisations classiques en Afrique. Les Vandales occupent brièvement l'Afrique du Nord et y fondent un royaume en 429, qui tombe aux mains de l'empire byzantin en 533.

Introduction du christianisme

Selon la légende, Saint Marc apporta le christianisme à Alexandrie en 60 et en devint le premier évêque. C'est plus probablement l'Église de Jérusalem qui envoya des missionnaires. Vers 200, Alexandrie était le siège d'une Église officiant en grec; en 325, l'Égypte comptait 51 évêchés et la Bible circulait en copte. En 400, 90% des Égyptiens étaient chrétiens.

À Carthage, on rapporte l'exécution en 180 de douze chrétiens qui avaient refusé de pratiquer le culte impérial. En 203, Perpétue et Félicité sont condamnées à mort et exécutées dans l'arène. D'abord sporadiques, les persécutions deviennent plus fréquentes sous l'empereur Dèce entre 249 et 251. Le christianisme poursuit néanmoins son expansion vers le sud, en particulier en Numidie. Les persécutions reprennent sous Dioclétien, qui tente de détruire les textes religieux. Par la suite, Donatus Magnus, évêque de Cellae Nigrae, refusa d'admettre les traditores qui avaient remis les livres aux autorités romaines et provoque un schisme en 305. Le donatisme qui en émergea fut majoritaire dans le Maghreb tout au long du IVe siècle jusqu'à la dissolution du mouvement en 412 à l'issue du concile de Carthage. Il survécut cependant à la répression jusqu'au VIIe siècle et l'irruption des Arabes.

En Éthiopie, c'est Frumence d'Aksoum, commerçant fait prisonnier et premier évêque d'Aksoum, qui aurait converti le roi Ezana en 333 après être devenu son précepteur. En fait, plusieurs religions cohabitaient à la cour d'Ezana et des traces d'autres religions subsistent au moins jusqu'au Ve siècle. Les écritures furent traduites en guèze et le christianisme se répandit vers Adulis. Lors du déclin de leur royaume au VIIe siècle, les populations aksoumites se seraient rapprochées des peuples kouchitiques établis plus au sud pour ancrer l'Église et le royaume d'Éthiopie.



Moyen Âge

  • Islamisation


Salle de prière de la Grande Mosquée de Kairouan considérée comme la plus ancienne mosquée en Afrique du Nord, située à Kairouan en Tunisie.À partir du VIIe siècle, les armées Arabes conquièrent l'Afrique du Nord. En 639, Amru ben al-As entre en Égypte à la tête de 4000 soldats. Quatre ans plus tard, en 643, il parvient en Libye, puis aux portes de Sbeïtla en 647. Après une brève interruption due à des querelles de successions, la conquête reprend en 665 sous Oqba Ibn Nafi Al Fihri, neveu d'Amru ben al-As. Il fonde Kairouan en 670 et en fait la capitale de l'Ifriqiya, ancienne province romaine fraîchement islamisée1 ; c'est au cours de la même année (670) qu'est fondée la Grande Mosquée de Kairouan considérée comme la plus ancienne mosquée de l'Afrique du Nord2. De là, il rejoint les côtes de l'Afrique de l'Ouest mais se heurte sur la route du retour à une forte résistance berbère emmenée par Koceila. Ce dernier parvient à prendre Kairouan et, après sa mort, les Arabes ne peuvent s'installer dans l'ouest de l'Algérie qu'en s'alliant aux Berbères.

Les chrétiens d'Égypte eurent le choix entre la conversion et le statut de dhimmi moyennant un impôt sur la terre. La plupart choisirent la seconde option et conservèrent d'importantes responsabilités administratives jusqu'au VIIIe siècle, où ils perdirent petit à petit leur pouvoir. L'arabe devint langue officielle et le copte fut relégué au rang de langue liturgique. Au XIVe siècle, les chrétiens ne comptaient plus que pour 10% de la population égyptienne.

Pendant cinq siècles, plusieurs dynasties puissantes se succédèrent en Afrique du Nord. En 910, la famille des Fatimides prit le pouvoir à Kairouan et s'étendit tend vers l'ouest que vers l'est, reprenant l'Égypte des mains des Turcs dans lesquelles elle était tombée entre temps. De sévères famines entre 1062 et 1073 amorcèrent son déclin et Saladin renversa le royaume en 1171.



Afrique de l’Ouest

L'Afrique au XIIIe siècle : Mamelouk; Perse; Arabes; Yémen.

califat hafcide; Kanem; Touareg; 1-Mérinides; 2 - Abdalwadides; Empire du Mali. Éthiopie; Aloa (*); Toundjour. comptoirs arabes ; Zanzibar; Kitara (*); Grand Zimbabwe; Feti; Khoï; San.Les sociétés installées en Afrique de l'Ouest sont d'origines très diverses. Au sud, du Sénégal au golfe de Guinée, la forêt équatoriale fut colonisée par des populations parlant des langues nigéro-congolaises, à l'instar de la totalité des langues parlées au sud d'une ligne reliant le nord du Sénégal au sud de la Somalie. Plus au nord, les régions de savane virent s'installer de petits groupes parlant des langues nilo-sahariennes, probablement en quête de terres plus fertiles suite à l'avancée du désert. Ces groupes se dispersèrent le long du Moyen-Niger et sur les rives méridionales du lac Tchad, près de plaines inondables propices à l'agriculture.

À partir du IXe siècle, plusieurs États dynastiques se succèdent le long de la savane subsaharienne, de la côte Atlantique au centre du Soudan, dont les plus puissants furent l'empire du Ghana, le royaume de Gao et le royaume du Kanem-Bornou. Le Ghana commence à décliner au XIe siècle et l'empire du Mali lui succéde deux siècles plus tard. Au XVe siècle, alors que le Mali commence lui-même à perdre des territoires, le chef songhaï Sonni Ali Ber échappe à l'autorité de son suzerain et fonde l'empire songhaï, au centre du Niger actuel, à partir de ce qui n'était qu'un royaume vassal du Mali.

Parallèlement, à partir du XIe siècle, des villes haoussas, en particulier Kano au nord de l'actuel Nigeria, se développaient grâce à la pratique du commerce et de l'industrie, jusqu'à former des cités-États. Elles restèrent en bordure des principaux empire soudaniques jusqu'au XVe siècle, versant des tributs à l'empire Songhaï à l'ouest et au royaume du Kanem-Bornou à l'est.

La progression des Arabes vers le sud fut interrompue par la forêt tropicale qui traverse le continent au niveau du 10e parallèle nord. Ils n'atteignirent jamais la côte de Guinée et les royaumes qui s'y développèrent restèrent hors de toute influence islamique. Ife, la plus ancienne de ces cités-États yoruba connues, était gouvernée par un prêtre-roi désigné par le titre d'oni. Centre culturel et religieux de l'actuel sud du Nigeria dès le VIIIe siècle, Ife exporta son système gouvernemental vers la ville d'Oyo, qui étendit petit à petit son pouvoir sur la région environnante jusqu'à éclipser sa cité-mère et prospérer au sein de son propre État à partir du XVe siècle, le royaume d'Oyo.

Les yorubas s'installèrent également à l'est d'Ife, en région de culture edo, au XIIIe siècle, pour y fonder le royaume du Benin. Deux-cents ans plus tard, ce dernier était devenue une importante puissance commerciale, isolant Ife de la côte et de ses ports. À son apogée entre le XVIe et XVIIe siècle, le royaume avait annexé une partie du territoire des yorubas et des igbos.



Les siècles de la traite

Articles détaillés : Traite négrière et Esclavage en Afrique.

Estampe des années 1830 : soldat avec son esclave, Afrique équatorialeHistoriquement, la première grande traite des noirs africains envoyés hors de leur continent commença après le VIIe siècle avec la traite arabe. Cela a débuté en 652, lorsque le général arabe Abdallah ben Sayd impose aux Nubiens (les habitants de la vallée supérieure du Nil) la livraison de 325 esclaves par an. La zone touchée s'étendait des territoires au sud du Sahara comme le Mali à l'Afrique de l'Est en passant par le Soudan et en suivant les routes transsahariennes.

L'Afrique noire eut ses premiers contacts avec les européens au XVe siècle. Ils établirent des comptoirs concurrents de la traite orientale ; d'abord pour commercer, ensuite aussi pour la traite des noirs à l'origine de la diaspora africaine.

On estime qu'à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, un quart des hommes avait un statut d'esclave ou de travailleur forcé en Afrique Noire. Aussi, les colons sont aidés dans cette entreprise par les dirigeants ou dominants africains.

Les Européens, à la suite de la colonisation des Amériques, et afin de remplacer la main-d’œuvre amérindienne, importent des africains. En effet, l'esclavage des amérindiens a progressivement été interdit au XVIe siècle, que ce soit par l'Église catholique ou les Rois européens qui dominaient l'Amérique latine. Sur plus de 400 ans (1500-1888), des esclaves sont achetés à différents endroits des côtes africaines : Afrique de l'Ouest, Guinée, Bénin, Nigéria, Sénégal et Sud de l'Afrique. À partir de 1800, des mouvements noirs et antiesclavagistes se manifestent, et malgré l'abolition de l'esclavage (autour de 1850 en fonction des pays), une traite illégale continua jusqu'au début des années 1900.



La colonisation



L'Afrique coloniale en 1913 : la partition d'un continent.


  • Allemagne

  • Belgique

  • Espagne

  • France**

  • Grande-Bretagne

  • Italie

  • Portugal


États indépendantsArticles détaillés : Afrique au XIXe siècle et Colonisation.Article détaillé : Théâtre africain de la Première Guerre mondiale. Au XIXe siècle, après l'abolition de l'esclavage, les États européens envahirent l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne grâce à leur avance technologique et malgré la résistance des peuples africains.

La période coloniale en Afrique s'étend de la Conférence de Berlin (1884-1885) aux indépendances des années 1960 et constitue l'acte fondateur des actuels États africains : les puissances coloniales se partagent alors l'Afrique lors de la conférence de Berlin en 1884-1885.

La colonisation a façonné l'espace et les orientations économiques des pays. Au départ, les pays colonisateurs n'ont pas l'intention de partager les territoires mais ils veulent uniquement protéger leurs compagnies contre les interventions étrangères. De ce fait, les colons partagent l'espace selon les méridiens, les latitudes, les cours d'eau et rarement selon les populations.

L'Éthiopie est le seul État africain, avec le Libéria, qui n'ait pas été colonisé par une puissance européenne, le pays ne connut qu'une brève occupation de 5 années (1936-1941). Une des raisons est qu'à l'instar de rares pays africains (Égypte, Maroc), l'Éthiopie est un État historiquement constitué (le pays de Kousch décrit dans la Bible). Elle ne fut pas « inventée » du fait des colonisations européennes du XIXe siècle. Cela explique, du moins en partie, le choix d'Addis-Abeba pour l'accueil du siège de l'Union africaine en 1963.



La quête de l'autonomie politique et les indépendances Article détaillé : Décolonisation de l'Afrique.

Les aspirations nationalistes africaines menèrent aux indépendances qui s'étalèrent de 1910 à 1975 suivant les pays. Les régimes qui s'installèrent ne furent pas démocratiques et peinèrent à développer leurs pays. L'Afrique fut jusqu'aux années 1990 instrumentalisée par les puissances de la guerre froide. Depuis la chute du mur de Berlin, les pays africains oscillent entre guerres civiles et processus de démocratisation

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_____Les ratés de la décolonisation en Afrique; Guerre au Libéria, affrontements au Rwanda, manifestations en Côte-d'ivoire, l'Afrique noire n'en finit pas de payer le prix d'une décolonisation opérée au profit des anciennes métropoles

En 1960, tous les anciens territoires africains d'outre-mer, gagnés bon gré mal gré par les exemples ghanéen et guinéen, demandaient et obtenaient leur indépendance. Mais sans rupture brutale avec la France, en concluant simultanément avec Paris des accords de coopération qui les liaient plus ou moins étroitement à l'ancienne métropole, ne serait-ce que parce qu'ils restaient dans la zone franc.

D'ailleurs, une clause de la Constitution de la Ve République prévoyait la possibilité pour des États indépendants de continuer à faire partie de l'ensemble franco-africain, et jusqu'en 1961 subsista une "Communauté rénovée", à laquelle avaient adhéré le Sénégal, Madagascar, le Tchad, la République centrafricaine, le Gabon et le Congo. Les pays du Conseil de l'entente - Côte-d'lvoire, Dahomey (aujourd'hui Bénin), Haute-Volta (devenue Burkina) et Niger - ainsi que le Mali (dirigé par un proche de Sékou Touré, Modibo Keita) et la Mauritanie avaient pour leur part refusé d'en faire partie, ainsi que des deux anciens territoires sous tutelle de l'ONU administrés pal la France, le Cameroun et le Togo, indépendants également depuis 1960, mais qui n'avaient pas pris part au référendum de 1958. Devant le succès mitigé de l'entreprise, la "Communauté rénovée" était dissoute en mars 1961.

La guerre d'Algérie battait alors son plein et divisait les Africains: la Guinée et le Mali appuyaient le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), aux côtés de l'Egypte de Gamal Abdel Nasser et du Ghana, des pays communistes et des non-alignés, alors que les anciens membres de la Communauté soutenaient, à l'ONU notamment, la politique algérienne de la France. Tous, néanmoins, devaient applaudir les accords d'Evian et l'indépendance de l'Algérie en 1962: pour une bonne partie du tiers-monde, le général de Gaulle était devenu l'un des grands artisans de la décolonisation.

Pourtant, aux yeux au moins de quelques uns de ses vieux adversaires, dont Nkrumah et Sékou Touré, l'indépendance octroyée sans combat aux pays d'Afrique noire fleurait le "néocolonialisme", tandis que celle de l'Algérie lui avait été arrachée de haute lutte et contre son gré. Pour eux, le pré carré des pays francophones de l'ancienne Communauté demeurait une chasse gardée où Paris exerçait une influence prépondérante sur des États habilement "balkanisés". La France avait divisé pour régner. D'autant que la plupart des dirigeants de ces États francophones dits "modérés" et pro-occidentaux s'opposaient aux projets d'unité africaine et au panafricanisme militant de Kwame Nkrumah et des responsables des pays dits "progressistes" ou "révolutionnaires", amis de l'URSS, comme Sékou Touré et Modibo Keita, qui avaient créé une union - éphémère elle aussi - Ghana-Guinée-Mali. Nkrumah était balayé par un coup d'État en 1966; Keita subissait le même sort en 1968.

Il est vrai que plusieurs des - nombreuses - interventions françaises en Afrique noire, sous la présidence du général de Gaulle, ne pouvaient que conforter dans leur opinion ceux qui accusaient la France de néocolonialisme. En premier lieu, au Congo-Léopoldville, l'ancienne colonie belge (aujourd'hui Zaïre) qui avait, lui aussi, accédé à l'indépendance en 1960. Paris prit en effet le parti de la sécession du Katanga et de Moïse Tschombé (dit "Tiroir-Caisse"), marionnette au mains du grand capital belge, contre le premier ministre Patrice Lumumba, considéré comme un dangereux agitateur proche de Moscou. L'idée étant sans doute d'affaiblir un grand Etat africain qui risquait d'attirer dans son orbite des voisins moins puissants, comme les anciennes colonies françaises du Congo-Brazzaville et de la République centrafricaine, et aussi d'acquérir quelques intérêts dans les riches mines de cuivre du Katanga.

Au Gabon ensuite, en 1964, où des parachutistes français débarquent pour remettre en selle le président Léon Mba, un moment renversé par un coup d'État. De 1967 à 1970, enfin, la diplomatie française, appuyée par celles de la Côte-d'Ivoire et du Gabon, soutient la cause de la sécession du Biafra contre le -gouvernement fédéral du Nigéria (lui aussi indépendant depuis 1960). Là encore, le but de Paris est, d'une part, d'affaiblir un grand Etat africain entouré de pays francophones beaucoup plus faibles, comme le Dahomey ou le Niger, et de prendre une part prépondérante dans l'exploitation des ressources pétrolières de l'est du Nigéria. Et surtout, peut-être, la France est le seul pays au monde à fournir des armes (avions, chars, hélicoptères) à l'Afrique du Sud, au mépris des recommandations de l'ONU (le "machin" qui a exaspéré le général de Gaulle lors de la guerre d'Algérie). Et il se trouve que, précisément, l'Afrique du Sud et son allié le Portugal, qui lutte alors déjà contre les mouvements de libération du Mozambique et de l'Angola, encouragent les sécessions katangaise et biafraise.

Ainsi la "balkanisation" de l'Afrique anciennement française a-t-elle indirectement entraîné un soutien à des causes douteuses, au nom de l'anticommunisme notamment. Mais peut-être cette "balkanisation" était-elle inévitable, en raison d'égoïsmes nationaux aussi neufs que vivaces, comme semble l'attester la dissolution des ensembles fédéraux mis en place par la Grande-Bretagne: ceux de la Communauté économique est-africaine (Kenya, Ouganda et Tanganyika) et de la Fédération des Rhodésies et du Nyassaland (aujourd'hui Zimbabwe, Zambie et Malawi) après l'accession à l'indépendance de ces États (entre 1961 et 1964, sauf pour le Zimbabwe - l'ancienne Rhodésie du Sud - beaucoup plus tardive, en 1980). Le seul exemple en sens contraire étant la fusion des deux Somalies - la britannique et l'italienne - lors de la proclamation de leur indépendance en 1960.

Quoi qu'il en soit, la politique africaine de la France sous les présidents Pompidou et Giscard d'Estaing est restée prisonnière des mêmes schémas, attachée à préserver son influence sur le pré carré francophone, voire à l'étendre en Afrique anglophone ou ex-belge, à la défendre aussi contre les visées libyennes. D'une manière générale, la diplomatie française en Afrique a continué jusqu'en 1981 à soutenir les régimes dits "modérés", même lorsqu'il s'agissait de dictatures corrompues: comme lors de l'intervention des parachutistes français à Kolwezi au Shaba (ancien Katanga) en 1978, qui, destinée à protéger des ressortissants européens, a sauvé le président Mobutu. La France a continué aussi à vendre des armes à l'Afrique du Sud avec qui le président Houphouët Boigny entendait nouer un "dialogue" pour la faire renoncer à l'apartheid - jusqu'à ce que la pression de l'organisation de l'unité africaine la contraigne à y renoncer progressivement. Elle a, avec d'autres membres de l'OTAN (en particulier la RFA et les États-Unis), fourni des armes à l'armée portugaise pour ses campagnes contre le MPLA en Angola et le FRELIMO au Mozambique, que soutenaient les pays communistes.

Cet appui aux régimes "modérés", au racisme sud-africain et au colonialisme portugais ne pouvait manquer d'entraîner des revers: quand une révolution progressiste, à Madagascar en 1972, écarte du pouvoir le président Philibert Tsiranana, la France y perd sa base navale de Diego-Suarez.

La défense du pré carré africain a par ailleurs entraîné un long conflit avec la Libye - à laquelle la diplomatie du président Pompidou, soucieuse de gagner le marché d'un pays riche en pétrole, avait vendu des Mirage. La France s'est ainsi empêtrée durant de longues années au Tchad, où pourtant le président Tombalbaye ne ménageait pas ses sarcasmes à M. Jacques Foccart, l'éminence grise de l'Elysée pour les affaires africaines sous de Gaulle et Pompidou, accusé d'être l'instigateur de tous les coups fourrés plus ou moins réussis qui fragilisaient l'Afrique francophone. Sa réputation est si mauvaise que M. Giscard d'Estaing s'empresse de le limoger dès son élection en 1974, Mais le nouveau président, que ses safaris ont familiarisé avec l'Afrique noire, y est aussi interventionniste que ses prédécesseurs, au risque de faire passer la France pour le "gendarme des États-unis" sur le continent, c'est un voyage en Libye en 1979 de Jean Bedel Bokassa qui le décide à se débarrasser de celui dont la France avait payé l'extravagant couronnement par une opération militaire aéroportée, baptisée Barracuda, qui était un coup d'État en bonne et due forme.

L'arrivée de la gauche au pouvoir, en 1981, a apporté quelques changements notables: malgré quelques bavures, Paris a appliqué les sanctions contre l'Afrique du Sud et a établi des relations amicales avec les régimes - marxistes - des anciennes colonies portugaises. L'intervention militaire française au Tchad s'est enfin révélée payante, ce qui n'est pas une mince performance. Moins glorieuse sans doute a été la réconciliation définitive avec Sékou Touré, malgré les révélations sur le sinistre camp de la mort où le dictateur guinéen laissait ses opposants mourir de faim. C'est que les pays francophones continuent d'être l'objet d'une sollicitude attentive qui soulève parfois des interrogations, comme l'envoi d'unités françaises au Togo en 1986 pour soutenir le président Eyadema après une tentative de coup d'État apparemment partie du Ghana. Ou au Gabon en 1990, pour y protéger les ressortissants français et assurer leur évacuation en raison des manifestations contre le régime du président Bongo.

Au sommet franco-africain de La Baule, en juin dernier, M. Mitterrand a encouragé les présidents africains à démocratiser leurs institutions tout en se défendant de vouloir s'ingérer dans les affaires intérieures des pays concernés. La méthode - douce - consistera à délier plus ou moins rapidement les cordons de la bourse qui alimente leur budget selon les progrès enregistrés vers le multipartisme et le respect des droits de l'homme.

Un exercice qui requiert pour le moins quelque doigté. Est-il de nature à entraîner les changements radicaux que réclament, en Afrique francophone, des populations frappées par la misère, indignées par la corruption des pouvoirs en place, et bridées dans leurs aspirations à la liberté? Pour elles, le bilan de ces trente ans d'"indépendance surveillée" est plutôt amer, Mais il faut bien dire qu'ailleurs en Afrique la rivalité américano-soviétique, compliquée par les ingérences arabes et la politique de déstabilisation de l'Afrique du Sud dans les pays de la "ligne de front", a eu des résultats encore plus désastreux que le paternalisme français...



..fin du texte

Notes:

(1) En 1959, l'Afrique comptait neuf États indépendants: Éthiopie, Libéria, Egypte, Libye, Soudan, Maroc, Tunisie, Ghana et Guinée. L'arrivée des dix-sept autres, en 1960, portait ainsi à vingt-six le nombre des nations souveraines du continent, soit environ la moitié de celles qu'il compte aujourd'hui.

  • 1/(début du texte) L'amer bilan de trente années d'indépendance a donné un nouveau souffle aux aspirations démocratiques qui s'expriment aujourd'hui avec force. L'Occident saisira-t-il cette chance en encourageant la marche vers plus de liberté et de justice ou, une fois encore, se fera-t-il le défenseur d'intérêts égoïstes et à courte vue?

1960 a été l'"année des indépendances africaines": dix-sept anciennes colonies d'Afrique noire - dont quatorze françaises - sont alors devenues des États souverains (1). La décolonisation complète du continent ne s'est toutefois achevée que trente ans plus tard, en 1990, avec la fin de la tutelle sud-africaine sur la Namibie, tandis que le grand rêve panafricaniste de l'unité du continent, caressé entre autres par le Ghanéen Kwame Nkrumah, se dissipait rapidement. Bien plus, durant ces trois décennies, le continent africain est resté un enjeu que se sont disputé les grandes et moyennes puissances - dont la France - à coups d'interventions militaires, de pressions diplomatiques et économiques. La fréquence et le poids de ces ingérences - à la demande parfois, d'ailleurs, des pays africains eux-mêmes - ont réduit considérablement l'exercice de leur souveraineté. On peut certes en dire à peu près autant de l'Amérique centrale et du Sud-Est asiatique, mais la "dépendance" persistante du continent africain, et surtout de l'Afrique noire, reste frappante. Entre autres parce qu'elle a été durement atteinte par la chute des prix des matières premières et qu'elle est aujourd'hui écrasée par le poids de sa dette.

C'est la Grande-Bretagne qui a donné, en 1957, le coup d'envoi de l'indépendance de l'Afrique noire, en l'accordant au Ghana et à son premier ministre, Kwame Nkrumah. Elle avait aussi pris, la première, l'initiative de la décolonisation en Asie, dès 1947, en renonçant à son empire des Indes.

La France, seconde puissance coloniale du globe, avait suivi le mouvement: elle s'était retirée d'Indochine en 1954 après la défaite de Dien-Bien-Phu, puis, en 1956, du Maroc et de la Tunisie. L'insurrection algérienne avait éclaté en 1954, et, en 1955, la conférence de Bandoung, à laquelle participaient les représentants de vingt-neuf pays africains et asiatiques, dont le Chinois Zou Enlai, l'Égyptien Nasser et l'Indien Nehru, avait revendiqué le droit à l'indépendance de tous les peuples colonisés et consacré l'émergence du tiers-monde sur la scène internationale.

L'agitation qui avait secoué la tutelle coloniale au Maghreb avait globalement épargné les territoires français d'Afrique noire, auxquels la loi-cadre de Gaston Defferre avait accordé en 1956 une large autonomie de gestion avec des Assemblées élues et un exécutif africain, encore présidé, toutefois, par le gouverneur colonial. La dernière révolte importante avait été le soulèvement des indépendantistes de Madagascar, en 1947, dont la répression avait fait plusieurs dizaines de milliers de morts (80 000 selon certaines estimations).

Semi-souveraineté et "balkanisation"




Néanmoins, lorsqu'il revient au pouvoir en mai 1958, le général de Gaulle estime indispensable de faire un geste spectaculaire envers l'Afrique noire: il soumet à référendum une Constitution qui prévoit l'instauration d'une Communauté franco-africaine où un certain nombre de compétences dites "communes" (défense, diplomatie, monnaie, etc.) sont partagées entre la métropole et les territoires africains, qui accèdent à une semi-souveraineté limitée à la gestion de leurs affaires intérieures. A une énorme majorité dans la plupart des cas, les territoires consultés répondent "oui". Sauf la Guinée de Sékou Touré, où le "non" l'emporte à la quasi-unanimité. Le dirigeant guinéen, qui se situe dans la mouvance marxiste, invoque pour justifier son refus le fait que la nouvelle Communauté entraîne la disparition des deux grandes entités fédérales, - l'Afrique occidentale française (AOF), et l'Afrique équatoriale française (AEF) - que la loi Defferre avait laissé subsister. Il accuse le général de Gaulle de vouloir "balkaniser" son ancien empire colonial pour mieux le contrôler.

C'est, peu ou prou, ce qui allait arriver, quelles qu'aient été les intentions du général de Gaulle. Pourtant, la Communauté franco-africaine ne devait avoir qu'une existence éphémère.

http://felina.pagesperso-orange.fr/doc/colon/rates_decolonis.htm

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_____« 1960 » ou la neutralisation de la pensée politique nègre

Aspect méconnu de l’Histoire franco-africaine, avec la prétendue « décolonisation » et le largage des populations subsahariennes, c’est la pensée politique nègre qui fut en définitive contrée puis neutralisée. Dès les années 1920, à travers des hommes tels que Blaise Diagne, René Maran ou Lamine Senghor, puis par la suite, grâce à des figures immenses telles que LS Senghor, Aimé Césaire ou Alioune Diop, la pensée politique nègre se caractérisait par sa révolte non seulement contre le racisme et le mépris de la race noire, mais aussi contre tous les esclavages et contre tous les crimes, quelle que soit la couleur de la victime et celle du bourreau.

Au nom de l’humaine grandeur, la Négritude affirmait la nécessité de bâtir un monde moderne débarrassé de toutes les tyrannies politiques, religieuses ou superstitieuses. Un monde qui serait nécessairement nourri, pour se constituer dans la richesse et dans la gloire, de toute la chair du monde et des civilisations. Chaque civilisation apportant son génie à l’universel développement, tout en abandonnant ses tares grâce à la rencontre de l’altérité, par un serein équilibre entre la conscience ardente de ses forces mais aussi une exigeante lucidité quant à ses faiblesses.

Pour qui connaît les errements et les fourvoiements délétères, à la même époque, de bien des discours politiques, en particulier occidentaux et européens, pareille hauteur de vue peut fasciner…

Dans les années 1945-1958 en France, ce courant de pensée majeur et visionnaire, en phase avec l’avant-garde de l’école anthropologique française (notamment Claude Lévi-Strauss), pouvait accéder aux commandes. Il suffisait pour cela d’accomplir une étape décisive réclamée avec constance et acharnement par la quasi-totalité de la classe politique africaine et ultramarine : l’égalité politique.

Une telle réforme aurait permis aux représentants africains, soutenus et renforcés par les suffrages de dizaines de millions de citoyens d’outre-mer, de défendre les populations ultramarines, particulièrement vulnérables au sortir du colonialisme. Mais elle leur aurait aussi permis de porter jusqu’au sommet de l’Etat leurs conceptions non seulement de l’homme noir, mais aussi de l’homme tout court, dans un monde tellement bête. Ce fut d’ailleurs partiellement le cas sous la IVe République : entre 1945 et 1958, là où les Africains avaient le plus d’influence, à savoir en Afrique subsaharienne (AOF et AEF), les progrès, en termes de développement économique, social, et d’esprit démocratique, bref, d’abolition du colonialisme, furent spectaculaires et incontestables. Kwamé Nkrumah lui-même, qui visitait la Côte d’Ivoire en 1957, s’en émerveilla.

La « République de 58 »

On en était là, lorsqu’en 1958, profitant de la crise ouverte par l’atroce guerre d’Algérie, conséquence de la politique infâme autant que désastreuse de la IVe République, Charles de Gaulle fit un coup d’Etat militaire.

L’ancien chef de la France libre accusa le « Système », par son refus de reconnaître égaux tous ses enfants, de trahir la « vocation » de la France. Sur ce grief, il s’empara du pouvoir en promettant à tous, « en Algérie et ailleurs », l’égalité politique pleine et entière (Discours d’Alger et de Mostaganem, 4 et 6 juin 1958). Auréolé de son prestige, se réclamant du souffle de l’Histoire, le plus illustre des Français s’affirmait décidé à réaliser le grand projet fraternel défendu par les Africains depuis des décennies !

Exaltant la fraternité franco-africaine devant des foules en liesse, de Gaulle s’engageait à achever le processus d’intégration égalitaire esquissé mais finalement rejeté par le précédent régime. Cette révolution se solderait par l’accession des Africains aux plus hauts postes de l’administration et de l’Etat français, devenu ipso facto franco-africain. Selon un schéma que la IVe République, dans le sillage de la IIIe, avait déjà plus qu’ébauché, sous la pression démocratique des populations franco-africaines, conjuguée à la force de l’héritage de 1789. Se rappeler que sous ces deux régimes, des Africains et des Antillais furent députés, ministres, vice-présidents de l’Assemblée nationale ou encore président du Sénat…

Par la « République de 58 », Charles de Gaulle, porté au pouvoir par l’Armée et bientôt confirmé triomphalement par le peuple après des décennies de luttes, d’hésitations et de palabres, un vaste processus ancien touchait à son plein accomplissement. Le conservatisme le plus enkysté était sommé de rendre la parole au peuple, qui se trouvait justement disposé à accomplir cette mue grandiose : le 28 septembre, le référendum sur la nouvelle Constitution fut très largement approuvé par plus de 80% de OUI. Pouvait enfin s’accomplir la métamorphose de la France et de son empire en une vaste République franco-africaine fraternelle, égalitaire et sociale à vocation universelle. En ces extraordinaires journées de 1958, par le verbe de Charles de Gaulle, d’acre réticences succombaient, tandis que triomphaient de la pensée politique nègre mêlée à celle de Claude Lévi-Strauss…

C’est ce projet, véritable âme du monde, qui fut détruit en même temps que furent évincés les grands théoriciens politiques nègres des années 1950. Notre monde actuel, obsédé par les races, gagné par l’obscurantisme et perclus de superstitions, englué dans le sous-développement ou l’opulence crasse, est la consternante conséquence de leur défaite. A ce monde tristement dépourvu de rêves et si plein de cauchemars, saurons-nous en substituer un autre, construit en mémoire de ces splendides vaincus ?

Il faudrait pour cela dévoiler dans sa terrible réalité le divorce franco-africain, survenu entre 1958 et 1962.

Anéantissement de la « République de 58 »

Charles de Gaulle, maurrassien notoire aux racines barrésiennes, pensait l’exact contraire de ce qu’il avait promis et annoncé d’une voix vibrante pour revenir aux affaires, c’est-à-dire pour bénéficier des soutiens du peuple, en Métropole comme en Afrique, et de l’appui de l’Armée. Une fois aux manettes, il incurva progressivement son discours et détruisit méthodiquement l’unité franco-africaine. Au prix d’une duplicité permanente et de transgressions gravissimes, en une sorte de triptyque infernal : l’Affaire gabonaise en 1958, la Loi 60-525 en 1960, la Tragédie des Harkis en 1962. Pour éviter, selon ses confidences, la « bougnoulisation » et l’islamisation de la France, et plus confidentiellement encore, afin d’organiser le néocolonialisme. Sur fond d’intrigues du monde entier (USA, URSS, Ligue Arabe, Vatican, ONU, etc.) et d’âpres calculs drapés de vertus, le grand rêve franco-africain (ou euro-africain) se heurta aux sombres et torves vues des élites parisiennes, européennes et occidentales.

Par la suite, ce gigantesque scandale fut caché à coups de travestissements de l’Histoire, de menaces et d’anathèmes. Avec d’autant plus d’efficacité que le consensus était pour ainsi dire planétaire, puisque tout le monde et tous les partis avaient trempé dans l’opération. Au nord comme au sud de la Méditerranée et sur tous les continents, l’exaltation de la figure du Général, présenté comme un phare immense doublé d’un saint homme, permit d’opportuns et colossaux escamotages. En France, au fil des décennies, la statue du commandeur enfla jusqu’à la démesure, selon un crescendo qui s’amplifia à mesure que le scandale se dévoilait dans les coulisses du pouvoir et du savoir.

Au point qu’en ce mois de juin 2010, sous prétexte de 70e anniversaire de l’appel du 18 juin 1940, Charles de Gaulle fut glorifié ad nauseam. Alors qu’on est censé célébrer cette année le tragique et monstrueux Cinquantenaire des indépendances africaines dont il fut le principal artisan, sinon le cerveau…

Aujourd’hui, au bout de l’enfer déclenché il y a cinquante ans, la France se disloque, à l’image de son équipe nationale de football, gangrénée par le projet insensé de la Ve République blanciste, né de la négation de ce qu’elle prétendit être pour pouvoir naître. En anéantissant la « République de 58 », de Gaulle et ses alliés ne se posèrent pas seulement en imposteurs. Ils détruisirent aussi « une certaine idée » de la France, en la faisant fossoyeuse de ses plus grands idéaux, de ses plus hauts principes et ogresse de ses innombrables enfants d’outremer. Faut-il s’étonner qu’aujourd’hui, nombre d’entre leurs descendants la tiennent pour ennemie, jusqu’à parfois la haïr ? Tandis que le pays tout entier bascule dans la folie, perclus de remords et d’inavouables culpabilités raciales, qui pourtant sont celles de l’Etat, et non de son bouc-émissaire, le peuple…

Serait-il permis de regretter qu’en 2010, en cette tragique année anniversaire du grand déchirement, de la trahison et du crime, on n’ait pas davantage modéré, à Paris, ses ardeurs hagiographiques à l’endroit du Général ?

Serait-il incongru d’attendre qu’à l’avenir, le personnel politique, de droite comme de gauche, les intellectuels, la presse et les médias français cessent d’exalter sans bornes Charles de Gaulle, au gré d’un ubuesque et surtout obscène crachat au visage de tant d’Africains, de Métropolitains et d’Ultramarins qui, comme certains Bleus sans doute, ont tellement mal à la France ?

Alexandre Gerbi est écrivain, auteur notamment de Histoire occultée de la décolonisation franco-africaine, imposture, refoulements et névroses (Ed. L’Harmattan). Il est également membre cofondateur du Club Novation Franco-Africaine. Il anime le blog Fusionnisme.

...http://www.afrik.com/article20274.html mercredi 7 juillet 2010 / par Alexandre Gerbi, pour l'autre afrik /

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